EN IMAGES. Dans la prison surpeuplée du Camp-Est à Nouméa

Par manque de place, des cellules ont été aménagées dans des conteneurs à la prison du Camp-Est.
Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin se rendront, ce jeudi matin, à la prison de Nouméa. En attendant la construction d’un nouveau centre pénitentiaire en Nouvelle-Calédonie, prévu sur la presqu’île de Ducos, les conditions de détention sont régulièrement dénoncées au Camp-Est. Retour en images sur cette prison vétuste et surpeuplée. Un reportage photo réalisé en 2023, lors d'une visite parlementaire.

Véritable serpent de mer depuis de nombreuses années, la construction d’une nouvelle prison à Nouméa semble cette fois actée. La visite du ministre de la Justice et du ministre de l’Intérieur, ce 22 février, devrait être l’occasion de dévoiler le calendrier de ces futurs travaux, prévus en baie de Koutio-Kouéta, pour un montant colossal de 60 milliards de francs.  

Ce futur établissement doit remplacer, à terme, la prison de Nouville, construite sur les vestiges du bagne et plus communément appelée le "Camp-Est", un surnom hérité de la colonie pénitentiaire.

Vétuste, la prison de Nouméa a été construite sur un ancien site du bagne.


Une prison surpeuplée

Avec 607 détenus pour un peu moins de 400 places, le Camp-Est affiche une surpopulation carcérale d'environ 150 %. L’ouverture de la prison de Koné en 2023 n’a pas réduit cette suroccupation à Nouméa, compte tenu du nombre de personnes qui était en attente d'un placement en détention.

Par manque de place, des matelas sont souvent posés directement sur le sol en béton des cellules.

 

Des cellules bondées

Selon les normes en vigueur, les prisonniers doivent bénéficier de cellules individuelles, à l'image de la prison de Koné. Mais avec 230 cellules pour près de 600 détenus, la réalité est tout autre à la prison de Nouméa. Certains prisonniers sont entassés à quatre dans un espace de moins de 10m2. Faute de place pour installer un deuxième lit superposé, des détenus dorment à même le sol ou ont recours au système D, en suspendant un matelas à moins d’un mètre du plafond, à l’aide de draps.

A la prison de Nouméa, les détenus font preuve d'ingéniosité pour dormir à quatre dans des cellules prévues pour deux personnes.


Une chaleur étouffante

Malgré la pose de ventilateurs plus grands et plus puissants, une chaleur suffocante règne dans les cellules pendant la période estivale. Les détenus dénoncent aussi la présence de rats et de cafards. 

Quand le thermomètre dépasse les 30 degrés, la chaleur peut vite devenir infernale à l'intérieur des cellules, les ventilateurs brassant avant tout de l'air chaud.


Des conteneurs aménagés

Pour faire face à la surpopulation du Camp-Est, des travaux d’extension ont été réalisés il y a dix ans. Mais les capacités de la prison restent insuffisantes. Pour accueillir davantage de détenus, des conteneurs ont été aménagés en cellules, mal isolées et qui vieillissent à vue d'œil.  

Le député Nicolas Metzdorf lors d'une visite au Camp-Est en février 2023.


Des conditions jugées indignes 

Surpopulation, vétusté, manquements à l’hygiène… Le centre pénitentiaire de Nouméa est régulièrement pointé du doigt pour ses conditions de détention jugées indignes. Et ce, en dépit des tentatives régulières de réhabilitation des locaux.

En 2019, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait dénoncé la « violation des droits fondamentaux » des détenus et lancé une procédure d’urgence. Ces dernières années, plusieurs prisonniers ont obtenu gain de cause auprès du tribunal administratif sur leur demande d’indemnisation pour conditions dégradantes d’incarcération. L’an dernier, le Conseil d’Etat a condamné l’Etat à verser 1,2 million de francs d’amende pour des travaux non effectués. Et 507 recours de condamnés pour conditions de détention indignes ont été déposés devant le juge d’application des peines. 

