Maladie virale, la dengue est transmise par des piqûres de moustiques tigres infectés. Ses symptômes se caractérisent par de fortes fièvres et des courbatures, mais, si le patient développe généralement des formes bénignes, des formes graves, voire mortelles existent.
"La dengue est une très bonne maladie à étudier, car elle est très sensible au climat", a déclaré à l'AFP Erin Mordecai, écologiste spécialiste des maladies infectieuses à l'université de Stanford. En effet, si la dengue est déjà endémique dans plus de 130 pays à travers le monde, avec la hausse des températures, les moustiques vecteurs se propagent au-delà des zones tropicales et subtropicales où ils étaient jusqu’alors cantonnés.
Tandis qu’une nouvelle épidémie de dengue frappe actuellement la Guadeloupe, une étude américaine met en évidence l'incidence de la dengue et les variations climatiques dans 21 pays d'Asie et des Amériques. Les chercheurs ont alors estimé qu'environ 19 % des cas actuels de dengue dans le monde "sont attribuables au réchauffement climatique", a résumé Erin Mordecai, auteure principale de l'étude.
En outre, les températures entre 20 et 29 °C sont les plus propices à la propagation de la maladie. Au total, selon les scientifiques de l'université de Stanford, au moins 257 millions de personnes vivent actuellement dans des zones où le réchauffement climatique pourrait faire doubler l'incidence de la dengue les 25 prochaines années.
Une augmentation du nombre de cas
Selon l'Organisation mondiale de la Santé, durant les huit premiers mois de 2024, près de 13 millions de cas de dengue ont été dénombrés, soit presque le double du record enregistré sur toute l’année 2023.
Interrogée à ce sujet, Anna-Bella Failloux, professeure en entomologie médicale à l'Institut Pasteur, évoque une augmentation des "cas autochtones" notamment en France hexagonale. "En 2010, nous avons enregistré le premier cas de dengue autochtone, c’est-à-dire lié à un moustique présent sur le territoire métropolitain. Auparavant, les cas étaient liés à des personnes qui revenaient de voyages où ils avaient été piqués par un moustique infecté", poursuit la scientifique.
De plus, si "80 % des personnes qui contractent la maladie sont asymptomatiques", le moustique tigre est aujourd’hui présent dans "78 départements" en Hexagone, affirme Anna-Bella Failloux. De ce fait, le nombre de malades augmente graduellement sur le territoire avec "64 cas recensés en 2023 et 68 en 2024".
"Le virus et le moustique tigre sont déjà là"
Mais, si le réchauffement climatique pourrait avoir un effet sur la propagation de la maladie dans des zones tempérées, dans les zones soumises à un climat tropical, la problématique est tout autre. "Le virus et le moustique tigre sont déjà là. Aujourd’hui, pour lutter contre la dengue, nous travaillons sur la lutte biologique", explique la professeure à l’Institut Pasteur.
En effet, pour combattre cette maladie, l'une des approches prometteuses consiste à introduire dans la nature des moustiques infectés par une bactérie bloquant la capacité de l'insecte à transmettre le virus. "Ce dispositif a été mis en place en Nouvelle-Calédonie depuis 2019, mais aussi à La Réunion. Par ailleurs, en Polynésie, le choix a été fait d’introduire des moustiques stériles afin de diminuer leur population", témoigne Anna-Bella Failloux.
Des procédés qui semblent porter leurs fruits, mais qui restent pourtant marginaux. "Ces usines à moustiques sont couteuses et aujourd’hui seuls certains territoires ont pu investir dans ce domaine", argumente la professeure en entomologie médicale. En outre, certains nouveaux foyers de contaminations ne peuvent actuellement pas compter sur ce type de solutions, "si la législation demeure plus souple dans les territoires ultramarins, de tels procédés sont interdits en Europe où ces moustiques sont considérés comme des organismes génétiquement modifiés", explique Anna-Bella Failloux.
La dengue n’a alors pas terminé son expansion autour du globe, un phénomène facilité par le changement climatique, la mondialisation des échanges commerciaux et des voyages ainsi que l'avancée de l'urbanisation qui favorisent la propagation des moustiques tigres.