Avec 14 avions, dont 10 longs courriers, Dubreuil aéro, propriétaire des compagnies aériennes Air Caraïbes et French Bee, se place désormais comme premier groupe aérien privé français. Passionné d’aviation, Jean-Paul Dubreuil, son fondateur, avait racheté Air Caraïbes – une société antillaise – en 1998 puis lancé la première liaison transatlantique le 12 décembre 2003. Avec l’aide de Marc Rochet, un cador du transport aérien français, ils sont allés concurrencer Air France et Corsair sur les lignes aériennes les plus fréquentées de France : d’abord les Antilles et La Réunion, des routes où transitent plus d’un million de passagers à l’année, puis la Guyane et enfin la Polynésie en mai 2018 avec French Bee, la petite sœur low cost d’Air Caraïbes fondée en 2016.
Pour accompagner leur croissance, Jean-Paul Dubreuil et Marc Rocher avaient fait le choix d’investir dans une flotte d’avions neufs. À l’époque, ils avaient opté pour Airbus plutôt que Boeing, alors que le constructeur américain dominait le marché de vente d’avions de ligne.
Air Caraïbes et French Bee sont devenues deux compagnies aériennes long-courrier stratégiques pour les territoires ultramarins français. Au-delà de la continuité territoriale, elles ont apporté de la concurrence sur les destinations et permis aux passagers de meilleures dessertes, plus de fréquences et des baisses de prix des billets d’avion. Des baisses même en ces temps de crise économique, même en cette période de hausse des prix, en raison de l’explosion des prix du carburant, de l’inflation, du manque de pièces pour la maintenance des avions, des hausses de taxes… Pour de nombreux experts du transport aérien, la présence de ces deux compagnies freine la hausse des prix des vols vers et depuis les Outre-mer.
Un secteur fragile
La livraison de ce dernier appareil neuf a été aussi l’occasion pour le groupe Dubreuil aéro d’assurer le passage de gouvernance entre les deux Dubreuil : le père Jean-Paul, celui qui a introduit l’aérien dans l’activité du groupe et son fils, Paul-Henri, qui préside désormais la destinée de tout l’empire Dubreuil où le transport aérien représente 34 % du chiffre d’affaires.
Après la réception du A-350-1000 immatriculé F-HAJP, le groupe Dubreuil devrait sans doute faire une pause sur la croissance de sa flotte d’appareils pour ne s’occuper que du remplissage effectif de ses avions, dans un secteur économique particulièrement fragile. Le transport aérien commercial a été percuté par la crise Covid et se retrouve face à des contraintes environnementales très impactantes, structurellement et économiquement.
*"Avec des avions neufs qui consomment environ 25 % de carburant en moins, 50 % moins bruyants que les anciens modèles Airbus et Boeing et moins pollueurs en CO2, nous sommes sereins sur l’avenir de notre groupe aérien", a confié Paul-Henri Dubreuil à la cérémonie de remise des clés de l’avion chez Airbus. "Désormais, nous devons consolider nos dessertes et remplir nos avions au maximum pour rembourser l’achat de ses bijoux technologiques et nous développer", a-t-il insisté.
L’histoire récente a démontré combien l’économie du transport aérien français est fragile, encore plus pour les petites compagnies qui assurent la continuité territoriale face à des mastodontes internationaux qui n’ont ni les mêmes modèles économiques, ni les mêmes problématiques et contraintes de services. Toutes, exception faite d’Air France et des deux compagnies Air Caraïbes et French Bee, reposent sur le soutien financier des territoires ultramarins auxquelles elles sont liées : Air austral avec La Réunion, Aircalin avec la Nouvelle-Calédonie, Air Tahiti nui avec la Polynésie française et même Corsair, pourtant compagnie privée très dépendante d’investisseurs antillais. Des réalités économiques que l’Europe surveille de très près et qu’elle tacle régulièrement au motif que ces aides territoriales sont "des aides faussant la concurrence".
Derrière la livraison d’avion pour Air Caraïbes, c’est tout l’enjeu de la continuité territoriale et ses conséquences pour les populations ultramarines qui est en jeu. Si la plupart de ces compagnies spécialisées disparaissent, comment cette continuité territoriale sera-t-elle assurée ? À quel prix et à quelles fréquences ? Affaire à suivre.