Comment les non indépendantistes se sont déchirés à cause de la présidence du Congrès en 6 actes

Annie Qaeze (à gauche de l'image) et Virginie Ruffenach (au milieu), dans l'hémicycle du Congrès en mai 2020.
L’Avenir en confiance et Calédonie ensemble ne parviennent pas à s’entendre, depuis plusieurs semaines, pour présenter une candidature unique.

Une guerre des nerfs. Alors que l’élection du nouveau président du Congrès a lieu mercredi 28 juillet, les loyalistes ne parviennent pas à s’entendre pour présenter une candidature unique face au sortant, Roch Wamytan.

En cause : l’Avenir en confiance porte la candidature de Virginie Ruffenach et Calédonie ensemble celle d’Annie Qaeze. La situation est devenue si tendue que la présidente des Républicains calédoniens, Sonia Backès a organisé une réunion d’urgence lundi soir pour tenter de trouver une solution. NC la 1ère revient en six actes sur ce conflit qui fait tanguer le camp non indépendantiste.

  • Acte 1. Virginie Ruffenach annonce sa candidature à la présidence du Congrès

Elle a ouvert le bal. Alors que tous les regards sont braqués sur l’élection de Louis Mapou à la tête du gouvernement, jeudi 8 juillet, après des mois de tractations, Virginie Ruffenach annonce sa candidature à la présidence du Congrès dans la matinale de RRB. "Les indépendantistes ne peuvent pas s’emparer de tous les pouvoirs. Il faut l’unité des non indépendantistes au Congrès dans le respect des équilibres", annonce la secrétaire générale du Rassemblement-Les Républicains et cheffe de groupe de l'AEC.

Quelques heures plus tard, Isabelle Champmoreau valide cette candidature. "Les Loyalistes sont désormais tournés vers l’élection du Congrès et la préparation du vote du 12 décembre afin de montrer une nouvelle fois que la majorité des Calédoniens souhaitent poursuivre notre chemin commun dans la paix et dans la France", déclare-t-elle à la sortie de l’élection de Louis Mapou à la présidence du gouvernement.

  • Acte 2. Calédonie ensemble affiche son opposition

La réaction ne se fait pas attendre. La candidature de Virginie Ruffenach ne passe pas du côté de Calédonie ensemble. Le jour même, le mouvement loyaliste critique cette déclaration. "Au moment même où, pour la première fois depuis quarante ans, un président indépendantiste vient d’être élu à la tête du gouvernement, Virginie Ruffenach tente de forcer une porte dont elle n’a pas les clés", estime dans un communiqué diffusé sur Facebook le parti, dont le groupe au Congrès compte 6 conseillers.

Un désaccord problématique pour les non indépendantistes, car sans les voix de CE, la candidature de Virginie Ruffenach ne récolterait que 21 voix le jour de l’élection de la présidence du Congrès. Voire même 18 si l'Éveil océanien n'applique pas sa consigne de vote. A savoir : donner leurs voix aux non indépendantistes s’ils parviennent à présenter une candidature unique pour la présidence boulevard Vauban.

  • Acte 3. Annie Qaeze devient la candidate de CE

Un duel au féminin. Pour contrer Virginie Ruffenach, Calédonie ensemble place sur le devant de la scène Annie Qaeze. La candidature de la Calédonienne originaire de Lifou est défendue le 16 juillet par Philippe Michel dans la matinale de NC la 1ère. "Quelle meilleure image à l’attention de ces 15 000 électeurs [indécis pour le 3e référendum] que de porter à la présidence des institutions une jeune Calédonienne, d’origine kanak, qui incarne la réussite calédonienne ?", explique le secrétaire général de CE.

Deux jours plus tard, Annie Qaeze s’exprime sur cette candidature via un long post sur Facebook. "Je le fais parce que je crois qu’à ce moment-là de notre histoire, à quelques mois d’un choix crucial, le temps est venu de porter à la tête de la 1ère assemblée de Nouvelle-Calédonie, non pas Annie Qaeze, mais un enfant du Pays, un enfant des Accords", assure-t-elle.

