Montagne d’Or : le WWF France publie une évaluation mesurée mais négative du projet guyanais

Le site industriel de Montagne d'or en Guyane
Cette nouvelle étude, réalisée par le cabinet d’études économiques DME, estime que les emplois créés seront moitié moins nombreux que ceux annoncés par la compagnie minière ou les économistes de Cyclope. Montagne d'Or réagit et dénonce une vision erronée de son projet. 
 
Pour le WWF France, le projet Montagne d’Or est une aberration écologique et un mirage économique. L’une des principales ONG françaises n’a pas changé d’avis. Se fondant sur une étude réalisée à sa demande par le cabinet DME (Didacticiels et Modélisations Economiques, un cabinet d'études spécialisé dans la prévision et le conseil), elle demande l’arrêt du projet Montagne d’Or (CMO) mais aussi des autres projets miniers industriels du département d'Amérique du Sud. Le WWF "appelle le gouvernement à y renoncer rapidement et à montrer son ambition pour la Guyane en faisant le pari de la valorisation des ressources locales et renouvelables du territoire, seule voie permettant d’enclencher une réelle dynamique de développement durable”.

L’étude réalisée par le cabinet d’études DME se veut à la fois précise et accessible. Elle entend démontrer que la compagnie minière CMO a surestimé les retombées économiques du projet. "Il devrait créer deux fois moins d’emplois que ce qu’elle annonce depuis plusieurs mois" souligne le WWF. L'étude s'en tient à des données économiques mais reconnait que "tout choix méthodologique est susceptible de faire l'objet de critiques". Le WWF déclare que l’étude de DME confirme les conclusions des précédents rapports publiés ces derniers mois notamment l’étude réalisée par Deloitte Développement Durable.
Cependant, les conclusions de DME contredisent celles des économistes du Cercle Cyclope qui soulignaient en juin dernier l'intérêt économique et social du projet Montagne d'Or pour la Guyane.
 

L'étude mesurée d'un grand projet minier en Guyane

Selon l’étude de DME, 1 emploi créé par Montagne d’Or n’en génèrera pas 4 autres dans l’économie locale, mais 2. Si les 750 emplois directs prévus sont bien  validés, en revanche, les analystes contestent le chiffre de 3000 emplois indirects. Leur évaluation qui repose sur "un modèle multisectoriel de l’économie en Guyane" arrive au nombre de 1030 emplois indirects. Au total, le projet Montagne d’Or permettrait la création de 1780 emplois, et non pas 3750, comme l'affirme la compagnie minière, sur la base des critères de la Banque Mondiale.
 

Deux études pas si éloignées

Les activités mines et métallurgies sont, par nature, des industries lourdes nécessitant beaucoup de capital mais assez peu de main d'oeuvre. Selon DME, "l'appareil de production guyanais, peu à même de répondre aux besoins courants du projet, sera donc assez peu sollicité (...) au total, les effets sur la richesse et l'emploi en Guyane apparaissent modestes au regard de la taille du projet." Cette analyse rejoint, sur ce point, celle de l'étude réalisée par Cyclope et par Philippe Chalmin. Et DME de citer le professeur d'histoire économique à l'Université Paris-Dauphine : "Il nous semble évident que l'on ne peut attendre du projet Montagne d'Or d'être un important pourvoyeur d'emplois en Guyane, il n'en a ni la taille ni l'ambition."
Mais ensuite, les avis divergent singulièrement. "Nos calculs révèlent que l’impact du projet sur l’emploi est deux fois plus faible que celui estimé par la compagnie Montagne d'Or (et par Cyclope qui mise sur une promotion de la sous-traitance locale ndlr). Ces écarts s‘expliquent par des différences de méthodologie et par la nature même du projet et la faiblesse du tissu industriel dans lequel il s’insère." précise DME. 
 

La Guyane loin derrière la Nouvelle-Calédonie

Sur la base des paramètres de son étude, DME estime que l'impact sur les emplois indirects du projet Montagne d’Or est nettement plus faible que celui prévalant dans l’industrie du nickel en Nouvelle-Calédonie. "L’écart entre les deux peut s’expliquer, en partie, par des différences entre les tissus industriels calédonien et guyanais. Le premier étant singulièrement plus développé que le second." Toujours selon DME dans son étude pour le WWF France, l’ancrage local de Montagne d’Or apparait relativement faible. Ainsi, 75 % des biens d’équipements nécessaires au projet seraient importés.
 

Quid de l'argent public ?

Au titre de l’investissement productif dans les départements d’Outre-mer, la Compagnie Montagne d’Or (CMO) pourrait bénéficier d’un crédit d’impôt de 216 millions d’euros d'après DME qui note que "d'un autre côté, elle sera assujettie à l’impôt sur les sociétés à hauteur de 230 millions d’euros durant la phase d’exploitation de la mine." Concernant la part des dépenses d’infrastructures et de maintenance à la charge de l'industriel, DME l’estime à 20 % du total des investissements. En résumé, le cabinet d'études considère que "le bénéfice total (du projet ndlr) pour les finances publiques dépend fortement de l’impôt sur les sociétés payé par Montagne d'Or (…) Ce bénéfice pourrait osciller entre 67 et 84 millions d’euros selon les résultats de la compagnie minière."
 

L'étude de DME pour le compte du WWF France est un nouvel élément à prendre en compte. Mais, le rapport déterminant sur l'avenir de Montagne d'Or sera celui de la mission interministérielle. Il devrait être annonciateur de l'avis du gouvernement sur le projet. Cela pourrait être l'un des thèmes majeurs de la visite annoncée du Premier ministre Edouard Philippe en Guyane.

 

La réaction de la Compagnie minière

"La Compagnie Montagne d’Or constate que les affirmations factuellement incorrectes sur les références de la banque Mondiale, les amalgames et les conclusions de ce rapport conduisent à nourrir une vision erronée du projet Montagne d’Or (...) A l’heure où toutes les énergies devraient être mobilisées pour combattre l’orpaillage illégal, premier fléau qui touche de plein fouet la Guyane tant sur l’environnement que sur la sécurité du territoire, la Compagnie Montagne d’Or s’interroge sur les moyens utilisés par WWF France pour jeter à bas un projet porteur de développement économique et d’emploi et dont l’impact sur la biodiversité et le patrimoine ainsi que le rapport avec les populations sont l’objet de la plus grande attention."