Le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme a mentionné le document sur son site ce mardi. Dans une déclaration officielle datée du 19 août 2024, en français et en anglais, plusieurs "experts de l'ONU" ont des mots extrêmement durs pour qualifier la situation en Nouvelle-Calédonie.
Ils se disent ainsi "très préoccupés par l’absence de dialogue, l’usage excessif de la force, le déploiement continu des forces militaires et les rapports continus de violations des droits de l'Homme qui ont ciblé des milliers d'autochtones kanak pour avoir pris part à des manifestations depuis mai 2024".
Qui sont ces experts ?
Ces rapporteurs spéciaux, mandatés par le Conseil des droits de l'Homme, sont indépendants et ne s'expriment pas au nom de l'organisation. Il s'agit de :
- Jose Francisco Cali Tzay, "rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones" ;
- Gina Romero, "rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association" ;
- Ashwini K.P., "rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme" ;
- Et Irene Khan, "rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression".
"Anti-démocratique"
"Le manque de retenue dans l'usage de la force contre les manifestants kanak, et le traitement exclusivement répressif et judiciaire d'un conflit dont l'objet est la revendication par un peuple autochtone de son droit à l'autodétermination, est non seulement anti-démocratique, mais profondément inquiétant pour l'Etat de droit", assènent-ils.
Et d'ajouter : "Nous sommes conscients que des actes de violence ainsi que des dommages aux biens privés et publics ont été commis par certains manifestants. Cependant, les moyens utilisés, la gravité des violences rapportées, l'intensité de la réponse répressive et le caractère raciste et discriminatoire de certains actes de violence, ainsi que le nombre de morts et de blessés, d’arrestations et de détentions arbitraires et de disparitions forcées sont alarmants."
Des arguments qui interrogent
Cette déclaration s'appuie en effet sur des chiffres et des éléments saisissants, pour qui suit la crise en Nouvelle-Calédonie, car non étayés et proches de l'argumentaire déroulé par une partie de la sphère indépendantiste. "D'après les informations reçues", est-il ainsi écrit, "500 personnes kanak auraient été victimes de disparitions forcées", sans qu'un tel phénomène ait été prouvé à ce jour.
Les auteurs mentionnent aussi "les allégations de violences à caractère raciste commises par des milices armées" en les liant à des morts. Or, des enquêtes se poursuivent pour élucider les différents décès par balle survenus depuis le début des émeutes (onze en tout selon le bilan des autorités). "Le gouvernement français doit prendre des mesures pour enquêter sur les violences commises lors de ces manifestations et traduire leurs auteurs en justice", préconisent-ils.
"Projet Marty"… ou "document martyr" ?
Des rapporteurs "également préoccupés par certains développements qui montrent une tentative de démanteler l'Accord de Nouméa, feuille de route du processus de décolonisation". Ils évoquent la consultation référendaire du 12 décembre 2021 ou encore l'adoption par le Parlement du projet de loi constitutionnelle sur l'ouverture du corps électoral. Est aussi cité un "projet Marty"… qui semble être le "document martyr" proposé par l'Etat l'an dernier comme support de travail pour les discussions avec les partenaires calédoniens.
"Abrogation complète" du texte sur le corps électoral
Ces experts demandent "instamment au gouvernement français d'engager rapidement un dialogue avec le Comité spécial de la décolonisation et les institutions coutumières kanak pour trouver une solution pacifique au conflit". Et l'"abrogation complète" de la réforme constitutionnelle sur le corps électoral.
Pour lire la déclaration en question, aller sur ce lien et cliquer le mot "communiqué" dans le premier paragraphe. Le document se téléchargera.
Voyez aussi la synthèse de Brigitte Whaap :
"Une faute politique grave", pour les Loyalistes et le Rassemblement
Cette déclaration a suscité une vive réaction chez les Loyalistes et le Rassemblement. Dans un communiqué commun diffusé à la mi-journée, ils dénoncent vivement les propos des rapporteurs, parlent de "faute politique grave" et accusent "ces quatre hauts fonctionnaires" de diffuser une "communication partisane" sur la crise en Nouvelle-Calédonie . Selon les deux formations, favorables au maintien dans la République, "les experts internationaux reprennent les fausses informations du camp indépendantiste".