Véritable serpent de mer depuis de nombreuses années, la construction d’une nouvelle prison à Nouméa semble cette fois actée. La visite du ministre de la Justice et du ministre de l’Intérieur, ce 22 février, devrait être l’occasion de dévoiler le calendrier de ces futurs travaux, prévus en baie de Koutio-Kouéta, pour un montant colossal de 60 milliards de francs.
Ce futur établissement doit remplacer, à terme, la prison de Nouville, construite sur les vestiges du bagne et plus communément appelée le "Camp-Est", un surnom hérité de la colonie pénitentiaire.
Une prison surpeuplée
Avec 607 détenus pour un peu moins de 400 places, le Camp-Est affiche une surpopulation carcérale d'environ 150 %. L’ouverture de la prison de Koné en 2023 n’a pas réduit cette suroccupation à Nouméa, compte tenu du nombre de personnes qui était en attente d'un placement en détention.
Des cellules bondées
Selon les normes en vigueur, les prisonniers doivent bénéficier de cellules individuelles, à l'image de la prison de Koné. Mais avec 230 cellules pour près de 600 détenus, la réalité est tout autre à la prison de Nouméa. Certains prisonniers sont entassés à quatre dans un espace de moins de 10m2. Faute de place pour installer un deuxième lit superposé, des détenus dorment à même le sol ou ont recours au système D, en suspendant un matelas à moins d’un mètre du plafond, à l’aide de draps.
Une chaleur étouffante
Malgré la pose de ventilateurs plus grands et plus puissants, une chaleur suffocante règne dans les cellules pendant la période estivale. Les détenus dénoncent aussi la présence de rats et de cafards.
Des conteneurs aménagés
Pour faire face à la surpopulation du Camp-Est, des travaux d’extension ont été réalisés il y a dix ans. Mais les capacités de la prison restent insuffisantes. Pour accueillir davantage de détenus, des conteneurs ont été aménagés en cellules, mal isolées et qui vieillissent à vue d'œil.
Des conditions jugées indignes
Surpopulation, vétusté, manquements à l’hygiène… Le centre pénitentiaire de Nouméa est régulièrement pointé du doigt pour ses conditions de détention jugées indignes. Et ce, en dépit des tentatives régulières de réhabilitation des locaux.
En 2019, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait dénoncé la « violation des droits fondamentaux » des détenus et lancé une procédure d’urgence. Ces dernières années, plusieurs prisonniers ont obtenu gain de cause auprès du tribunal administratif sur leur demande d’indemnisation pour conditions dégradantes d’incarcération. L’an dernier, le Conseil d’Etat a condamné l’Etat à verser 1,2 million de francs d’amende pour des travaux non effectués. Et 507 recours de condamnés pour conditions de détention indignes ont été déposés devant le juge d’application des peines.
Tentatives de suicide et mutilation
C’est un problème connu au Camp-Est. Certains prisonniers ont déjà tenté de mettre fin à leurs jours ou se mutilent, en s’amputant des doigts notamment.
Des détenus "shootés" aux médicaments
Le recours aux neuroleptiques est très fréquent au Camp-Est. Une "béquille" qui aide bien souvent les détenus à supporter des conditions de détention particulièrement difficiles.
Pas de droits Cafat
Pendant leur incarcération, les détenus ne sont plus sous le régime de la Cafat. Leurs frais médicaux sont pris en charge par l'Etat. Ce qui n'est pas sans poser problème à leur sortie de prison, les droits ayant été interrompus.
Des journées entières derrière les barreaux
Les détenus du Camp-Est passent l’intégralité de leurs journées ou presque enfermés dans ces cellules exiguës. Hormis les sorties autorisées dans la cour de la prison, ceux qui ne travaillent pas restent jusqu'à vingt-deux heures par jour en cellule.
Le dessin comme échappatoire
Parmi les détenus, beaucoup s'adonnent au dessin. Certains avec une portée politique, d'autres plus personnels. Une exposition avait permis de découvrir quelques talents en 2020 à la bibliothèque Bernheim.
Des prisonniers kanak pour la quasi-totalité
Constat frappant : plus de 90 % des prisonniers du Camp-Est sont d’origine kanak, selon les estimations du Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). Si ces chiffres interpellent, il n’existe aucune étude sociologique, pour l'heure, qui permette d’expliquer cette surreprésentation, regrette le SPIP.
Deux fois plus de placements en détention que dans l'Hexagone
Autre particularité : la Calédonie compte un peu plus de 700 prisonniers, répartis sur les deux centres pénitentiaires de Nouméa et de Koné, pour 270 000 habitants. Ce qui représente un taux d'incarcération deux fois plus important que dans l'Hexagone. Actuellement, on dénombre 2,6 Calédoniens sur 1 000 derrière les barreaux.
Huit femmes seulement sur un total de 607 prisonniers à Nouméa
Le quartier des femmes et celui des mineurs sont les seuls à ne pas être surpeuplés. On compte actuellement dix mineurs pour une capacité de douze places et huit prisonnières pour un total de quinze places.
La grogne des surveillants
Les prisonniers ne sont pas les seuls à faire les frais des conditions de détention. Régulièrement, les surveillants alertent, eux aussi, sur leurs conditions de travail. L'an dernier, ils ont réclamé des effectifs supplémentaires pour faire face à la surpopulation carcérale et ont protesté contre les agressions à répétition de la part de détenus. L'Etat a lancé en juillet une campagne de recrutement.
Très peu de travail carcéral
Alors que des études internationales montrent que le travail carcéral peut réduire les risques de récidive, ces possibilités sont très limitées au Camp-Est. Les prisonniers peuvent travailler exclusivement pour des missions rémunérées par l’administration pénitentiaire, telles que la préparation et la distribution de repas ou encore le nettoyage des locaux.