Il faut "se remettre autour de la table" et "renouer les fils du dialogue" pour "discuter de l'avenir institutionnel". Autant d'expressions que les Calédoniens ne vont pas arrêter d'entendre en 2022.
L'après consultation
L'année politique commence sous le signe du scrutin organisé vingt jours plus tôt, le 12 décembre 2021. C'est la troisième consultation référendaire prévue par l'Accord de Nouméa, avec son résultat détonnant : le Non à l'indépendance a obtenu 96.5 % des suffrages exprimés ! Mais même pas la moitié des électeurs autorisés à voter se sont prononcés. Pour le dire autrement :
- Le Oui a la pleine souveraineté a enregistré 2 747 voix.
- Le Non en a récoltées 75 720.
- Et il y a eu 103 483 abstentionnistes.
Les non indépendantistes concluent à la victoire, et applaudissent le maintien définitif de la Calédonie dans la France. Les indépendantistes ont une toute autre analyse. Ils mettent en avant le succès de l'appel à ne pas participer basé sur le contexte de crise Covid. Accusent de partialité l'Etat qui a validé les résultats. Et n'ont de cesse de les contester. Jusqu'à tenir des propos qui choquent, comme au 52e congrès de l’Union calédonienne, le 1er avril, à Voh. Alors que le contexte ne semble pas laisser de place pour les discussions sur l'après, la campagne pour la présidentielle occupe de plus en plus l'espace.
Le marathon budgétaire
Quelques zooms en passant. Le 24 février, la commission permanente du Congrès supprime l'obligation vaccinale anti-Covid, un des sujets les plus sensibles du moment. Le même jour marque le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui cause des remous jusqu'en Calédonie. Le 20 mars, Wallis et Futuna renouvelle son assemblée territoriale. Puis les 28 et 29 mars, le Congrès examine le budget 2022 de la Nouvelle-Calédonie. Le budget de reversement et le budget de répartition sont adoptés par 29 voix pour (indépendantistes + Eveil océanien) et 25 contre (loyalistes). Un marathon marqué par un geste fort : au moment d'examiner le budget propre, les élus loyalistes quittent l'hémicycle. Ils parlent d'absence de collégialité et de déni de démocratie. L'épisode s'achève par le vote du budget avec abstention de l'EO.
La présidentielle
Le 10 avril, le premier tour de la présidentielle confirme le peu d’intérêt des Calédoniens pour les élections nationales. Seuls un tiers des inscrits se déplacent. Ils portent en tête les mêmes cinq candidats qu'au niveau national : Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Eric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon et Valérie Pécresse. Le 24 avril, le président sortant l’emporte au second tour sur la patronne du Rassemblement national, par 58.55 % contre 41.45 %. Contrairement à une grande partie des Outre-mer, le résultat en Calédonie s'avère dans la tendance nationale (61.03 % - 38.97 %). Le 16 mai, le chef de l'Etat nomme Elisabeth Borne Première ministre, laquelle choisit Yaël Braun-Pivet pour le portefeuille des Outre-mer jusque-là détenu par Sébastien Lecornu.
Les législatives
Les élections s'enchaînent, place aux législatives. Dix-sept candidats sont en lice pour représenter la Calédonie au Palais Bourbon. Huit dans la première circonscription, neuf dans la seconde. Avec l'enjeu de l'avenir institutionnel qui plane sur la campagne. Les indépendantistes jouent l’union avec un ticket Walisaune Wahetra (Palika) / Gérard Reignier (UC).
Faire bloc, c'est un objectif affiché pour les forces non indépendantistes, dans l'idée de porter un message commun pendant les discussions sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Le 8 juin, quatre partis regroupés en union loyaliste (les Républicains calédoniens, Calédonie ensemble, Générations NC et le Mouvement populaire calédonien) annonçaient officiellement la naissance de la confédération "Ensemble !", réaffirmée quelques jours plus tard.
Des non indépendantistes qui partent quand même divisés aux législatives, avec un candidat du Rassemblement-LR dans chaque circonscription face à celui de l'union loyaliste. Camouflet pour le Rassemblement, sorti dès le premier tour, le 12 juin. Pour le second, le 19 juin, place à deux duels indépendantiste / loyaliste. Le député sortant Philippe Dunoyer et Nicolas Metzdorf, sous étiquette Ensemble majorité présidentielle, font face à Wali Wahetra et Gérard Reignier du FLNKS. Philippe Dunoyer conserve son fauteuil par 66.4 % des votants, contre 33.6 % à Wali Wahetra. Nicolas Metzdorf gagne par 54.23 % contre 45.77 % à Gérard Reignier. Il doit renoncer à sa mairie de La Foa.
La statue
Séquence émotion à Nouméa, le 26 juin, date anniversaire de l'Accord de Matignon. Sur la nouvellement nommée place de la Paix, des centaines de Calédoniens viennent voir inaugurée la statue grandeur nature représentant la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou.
