En trois mois, les procédures judiciaires ont atteint des sommets. D'après les derniers chiffres communiqués par le tribunal de première instance de Nouméa, on recense notamment 562 violences sur les forces de l’ordre, 1146 vols et recels, des délits qui se sont fortement multipliés ces dernières semaines.
Un travail “trop long” ?
Dans les derniers chiffres, on note aussi 397 mesures alternatives et 396 classements sans suite, ce qui d’ailleurs, suscite l’incompréhension de certains habitants, en particulier ceux du Mont-Dore, qui se sentent abandonnés. “Nous sommes des magistrats et nous analysons chaque procédure et il est normal qu’un certain nombre soit classé sans suite, faute d’éléments à charge” a expliqué Yves Dupas, procureur de la République. Alors peut-on parler de zones “sacrifiées” par la justice ? Le procureur a simplement rappelé que les lois de la République s’appliquent partout sur le territoire, dans les quartiers de Nouméa comme sur terre coutumière.
À Saint-Louis, nous avons un certain nombre d’objectifs d’interpellations, avec des enquêtes qui ont commencé. Certaines interpellations ont eu lieu ces derniers jours.
Yves Dupas
Au Mont-Dore, les habitants trouvent le temps long. D'un point de vue de la justice, qu'est-ce qui prend du temps ? “Nous avons à faire à des mis en cause armés et déterminés dans l’hostilité vis-à-vis des forces de l’ordre” a indiqué le procureur. “Je n’entends pas exposer de manière inconsidérée la sécurité des gendarmes, lors de ces opérations d’interpellations donc nous prenons effectivement un peu plus de temps mais l’engagement du parquet est d’arrêter ces auteurs présumés, qui sont actuellement à la tribu de Saint-Louis.”
Des enquêtes au long cours
Plus de 1800 gardes à vues depuis le 13 mai, c’est un rythme inédit à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie. Si l’activité des premières semaines était principalement liée au traitement de l’ordre public, aujourd’hui ce sont surtout des procédures qui donnent lieu à des interpellations après un important travail d’investigation des polices techniques et scientifiques, l’exploitation de vidéos et le recueil de témoignages. "Nous avons interpellé deux auteurs présumés d’un vol avec violences très graves, commis à l’égard du gérant de la concession Jeep, le 23 mai dernier" détaille Yves Dupas.
Notre stratégie est que chaque auteur d’une infraction rende des comptes à la justice, avec une orientation des procédures de manière proportionnelle et avec fermeté.
Yves Dupas, procureur de la République
Yves Dupas assure que de nombreuses affaires criminelles ont déjà été élucidées, notamment concernant les dix personnes tuées par balles depuis le début des exactions, selon le bilan officiel des autorités. Deux personnes ont déjà été mises en examen et incarcérées pour meurtre dans le double homicide de Ducos et dans celui de Tindu. Reste encore les autres affaires, notamment celle du gendarme Nicolas Molinari au Mont-Dore, tué le 15 mai dernier, et pour lequel “tous les moyens sont engagés pour élucider cette affaire.”
“Identifier d’autres commanditaires des exactions”
Les enquêtes au long cours concernent également les commanditaires présumés des exactions. Aujourd’hui, 13 personnes sont mises en examen ici comme dans l’Hexagone et il n'est pas impossible que d’autres suivent le même chemin. “Le but c’est d’identifier et de poursuivre d’autres commanditaires et comme dans toute organisation criminelle, il y a des superviseurs qui peuvent être dans l’ombre, supers menteurs, un peu dans la fourberie et dans l’art de dissimuler leur activité délictueuse donc le sens de cette information judiciaire c’est d’identifier l’ensemble des commanditaires” a détaillé le procureur.
Ce dernier en a d’ailleurs profité pour réfuter l’expression de “prisonniers politiques” employée par Mickaël Forrest, membre du FLNKS, lors d’un récent déplacement en Corse. “Les commanditaires présumés ne sont pas détenus pour des motifs politiques ou pour leurs idées politiques. La justice ne vise pas la cause indépendantiste, ce que nous visons, c’est l’organisation de ce plan d’action qui a été mené, préparé, planifié et déployé par un groupe au sein de la CCAT. Ce sont leurs actes et leur organisation criminelle qui ont abouti à un certain nombre de crimes et délits, ce qui explique leurs placements en détention provisoire.”
Par ailleurs, Yves Dupas confirme qu’à ce stade, un dépaysement des procédures judiciaires pour ces affaires n’est pas d’actualité.
Son interview complète avec Stéphanie Chenais, dans le journal télévisé de ce mercredi 7 août.