“Nous, Loyalistes et Rassemblement ne siégerons plus dans les institutions non-démocratiques. Nous serons désormais dehors pour les séances publiques, sur les marches du Congrès”, lâche Sonia Backès en se levant pour quitter l’hémicycle. Suivie par les élus des deux groupes et une partie du public, à qui Roch Wamytan, le président du Congrès, a demandé de se taire ou de partir.
Les élus du Congrès devaient notamment discuter du pacte nickel et du projet de taxe pour l'équilibre tarifaire qui pourrait s’appliquer sur les carburants pour redresser les finances d’Enercal. Ce dernier a finalement été renvoyé en commission. En ouverture de séance, alors que les échos de la manifestation se faisaient entendre jusque dans la salle, Jean-Pierre Djaïwé, président du groupe Union nationale pour l'indépendance (UNI), a annoncé déposer une motion préjudicielle pour avoir le temps d’étudier de nouveaux amendements.
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Ce Congrès ne représente plus le peuple calédonien donc aucune de vos taxes, aucune de vos mesures mortifères n’auraient dû passer, ni au Congrès ni au gouvernement.
Sonia Backès
Puis Sonia Backès a pris la parole au nom des Loyalistes et du Rassemblement, remettant une fois de plus en cause la répartition des sièges née de l’Accord de Nouméa, en 1998. “Vous n’êtes plus légitime à la place où vous êtes parce que si les habitants de la province Sud pesaient le poids qu’ils devaient peser, vous ne seriez plus à la tête du gouvernement”, commence-t-elle. “Vous n’êtes pas majoritaires, les Calédoniens en ont décidé autrement, trois fois. En plus, vous vous permettez de nous mépriser, au Congrès et au gouvernement, de vous comporter comme si vous étiez à la tête d’une dictature”, enfonce-t-elle.
“Vous êtes en train de détruire la Nouvelle-Calédonie brique après brique. Vous asphyxiez les Calédoniens de taxes nouvelles, vous augmentez le prix de l’électricité, vous assassinez les entreprises”, accuse-t-elle encore.
Cette loi constitutionnelle, c’est aussi jouer avec le feu. Je le dis au ministre.
Louis Mapou, président du gouvernement
Louis Mapou, le président du gouvernement, a répondu à des chaises vides. "Les indépendantistes ne sont pas majoritaires au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, ils ne l’ont jamais été depuis 1988”, rappelle-t-il. "Pourquoi ceux qui ont réussi à faire alliance (avec l’Eveil océanien) dans des conditions difficiles seraient moins légitimes aujourd’hui ?”, demande-t-il. Lui estime que les indépendantistes ont “servi de garants à la sérénité”.
Il dénonce des visées électoralistes et un double discours. “Celui tenu en réunion de travail avec les indépendantistes et celui tenu parce que des personnes sont dans la rue et qu’il faut se préparer aux prochaines provinciales. Il faut qu’on sorte de ce jeu parce que là, on joue avec le feu.”
Parce que nous ne vivons pas dans les beaux quartiers, nous n’avons pas besoin qu’on nous donne des leçons.
Louis Mapou
“Il y a des choses que l’on aurait dû faire avant. On en est tous responsables”, lance-t-il, évoquant les difficultés financières et l’imposition des particuliers et des entreprises. “Est-ce que ça justifie ce type de comportement ? Non. (...) Je ne veux pas qu’on vienne nous dire qu’on est hors sol, qu’on ne connaît pas la situation des personnes concernées. C’est un procès d’intention qu’on ne peut pas accepter de la part de personnes qui vivent dans de beaux quartiers."
A l'origine du report de la signature du pacte nickel
"On n’a pas fait tout ce chemin depuis 1988 pour arriver à des débats de cette nature. On mérite autre chose”, conclut-il avant d'expliquer être à l'origine du report de la signature du pacte nickel. "Par respect des élus du Congrès, parce qu’il y a un engagement financier de 8 milliards de francs" demandé à la Nouvelle-Calédonie. Mais également par désaccord, indique-t-il : "parce que l’Etat propose de ne pas soutenir l’usine du Nord, l'usine la plus emblématique dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie".
Prononcer de telles paroles, c’est un genre de défi lancé au peuple kanak. C'est prendre le risque de rallumer un feu que l'on travaille à éteindre depuis quarante ans.
Roch Wamytan, président du Congrès
La transition était toute trouvée pour aborder le pacte nickel. Mais d'autres élus avaient besoin de revenir sur les propos de Sonia Backès. Philippe Gomès, le chef de file de Calédonie ensemble, a le sentiment d'être "dans une configuration de plus en plus dangereuse. On a un chargement de nitroglycérine. On est sur une route défoncée et on va de plus en plus vite, comme si on essayait de faire exploser le chargement", décrit-il, référence au Salaire de la peur. "Le procès en illégitimité est un procès dangereux parce qu’on pourrait le faire les uns à l’égard des autres. Il a jalonné l’histoire du pays."
"J’invite les partis loyalistes à revenir"
"Relancer la guerre des légitimités, c'est relancer celle de l’appartenance des uns et des autres à cette terre, et notamment à la terre du Sud", rebondit Roch Wamytan, après avoir évoqué "la période dite des évènements". "La terre sur laquelle Madame Backès est debout chaque jour, c’est la terre de mes clans puisque c’est mon arrière arrière grand-père qui a signé l’acte de reconnaissance un an après la prise de possession. Donc je pense qu’il faut raison garder et avancer", poursuit-il. "Nous disons aussi 'Ça suffit !' Mettons nous autour de la table, discutons. J’invite les partis loyalistes à revenir. Leur place est ici, pas dehors, sur le trottoir. Revenez, nous vous attendons."
On peut être dans l’opposition de manière constructive pour enrichir les débats, trouver les meilleures solutions pour sortir de l'impasse dans laquelle nous sommes.
Aloisio Sako, élu du groupe UC-FLNKS et nationalistes