Le nouveau gouvernement Borne
Dans l'Hexagone, remaniement du gouvernement. Yaël Braun-Pivet quitte l'Outre-mer et devient présidente de l'Assemblée nationale. Le 4 juillet, Gérald Darmanin passe ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, avec pour ministre délégué Jean-François Carenco qui fut par le passé en fonction en Calédonie. Au sein de ce casting, la nomination de Sonia Backès comme secrétaire d’Etat à la Citoyenneté, auprès de Gérald Darmanin, fait des vagues dans le lagon. Fierté pour les uns, perte de neutralité de Paris pour les autres. La cheffe de file loyaliste choisit de conserver la présidence de la province Sud.
La Maison-Blanche
A Nouméa, à partir du 11 juillet, le gouvernement calédonien déménage. Il quitte la baie de la Moselle pour la rue Anatole-France. Son président, lui, part à Fidji pour le sommet tenu par le Forum des îles du Pacifique entre le 11 et le 14 juillet. Ce moment de coopération régionale en annonce un autre, emblématique puisque Louis Mapou participe au premier US - Pacific island country summit, les 28 et 29 septembre, à Washington, avec Joe Biden himself. Présence calédonienne aux Etats-Unis également pour porter les deux visions d'avenir devant les Nations unies, à plusieurs reprises cette année.
Le Congrès
Le 30 août, renouvellement annuel des instances au Congrès. Roch Wamytan est réélu président pour la quatrième fois d'affilée. Chaque bloc fait le plein de ses voix, les loyalistes soutenant leur candidat unique Gil Brial. L'Eveil océanien a de nouveau choisi de pencher pour les indépendantistes, malgré une année de relations à rebondissement - discorde, apaisement, "accord de stabilité institutionnelle", nouvelle sortie de groupe...
La Convention des partenaires
Les mois suivants, l’Etat tente de reprendre la main. Du 12 au 15 septembre, visite du ministre délégué Carenco, "à l'écoute" pour rétablir le contact avec les partenaires historiques. Il repart avec des promesses, et une séquence politique à organiser à Paris. Un calendrier plombé par les indépendantistes : au bout du compte, pas de délégation FLNKS à une Convention des partenaires inédite, le 28 octobre. Cette absence remarquée n'empêche pas la Première ministre de livrer une feuille de route, après échanges avec les représentants loyalistes et de la société civile : lancement d'un audit de décolonisation, réalisation d'un bilan sur les transferts de compétences, groupes de travail thématiques... "La conclusion de ces travaux nécessaires à l’élaboration du projet d’avenir de la Nouvelle-Calédonie est attendue mi-2023", annonce Elisabeth Borne.
La seconde visite ministérielle
Confirmation, également, que Gérald Darmanin et Jean-François Carenco vont se fendre d’un voyage en Calédonie. Peu avant, leur audition par la commission des lois du Sénat, le 2 novembre, ne passe pas inaperçue : ils écartent l’idée d’un référendum de projet en 2023. Peu après, le Palika réaffirme sa ligne (l'indépendance avec partenariat) et l'UC avance que "l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté doit se faire en 2025". Sur le Caillou du 28 novembre au 4 novembre, le ministre de l’intérieur et des Outre-mer multiplie les rencontres. Il s'entretient avec les formations loyalistes mais aussi indépendantistes, qui y vont toutes de leur message. Il se positionne sur le nickel. Lance un groupe de travail. Et semble avoir pris la mesure du temps océanien : "Je crois que la paix vaut bien d’attendre quelques semaines." Pas d'annonce majeure, mais un ressenti positif.
Nominations, démissions…
L'actualité politique en 2022, c'est aussi l'AFM-NC qui change de président : le 28 avril, on apprend que Sonia Lagarde, à la tête de Nouméa, dirige désormais l'Association française des maires de Nouvelle-Calédonie. Le 13 juillet, Jules Hmaloko est installé en tant que commissaire délégué de la République pour la province des Iles et c’est la première fois qu'un Loyaltien occupe cette fonction. Le 29 octobre, un nouveau parti, appelé Souveraineté calédonienne, est lancé.
Le 8 décembre, le Rassemblement-Les Républicains signale la démission de son président depuis quatre ans, Thierry Santa. Et le 14, Joseph Manauté de Calédonie ensemble annonce son départ du dix-septième gouvernement, où il était chargé du développement durable, de l’environnement ou encore de la transition écologique. Jérémie Katidjo-Monnier prend sa place.
…et disparitions
Enfin, rappelons-nous que 2022 a été jalonnée par la disparition de plusieurs grandes figures politiques : Didier Poidyaliwane, Guy George, Jean Lèques, Déwé Gorodey et Louis Kotra Uregei.