Le soir même, le député CE Philippe Dunoyer renchérit, sur NC la 1ère, en faveur du symbole que représenterait Annie Qaeze dans le fauteuil de président(e) du Congrès.

  • Acte 4. Thierry Santa fustige l’attitude de Calédonie ensemble

Une candidature pas du tout au goût de Thierry Santa. L’ancien président du gouvernement, membre de l’Avenir en confiance, confie aux Nouvelles calédoniennes, le 23 juillet, son amertume et son incompréhension face à cette candidature. "La logique voudrait que la candidature de l'AEC soit portée par tout le monde", attaque-t-il avant d’ajuster sa cible. "On constate un entêtement de Philippe Gomès [le patron de CE] qui, hélas encore une fois, veut peut-être profiter de la situation pour contourner l'expression démocratique des Calédoniens et retrouver une place visible au détriment de la volonté des Calédoniens. Nous ne l'acceptons pas."

Des propos qui font bondir Annie Qaeze. Dans un post Facebook publié trois jours plus tard, elle interpelle Thierry Santa. Dans cette interview, "vous y tenez des propos pas très positifs, ni sur ma candidature, ni sur ma formation politique", regrette-t-elle.

"Vous nous accusez de tenter de ‘contourner l’expression démocratique des Calédoniens’ car ‘ l’AEC a 18 sièges et Calédonie Ensemble n’en a que 6’... Pourtant, Monsieur Santa, je me permets de vous rappeler avec respect que vous avez été élu à trois reprises à la présidence du Congrès : le 16 juillet 2015, le 30 juin 2016, et le 19 juillet 2017", poursuit-elle. "Vous souvenez-vous que votre groupe ‘le Rassemblement’ comptait alors 6 élus… et que c’est Calédonie ensemble avec ses 15 élus, qui vous a permis, à trois reprises, d’accéder à la présidence du Congrès ?”

  • Acte 5. Sonia Backès tente d’apaiser les tensions avec une réunion de médiation

La réunion de la dernière chance ? A deux jours du scrutin, les loyalistes tentent de se mettre d’accord, lundi 26 juillet, sur une candidature unique à la présidence du Congrès sous l’impulsion de Sonia Backès. La présidente des Républicains calédoniens a expliqué, la veille, au JT de NC la 1ère : "Ça fait deux semaines que Thierry Santa et Philippe Gomès se voient pour trouver une solution." Une invitation a aussi été envoyée à l’Eveil océanien pour assister aux discussions, mais le parti de Milakulo Tukumuli la décline. 

Au terme d’une journée de tractations, une solution de sortie de crise est proposée : un tandem à la présidence et à la vice-présidence du Congrès. Ainsi, si elle est élue mercredi, Annie Qaeze deviendrait présidente du Congrès durant un an, avec Virginie Ruffenach en vice-présidente.

Puis une alternance se ferait au prochain renouvellement boulevard Vauban, avec l’élue Avenir en confiance au perchoir, selon un communiqué diffusé lundi soir avec la signature des Républicains calédoniens et du Mouvement populaire calédonien. Problème : le Rassemblement-LR ne valide pas cette solution.
 

  • Acte 6. Thierry Santa reste droit dans ses bottes

Retour à la case départ. "Chantage", "diktat", "mascarade"... Invité de la matinale radio de NC la 1ère, Thierry Santa enterre la solution de sortie de crise proposée la veille. Le président du Rassemblement-Les Républicains tire à boulets rouges sur les "propositions" rendues publiques par les autres mouvements non indépendantistes. Il en profite au passage pour confirmer la candidature de Virginie Ruffenach au perchoir du boulevard Vauban et en appelle "à la responsabilité" des autres partisans du Non, et au retrait d’Annie Qaeze.