Vicaire général du diocèse de Saint-Denis en France, Philippe Guiougou s’improvise réalisateur d’émissions religieuses. Crise du covid-19 oblige, ce prêtre guadeloupéen essaye de maintenir le lien religieux avec les chrétiens de son diocèse via des vidéos sur les réseaux sociaux.
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Les 100 pas
Ambiance crispée dans les bureaux de l’évêché de Saint-Denis en France ce dimanche de Pâques. En fin de matinée, avec un collègue jésuite, Philippe Guiougou fait les 100 pas, multipliant les allers retours entre son bureau et celui d’un de ses confrères. Ce dernier, prêtre et médecin, s’active à transférer sur la plateforme YouTube le fichier vidéo de la messe de Pâques célébrée quelques heures plus tôt par l’évêque et une dizaine de prêtres dans la Basilique de la ville, complètement vide de fidèles.Problème : le montage a pris du retard et surtout l’encodage et le transfert du fichier moulinent, comme on dit dans le métier. « On a pourtant de la chance, l’évêché a été connecté à la fibre juste avant le confinement et pourtant, internet rame ! C’est rageant ! », se morfond le prêtre antillais de 47 ans, originaire des Abymes et de Baie-Mahault. « On a prévenu les fidèles du diocèse via les réseaux sociaux que la vidéo de la messe serait en ligne à 11 heures. A cette vitesse, ils ne l’auront pas avant midi. C’est frustrant ! C’est là que l’on mesure que les réseaux sociaux ont un rôle important en cette période de confinement général. Ils nous permettent de rester connectés avec nos paroissiens ».
Maintenir le lien
Il ne ménage pas sa peine le jeune vicaire général du 93. Nommé bras droit de l’évêque de Saint-Denis en France depuis le 1er septembre dernier, cet ancien curé de la banlieue nord de Paris a à peine eu le temps de s’installer dans ses nouvelles fonctions d’administrateur du diocèse que lui a confié son patron, Mgr. Pascal Delannoy, qu’est survenue la crise du coronavirus. « Il fallait trouver une solution pour maintenir le lien avec les paroissiens et les fidèles. Comme dans beaucoup d’autres diocèses, on s’est donc tournés vers les réseaux sociaux, explique le P. Philippe. Le problème : on ne s’improvise pas réalisateur du jour au lendemain ! Il faut trouver des moyens et des personnes dans un diocèse parmi les plus pauvres de France. Pas facile. Et manque de bol, notre responsable de la communication qui maitrise ce travail est confiné après avoir été atteint par le coronavirus. Je me retrouve donc à gérer la réalisation de vidéos de messes virtuelles en pleine Semaine Sainte, LA semaine la plus importante de l’année pour les catholiques. Un vrai challenge ! »
Avec l’aide d’un bénévole, Philippe Guiougou a pu mettre en place un sorte de studio au chœur de la Basilique de Saint-Denis, juste devant l’autel. Avec deux petites caméras amateur, une table de mixage avec quelques micros et deux spots de chantier, l’équipe réalise une captation de la messe et se dépêche de la transférer sur la plateforme YouTube. « Pour l’instant, nous n’avons pas assez de réseau 4G et nous ne bénéficions pas d’un wifi suffisamment puissant dans l’édifice pour assurer des directs, poursuit le jeune vicaire générale. C’est cela qui nous fait perdre beaucoup de temps et qui nous oblige à célébrer ces messes 2.0 très en amont de l’heure à laquelle nous invitons les fidèles à se connecter ».
Ce dimanche matin, jour de Pâques, la fête la plus importante dans le calendrier chrétien, le Père Guiougou avait demandé à l’évêque de célébrer la messe de la résurrection du Christ aux aurores, histoire que les paroissiens puissent vivre la messe chez eux derrière leur écran à 11 heures, l’heure habituelle en temps normal. Lenteur d’internet oblige, les fidèles du 93 auront dû attendre presque une heure de plus pour découvrir et prier enfin avec leur évêque, la seule célébration 2.0 du diocèse, « histoire que toute la communauté diocésaine soit rassemblée et unit », insiste Philippe Guiougou.
Visibles sur YouTube, les messes 2.0 de la Semaine Sainte du diocèse de Saint-Denis en France ont été vues par près de 6000 personnes, dont beaucoup de chrétiens de Guadeloupe et de Martinique en raison d’une forte présence antillaise dans le département de Seine-Saint-Denis.