Le Sénat a proposé mercredi plusieurs retouches à la réforme constitutionnelle censée revoir le corps électoral de Nouvelle-Calédonie, avec l'objectif largement partagé de donner "toutes ses chances" à la négociation en vue d'un accord sur l'avenir institutionnel de l'archipel.
La commission des Lois de la chambre haute a examiné cette révision constitutionnelle très sensible, avant son arrivée en séance publique mardi, et un vote décisif prévu la semaine suivante, le mardi 2 avril.
"Nous voulons détendre un petit peu un processus dans lequel on a mis un peu de stress actuellement. Il faut que l'on puisse donner du temps au temps, pour donner toutes ses chances à la conclusion d'un accord" localement, a déclaré le rapporteur Les Républicains Philippe Bas après la réunion de la commission sénatoriale.
Négociations au point mort
Porté par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin après de multiples déplacements sur le Caillou, le projet de loi constitutionnelle s'attaque au dégel du corps électoral des élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie où les provinces détiennent une grande partie des compétences.
Actuellement réservées aux natifs et aux résidents arrivés avant 1998 (accord de Nouméa) et à leurs descendants, ces élections seraient alors ouvertes aux personnes ayant au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Le gel du corps électoral depuis plus de 25 ans a pour conséquence d'évincer de ces élections près d'un électeur sur cinq.
Mais les deux principaux partis indépendantistes calédoniens s'y opposent à ce stade, et les négociations dans l'archipel sont au point mort.
En commission, la droite sénatoriale a souhaité donner la priorité à la reprise de ces négociations en vue d'un accord local, à travers plusieurs amendements adoptés mercredi.
Là où le gouvernement prévoit un "ultimatum" au 1er juillet pour la conclusion d'un accord local qui suspendrait alors la réforme constitutionnelle, le Sénat plaide pour un délai supplémentaire, jusqu'à dix jours avant les prochaines élections provinciales. Ces dernières devront être organisées au plus tard le 15 décembre.
Un autre amendement prévoit dans un premier temps de limiter le dégel du corps électoral au seul prochain scrutin. La réforme ainsi modifiée semble en capacité d'aboutir à une majorité à la chambre haute.
"Aucune urgence"
"Nous sommes d'accord à 90 %", a affirmé à l'AFP le sénateur Philippe Bonnecarrère, membre de l'Union centriste, alliée de LR. "Nous voulons donner à la Nouvelle-Calédonie le maximum de chances de se maintenir dans une situation sereine", a-t-il ajouté.
Les socialistes, deuxième groupe au Sénat, tenteront eux d'étendre encore plus le délai laissé aux négociations locales. "Il n'y a aucune urgence d'imposer un calendrier, de mettre les acteurs sous pression pour un accord à marche forcée", regrette auprès de l'AFP la sénatrice Corinne Narassiguin, tout en reconnaissant que les modifications envisagées en commission "vont dans le bon sens".
Pour être adoptée définitivement, la réforme constitutionnelle doit être validée dans les mêmes termes par le Sénat puis l'Assemblée nationale, et approuvée ensuite à une majorité des trois cinquièmes du Congrès réunissant l'ensemble des parlementaires.