Le "contrat du siècle" avait été officialisé en mai 2016 à Canberra entre les Premiers ministres de l’époque, Manuels Valls et Malcolm Turnbull. Il sera dénoncé cinq ans plus tard par Scott Morrison, qui dirige l’Australie entre 2018 et 2022.
Pour la France, c’est un contrat à 56 milliards d’euros (6 600 milliards CFP) qui s’envole. L’Australie devra payer plus de 500 millions d’euros pour se désengager et signer un nouveau contrat avec les États-Unis et le Royaume-Uni pour la livraison de sous-marins nucléaires.
Un plan B
"La situation stratégique avec la Chine avait changé" explique Scott Morrison invité de l’émission Nemesis sur ABC. "Je craignais que ces sous-marins [français] ne soient obsolètes avant même leur mise à l’eau. Je me suis dit que si le programme français s’effondrait, il nous fallait un plan B".
Et c’est la capacité nucléaire américaine et britannique qui intéresse les Australiens, avec des sous-marins plus endurants, qui peuvent rester plus longtemps en immersion et sont estimés plus furtifs et donc offrant plus de sécurité.
Scott Morrison veut que ces négociations restent secrètes. Même au sein de son cabinet, très peu sont mis dans la confidence pour ne pas tuer le deal dans l’oeuf. En juin 2021, le Premier ministre entame les discussions avec le Premier ministre anglais Boris Johnson et le président américain Joe Biden au sommet du G7.
Un tête à tête avec Emmanuel Macron
Après la réunion du groupe des sept, Scott Morrison se rend à Paris. Un dîner en tête à tête l’attend au palais de l’Élysée avec Emmanuel Macron.
"Je parle de l’importance de l’Indopacifique mais je ne fais pas mention des sous-marins " indique Scott Morrison. Il finit par expliquer au président français que la situation en Chine s’est détérioré depuis la signature du contrat et qu’il s’interroge sur les délais de livraison des sous-marins français. "Je lui ai dit que nous considérions d’autres options". Notamment le nucléaire. "Mais je ne peux pas vous dire avec qui".
Mensonge et conséquences
Le camp français aura beau essayé de sauver le contrat, c’est peine perdue, trois mois après le fameux dîner, Australie, États-Unis et Grande-Bretagne annoncent leur partenariat Aukus. Et l’Australie rompt officiellement le contrat français. Sans contact direct entre Scott Morrison et Emmanuel Macron. "On a essayé d’organiser une rencontre cette semaine là, mais ça ne s’est pas fait" explique l’ancien Premier ministre australien. "Alors je lui ai écrit une lettre [à Emmanuel Macron] et je lui ai envoyé un texto pour être sûr qu’il l’aurait directement".
S’ensuit une crise diplomatique entre les deux pays. Paris rappelle ses ambassadeurs à Canberra et à Washington pour consultation, la France parle de "poignard dans le dos" et Emmanuel Macron accuse Scott Morrison de lui avoir menti.
Ce dernier s’en défend. Pas de mensonge, même s’il admet ne pas avoir dit la vérité. "Si je lui avais dit plus tôt, il aurait sabordé tout l’accord. Il aurait déployé tout le corps diplomatique français à Washington et tué l’accord. Et je n’allais pas laisser ça arriver" conclut Scott Morrison.
Traité de menteur par le président français, Scott Morrison rétorque : "J’ai les épaules larges, je suis sûr que le président [chinois] Xi Jinping m’appelle bien pire".
Aujourd’hui, l’Australie a changé de Premier ministre et les relations avec la France sont revenues au beau fixe.