Des violences conjugales aux vols de voitures, 15 tendances à retenir dans le bilan 2023 de la délinquance

Plus de 200 personnes ont marché dans le centre-ville de Nouméa, le 27 janvier 2024, pour dénoncer les violences faites au femmes.
Le haut-commissaire a dressé mardi après-midi un bilan de la délinquance mitigé, avec les représentants des forces de l’ordre et du Parquet. Les grandes tendances 2023 en Nouvelle-Calédonie ? Baisse des atteintes aux biens, augmentation des infractions routières, multiplication des saisies de stupéfiants… Mais surtout un nombre grandissant d'atteintes aux personnes, et des violences intrafamiliales très préoccupantes.

“Le bilan général de la délinquance n’est pas très différent d’il y a un an.” Constat du haut-commissaire, Louis Le Franc, à l’heure de décrypter les chiffres de l’année 2023. Deux grandes tendances s'opposent. L’une “va dans le bon sens”, l’autre est négative. Car si les atteintes aux biens reculent, en particulier les vols de voitures et aussi les cambriolages, les atteintes aux personnes sont, elles, de plus en plus nombreuses.

1 De plus en plus d'atteintes aux personnes

Prenons d'abord ce qui va "dans le mauvais sens", selon les mots du haussaire. Presque six mille atteintes aux personnes ont été enregistrées en Calédonie l'an dernier. 5 936 faits alors que le chiffre était de 5 279 en 2022. Parmi elles, ce qu'on appelle les "violences physiques non crapuleuses" (les violences gratuites, en somme) sont passées à 4 388 (+ 13% en une année). Sur quatre ans, entre 2019 et 2023, l'augmentation atteint presque 48 %. Taux pour mille habitants : 16,17. Il est de 7,79 dans l'Hexagone. C'est deux fois plus élevé.

2 Un demi-millier de violences sexuelles

Autre constat inquiétant, "les atteintes aux personnes sont toujours marquées par une évolution très défavorable des violences sexuelles", souligne le bilan de la délinquance. En 2023, il y a eu 506 faits enregistrés (+ 19 % comparé à 2022). Et depuis 2019, le nombre de violences sexuelles signalées en Calédonie s’est envolé : + 76 %. 

3 Le record de France des violences intrafamiliales 

Le pire se passe à l'intérieur de la famille. La Calédonie reste la région de France qui compte le plus de violences intrafamiliales. 3 012 victimes en 2023 (2 510 en 2022). Le phénomène a explosé depuis 2019, + 91 %. Le taux de faits pour mille habitants culmine à 8,4 quand il est de 3,1 dans l'Hexagone ! Au point de représenter la moitié des atteintes aux personnes en zone gendarmerie. On retiendra quand même une donnée rassurante : l'an dernier, à Nouméa, les violences intrafamiliales envers les enfants ont diminué de 30 %.

Au Camp-Est, un détenu sur trois a été condamné pour des violences intrafamiliales. 

Bilan de la délinquance 2023

4 Les violences conjugales s'envolent

Sur les quelque trois mille personnes qui ont subi des violences dans le cercle familial, les deux tiers (2197) ont été agressés par leur conjoint. On assiste en Calédonie à une augmentation constante des violences conjugales, a décrit Louis Le Franc. Elles ont bondi de presque 94 % depuis 2019. Un constat affolant, qui est à nuancer. Une libération de la parole sur ces sujets délicats se traduit par davantage de signalements et de plaintes, conséquence du travail de terrain. "Mais c'est préoccupant par rapport au volume de procédures et à la gravité des violences", insiste le procureur de la République, Yves Dupas.

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5 Trois meurtres conjugaux

Les femmes en première ligne. En 2023, la Calédonie a été endeuillée par trois meurtres conjugaux. C'était à Canala, à Thio et à Dumbéa. Dans deux cas sur trois, les victimes étaient des femmes. 

Les coups de pieds donnés au ventre d'une femme enceinte avec des chaussures de sécurité sont un cas assez courant.

Yves Dupas, procureur de la République

Et devinez ce qui joue un rôle dans la plupart des actes de violence ? L'alcool, dénominateur commun des faits de délinquance. "Le territoire, estime le procureur, n'a pas développé un dispositif suffisamment puissant pour faire reculer les addictions à l'alcool."

6 Une délinquance des mineurs préoccupante

La part de mineurs impliqués dans les vols de voiture a bien baissé. En revanche, ils sont toujours nombreux dans les cambriolages (46 à 47 %). Plus largement, dans 18 % des cas, les personnes impliquées dans des faits de délinquance avaient moins de dix-huit ans. Ce qui mène à un autre constat d'Yves Dupas : "Il nous manque comme levier une prise en charge qualitative solide des mineurs" qui arrivent devant la justice.