Au Camp-Est, les conditions d'hygiène restent précaires, comme ce système de douche spartiate, où l'eau s'écoule sur le sol battu de la cellule.


Tentatives de suicide et mutilation 

C’est un problème connu au Camp-Est. Certains prisonniers ont déjà tenté de mettre fin à leurs jours ou se mutilent, en s’amputant des doigts notamment.

Dans une cellule de la maison d'arrêt de Nouméa.


Des détenus "shootés" aux médicaments

Le recours aux neuroleptiques est très fréquent au Camp-Est. Une "béquille" qui aide bien souvent les détenus à supporter des conditions de détention particulièrement difficiles.

Personnel de santé au centre pénitentiaire de Nouméa.


Pas de droits Cafat

Pendant leur incarcération, les détenus ne sont plus sous le régime de la Cafat. Leurs frais médicaux sont pris en charge par l'Etat. Ce qui n'est pas sans poser problème à leur sortie de prison, les droits ayant été interrompus. 

En Nouvelle-Calédonie, les soins dispensés aux prisonniers sont pris en charge par l'administration pénitentiaire.



Des journées entières derrière les barreaux

Les détenus du Camp-Est passent l’intégralité de leurs journées ou presque enfermés dans ces cellules exiguës. Hormis les sorties autorisées dans la cour de la prison, ceux qui ne travaillent pas restent jusqu'à vingt-deux heures par jour en cellule.

Le terrain de foot dans l'enceinte du Camp-Est.


Le dessin comme échappatoire

Parmi les détenus, beaucoup s'adonnent au dessin. Certains avec une portée politique, d'autres plus personnels. Une exposition avait permis de découvrir quelques talents en 2020 à la bibliothèque Bernheim. 

Fresque sur la façade de la cantine du Camp-Est.


Des prisonniers kanak pour la quasi-totalité

Constat frappant : plus de 90 % des prisonniers du Camp-Est sont d’origine kanak, selon les estimations du Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). Si ces chiffres interpellent, il n’existe aucune étude sociologique, pour l'heure, qui permette d’expliquer cette surreprésentation, regrette le SPIP. 

Dans la cour de la prison du Camp-Est à Nouméa.


Deux fois plus de placements en détention que dans l'Hexagone

Autre particularité : la Calédonie compte un peu plus de 700 prisonniers, répartis sur les deux centres pénitentiaires de Nouméa et de Koné, pour 270 000 habitants. Ce qui représente un taux d'incarcération deux fois plus important que dans l'Hexagone. Actuellement, on dénombre 2,6 Calédoniens sur 1 000 derrière les barreaux.

Dans l'enceinte du centre pénitentiaire de Nouméa.


Huit femmes seulement sur un total de 607 prisonniers à Nouméa

Le quartier des femmes et celui des mineurs sont les seuls à ne pas être surpeuplés. On compte actuellement dix mineurs pour une capacité de douze places et huit prisonnières pour un total de quinze places.

Une douzaine de jeunes peuvent être accueillis dans le quartier des mineurs.

La grogne des surveillants 

Les prisonniers ne sont pas les seuls à faire les frais des conditions de détention. Régulièrement, les surveillants alertent, eux aussi, sur leurs conditions de travail. L'an dernier, ils ont réclamé des effectifs supplémentaires pour faire face à la surpopulation carcérale et ont protesté contre les agressions à répétition de la part de détenus. L'Etat a lancé en juillet une campagne de recrutement

Surveillant du centre pénitentiaire de Nouméa.


Très peu de travail carcéral

Alors que des études internationales montrent que le travail carcéral peut réduire les risques de récidive, ces possibilités sont très limitées au Camp-Est. Les prisonniers peuvent travailler exclusivement pour des missions rémunérées par l’administration pénitentiaire, telles que la préparation et la distribution de repas ou encore le nettoyage des locaux.

Pause cigarette à la cantine du Camp-Est.