Les réparations de l’esclavage s’invitent au sommet du Commonwealth

Le roi Charles III, lors de l'ouverture du sommet du Commonwealth, le 25 octobre 2024.
Invité à présenter des excuses lors du sommet qui réunit les dirigeants des 56 États du Commonwealth, Charles III s'est abstenu de le faire, arguant qu'"aucun d'entre nous ne peut changer le passé".

Le roi Charles III a tenté de temporiser vendredi au sommet du Commonwealth face aux demandes croissantes de réparations pour le passé colonial britannique, sur fond de débat houleux quant à l'héritage de l'esclavage et de l'empire. Le monarque s'est rendu au sommet des dirigeants des 56 États membres du Commonwealth, aux îles Samoa, dans le Pacifique Sud, avec l'objectif d'inscrire cette organisation héritée de l'empire britannique dans la modernité.

Mais les discussions sur la lutte contre le changement climatique ont été éclipsées par l'histoire, au premier sommet du Commonwealth auquel Charles III participe en tant que souverain. De nombreuses nations d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique souhaitent que le Royaume-Uni et d'autres puissances européennes versent une compensation financière pour l'esclavage ou qu'elles fassent au moins amende honorable sur le plan politique.

Justice réparatrice

Il est temps que le Commonwealth demande "justice" pour la période brutale de l'esclavage subie par de nombreux pays du groupe, a affirmé vendredi le Premier ministre des Bahamas, Philip Davis. Le Commonwealth était composé à l'origine d'ex-colonies britanniques mais s'est ensuite élargi avec des pays comme le Togo et le Gabon - deux anciennes colonies françaises. Des pays espèrent que le sommet s'engagera à ouvrir une discussion sur le sujet, un débat que le Royaume-Uni s'est efforcé jusqu'à présent d'éviter.

La justice réparatrice n'est pas une conversation facile, mais elle est importante. Notre histoire est profondément entremêlée, ce qui implique la responsabilité de faire face au passé avec honnêteté.

Philip Davis, Premier ministre des Bahamas.

"Les horreurs de l'esclavage ont laissé des blessures profondes et générationnelles dans nos communautés, et la lutte pour la justice et la justice réparatrice est loin d'être terminée", a déclaré Philip Davis. En quatre siècles, environ 10 à 15 millions d'esclaves ont été amenés de force dans les Amériques depuis l'Afrique, selon les historiens, même si le bilan humain exact reste inconnu.

Pas d'excuse de la part de la famille royale, ni du gouvernement britannique

La famille royale britannique, qui a bénéficié de la traite des esclaves pendant des siècles, a été invitée à présenter des excuses. Mais le monarque s'est abstenu de le faire vendredi, demandant aux participants au sommet de "rejeter le langage de la division". "Aucun d'entre nous ne peut changer le passé. Mais nous pouvons nous engager, de tout notre cœur, à en tirer les leçons et à trouver des moyens créatifs de corriger les inégalités qui perdurent", a-t-il déclaré.

Le Premier ministre Britannique Keir Starmer a jusqu'ici rejeté publiquement les demandes de réparations et ses collaborateurs ont exclu la possibilité de présenter des excuses lors du sommet.

 Âpres négociations 

Un projet de communiqué du sommet, appelant à un débat sur le colonialisme, fait l'objet d'âpres négociations. Les pays développés ont tenté d'édulcorer les termes du communiqué final, a indiqué à l'AFP une source diplomatique sous couvert d'anonymat.

"Les demandes de réparations ne se limitent pas à une compensation financière. Il s'agit de reconnaître l'impact durable de siècles d'exploitation, et de veiller à ce que l'héritage de l'esclavage soit traité avec honnêteté et intégrité", a insisté Philip Davis.

Joshua Setipa, du Lesotho, l'un des trois candidats en lice pour le poste de secrétaire général du Commonwealth, a déclaré que les réparations pourraient inclure des formes de paiement alternatives, comme le financement de la lutte contre le changement climatique.