7 Une centaine de conflits claniques

L'exemple dramatique de Touaourou rappelle que les désaccords entre clans peuvent prendre une tournure gravissime. Ils ont marqué 2023 à Yaté, mais aussi Kaala Gomen, Thio, l'île des Pins, Belep ou Hienghène. Le général Nicolas Mattheos, "comgend", a dénombré pas moins de 104 conflits claniques en zone gendarmerie. 

Les conflits claniques nous ont détourné de nos missions pour aller jour les Casques bleus sur des conflits violents, nécessitant un traitement de fond que nous n’avons pas les moyens d’apporter.

Général Nicolas Mattheos, commandant de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie

8  Les atteintes aux biens baissent d'environ 9%

Parlons de ce qui va mieux. La Calédonie subit ce qu’on appelle une délinquance d’appropriation. Mais en 2023, 8 072 atteintes aux biens ont été recensées. Ça représente une baisse de 8,9 % comparé à 2022. De quoi rapprocher les ratios locaux des indicateurs nationaux. Le taux d’atteintes aux biens pour mille habitants est désormais de 29,7 sur le Caillou. Et de 29,1 dans l’Hexagone. “Ça va dans le bon sens et les taux d’élucidation sont très élevés”, résume le haut-commissaire. 

9   Les vols de véhicules diminuent de 31 %

La plus forte diminution concerne les vols de voitures, passés de 1 259 en 2022 à 867 en 2023 (- 31 %). Tendance à la baisse aussi pour les cambriolages : 1804 en 2023, ce qui donne - 5,4 % sur un an. Si l’on remonte à 2019, les atteintes aux biens ont reculé de 18,5 % en quatre ans, dont - 30% pour les cambriolages et - 24,5 % pour les vols de véhicules. Un progrès que l'Etat attribue à "une présence renforcée des forces de l'ordre sur le terrain" et à "un renforcement des contrôles routiers".

10 Davantage de mis en cause pour usage et trafic de drogue

"Le nombre de personnes mises en cause pour usage et trafic de stupéfiants a atteint son plus haut niveau depuis 2016", dit le bilan. C'était une priorité fixée pour 2023. La gendarmerie et la police nationale ont développé des cellules dédiées. Bonne nouvelle, la Calédonie reste épargnée par le trafic de drogues à grande échelle, tout comme le trafic d’êtres humains, le grand banditisme ou les vols à main armée. Cela dit, des réseaux de production et de vente de cannabis se structurent, et la culture indoor se développe.

Pour présenter le bilan de la délinquance 2023, les douanes, le parquet, le haut-commissaire, la gendarmerie et la police nationale, le 5 mars 2024, à Nouméa.

11 Sur les routes, moins de morts…

Après une année 2022 endeuillée par 70 tués sur les routes, le bilan 2023 est de 51 morts. Il faut dire que les contrôles se sont multipliés, 3 400 en tout. “C’est considérable, ça donne des résultats”, estime Louis Le Franc. L’effort devrait être maintenu en 2024. 

12 …et plus d'infractions

Dans le même temps, "on note une augmentation significative du nombre d'infractions relevées, soit 43 % en zone police (12 269 infractions sur l'année) et près de 97 % en zone gendarmerie (22 355 infractions)". Avec plus d'alcoolémie au volant, beaucoup de tests positifs au cannabis, une hausse des excès de grande vitesse ou "une intensification des conduites sans permis"

13 Un taux d’élucidation salué

Le représentant de l’Etat en Nouvelle-Calédonie met en avant un taux d’élucidation des faits de délinquance “deux fois supérieur à ce qui existe” dans l’Hexagone. En 2023, les forces de l’ordre ont résolu 54 % des affaires. 

14 Une activité judiciaire "soutenue"

Le procureur parle de “traitement judiciaire soutenu”. En 2023, indique Yves Dupas, il y a eu plus de 5 400 gardes à vue (+ 10%) et 3 660 condamnations pénales ont été prononcées. 1 944 ont consisté en une peine de prison ferme, avec une durée de condamnation moyenne de neuf mois et demi.  

15 Un taux d'incarcération très élevé

"Nous avons bien sûr un taux d'incarcération particulièrement élevé", poursuit le procureur : 265 détenus pour 100 000 habitants, ce qu'il met en lien avec la grande proportion de multirécidivistes ou d'auteurs de faits très graves. Le Camp-Est regroupe environ 600 de ces détenus et une centaine d’autres se trouvent à la nouvelle prison ouverte à Koné. À noter 230 personnes “actuellement” placées sous bracelet électronique.