Mise à jour avec communiqué du soir
"Les opérations d’interpellations menées avec professionnalisme par le GIGN et le RAID se sont déroulées depuis 6 heures ce matin, de manière fluide, sans aucun incident". Point du procureur de la République dans un communiqué ce mercredi, en début de nuit. Le parquet a ainsi communiqué à plusieurs reprises de la journée, sur une vague d'arrestations marquées par l'une en particulier. "Christian Tein, responsable de la CCAT, qui se trouvait sur la commune du Mont-Dore en compagnie d’une autre personne mise en cause, a contacté vers 8h30, le commandement de la gendarmerie nationale pour être conduit devant les enquêteurs dans le but de s’expliquer sur les faits reprochés", détaille Yves Dupas.
A plusieurs endroits du pays
Autres précisions, "au cours de l’après-midi, une autre personne mise en cause s’est également présentée à la brigade de Hienghène. Elle a été transférée à Nouméa , à l’issue de la notification de la mesure de garde à vue. De même, vers 19 heures, la onzième personne mise en cause, à ce stade du dossier, s’est spontanément présentée à la caserne Meunier où elle a été placée immédiatement en garde à vue."
En parallèle, confirme le procureur, "une perquisition a été opérée [mercredi matin] dans le quartier de Magenta. Non pas dans les locaux de l’Union calédonienne qui n’est pas visée par cette procédure, mais dans les locaux occupés par les membres de la CCAT, où des affichettes ou flyers étaient d’ailleurs retrouvés en nombre, venant corroborer la conduite de leurs activités dans ces lieux."
A l’issue d’un premier travail d’investigations très conséquent mené par les enquêteurs depuis l’ouverture de la procédure le 17 mai 2024, cette seconde phase de l’enquête débute avec les auditions des personnes soupçonnées, les confrontations et l’exploitation des éléments techniques.
Yves Dupas, procureur de la République
"Association de malfaiteurs"
Tout au long de la journée, le contour de cette procédure a été précisé : "l’enquête préliminaire diligentée par la section de recherche de la gendarmerie de Nouméa, en co-saisine avec la direction générale de la gendarmerie nationale, la direction nationale de la police judiciaire et la sous-direction antiterroriste, ainsi que le groupe interministériel de recherches de Nouméa".
Cette enquête, a rappelé le procureur, "porte sur les chefs d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime ou d'un délit, vols avec arme et en bande organisée, destruction de biens par incendie en bande organisée, complicité par instigation des crimes de meurtre et tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique, et participation à un groupement formé en vue de la préparation d’actes de violences sur les personnes et de destructions de biens."
Jusqu'à 96 heures de garde à vue
Les onze personnes sont placées en garde à vue. "Pour ces qualifications pénales, relevant du champ de la criminalité organisée, la mesure est d’une durée maximale de 96 heures", selon Yves Dupas, qui indique : "Conformément aux dispositions du code de procédure pénale, chacune des personnes placées en garde à vue a reçu notification par l’officier de police judiciaire des faits reprochés et de leur qualification pénale ainsi que des motifs de leur placement en garde à vue."
Et d’assurer par ailleurs : "Les droits fondamentaux de la personne placée en garde à vue, comprenant notamment le droit d’être assisté d’un avocat, le droit à un examen médical et le droit de garder le silence lors des auditions ont là également été notifiés. J’ajoute, conclut le procureur, que les enquêteurs et le parquet entendent conduire cette phase de l’enquête avec toute l’objectivité et l’impartialité nécessaires dans l’objectif essentiel de la manifestation de la vérité."
Un symbole fort
Ces interpellations représentent un symbole fort. Tant pour les manifestants qui répondent à l'appel de la CCAT que pour ses très nombreux détracteurs. Christian "Bichou" Tein, Mondorien originaire de l'île Ouen et habitant de Saint-Louis, est un cadre de l'Union calédonienne. Principal porte-voix de la Cellule de coordination des actions de terrain, il est devenu le visage de cette structure créée en novembre dernier.
Un collectif dont les militants se sont de plus en plus mobilisés, au fil des mois, contre le dégel du corps électoral tel qu'envisagé par la réforme constitutionnelle. Une personnalité indépendantiste qui incarne désormais la façon dont cette opposition a basculé dans la violence, et la plus grave crise que la Calédonie ait connue depuis les années quatre-vingt.
Les réactions ne se sont pas fait attendre
- Dans un communiqué en fin de matinée, l’UC proteste fermement, mais elle appelle aussi "l’ensemble des relais CCAT ainsi que notre jeunesse au calme et à ne pas répondre à la provocation. Tant sur le terrain que sur les réseaux sociaux."
- Chez les non-indépendantistes, "il était temps !…", pouvait-on lire sur le profil Facebook de Sonia Backès, présidente de l'assemblée provinciale Sud.
- Selon le député sortant Nicolas Metzdorf, candidat aux législatives anticipées pour les Loyalistes et le Rassemblement-LR, ces interpellations étaient "la condition sine qua non, à la reprise d’un dialogue serein pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Tout n’est pas réglé et le retour à l’ordre doit continuer de s’intensifier. Notamment au Mont-Dore. Cependant, après un mois de désarroi, le retour à un état de droit apparaît possible."
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Un communiqué officiel à l'en-tête des deux mouvements renchérissait, dans l'après-midi. "Les Loyalistes et le Rassemblement prennent acte de l'arrestation de Christian Tein et de ses complices", dit-il. "L’État a enfin entendu les exigences des Calédoniens (…) Nous resterons attentifs, dans les prochains jours, aux suites judiciaires qui lui seront données. Nous appelons tous les Calédoniens à rester vigilants et à conserver leur calme."
"C'est lui qui s'est rendu"
Le communiqué de l'UC écrit que Christian Tein a été interpellé "à hauteur de Thabor", c'est-à-dire à la sortie de Saint-Louis, quartier Saint-Michel du Mont-Dore. Lors d'une émission dédiée sur Radio Djiido, ce mercredi dans l'après-midi, Thierry Kameremoin a apporté des précisions. "C'est lui qui est allé à la gendarmerie, parce qu'il savait que des procédures étaient en cours", a déclaré cette autre voix de la cellule de coordination.
"C'est lui qui s'est rendu (…) Avant de se rendre, il nous a dit : 'Gardez le calme !'" Thierry Kameremoin a aussi décrit l'intervention des forces de l'ordre à Magenta : "On avait réunion au siège de l'Avenir ce matin, pour préparer la conférence de presse" prévue à 11 heures. "Quand je suis arrivé, à la hauteur du stade, il y avait la ceinture policière qui nous interdisait l'accès. Au bout d'une heure, ils ont procédé à une perquisition à l'intérieur du siège".
"Comme si on veut couper la parole de la CCAT"
Toujours au nom de la CCAT, Anthony Lecren a indiqué : "Cette conférence de presse devait faire un point", après les rendez-vous des derniers jours. À savoir : l'assemblée de la CCAT à la tribu bouraillaise d'Azareu et "les discussions qui ont eu lieu" à Koné, alors que le FLNKS devait tenir son congrès à la tribu de Netchaot. "Et surtout la conduite à suivre dans ces prochains jours. Il y a une phase d'émotion, a lancé Anthony Lecren. C'est comme si on veut couper la parole de la CCAT." En début de soirée, la Cellule de coordination des actions de terrain a transmis un communiqué officiel.
Concernant les arrestations, tous les militants engagés dans la CCAT étaient préparés à cette éventualité (…) La CCAT appelle l’ensemble des militants indépendantistes à ne pas répondre à cette nouvelle provocation, à démontrer notre détermination et à ne pas tomber dans cette manœuvre coloniale d’un autre temps.
Communiqué de la Cellule de coordination des actions de terrain, le 19 juin 2024