Quand Claudelson Joseph arrive dans l’Hexagone, il y a un peu plus de six mois, il pèse 176 kilos pour 1m78. L’adolescent de 13 ans souffre d’obésité morbide.
Originaire de Rivière des Pères à Basse Terre, le Guadeloupéen avait été repéré par une infirmière scolaire, qui avait ensuite alerté l’AGOSSE, l’association Antilles Guyane de lutte contre l’obésité, le surpoids et la sédentarité. Grâce à cette association, l’adolescent a pu rejoindre l’Hexagone pour être pris en charge dans un centre spécialisé.
“Mon âge et mon poids, ça n’allait pas ensemble, confie Claudelson. Mon IMC (Indice de masse corporelle, ndlr) était beaucoup trop élevé pour un enfant de mon âge, ça risquait de me mettre en danger et surtout ça m’empêchait de faire les activités que j’aime comme le volleyball ou le tennis de table.”
Réapprendre à manger et à bouger
C’est en Lozère, au centre de de Soins de Suite et de Réadaptation pédiatrique (SSR) d’Antrenas Les Ecureuils que Claudelson a réappris à manger et à bouger : “d’être ici, cela m’a permis de perdre du poids et de me sentir mieux dans ma peau”, explique l’adolescent. J’ai pu reprendre les activités que j’aimais, comme le volley.” A 13 ans, il se découvre même du talent pour le badminton -"c’est un peu facile, vu ma taille”. Il aime, parce qu’il gagne (!) et compte bien “remonter [ses] notes grâce à ça.”
Claudelson a réappris à vivre tout simplement : “je m’amuse bien ici, je me suis fait de nouveaux amis”. A Antrenas, le SSR accueille une soixantaine d’enfants âgés de 6 à 18 ans, tous atteints d'obésité, mais à différents degrés.
Entre les enfants, on se comprend tous, il n’y a pas d’insultes. Quand il y a un problème, on le résout sans avoir à se disputer, on est solidaires.
Claudelson Joseph
L’obésité morbide, c’est quoi ?
Xavier Lacombe, médecin au SSR pédiatrique d'Antrenas, raconte : “Claudelson est arrivé ici parce qu’il a été repéré comme atteint d'obésité morbide, c'est-à-dire avec un IMC supérieur à 35 ou 40. Et on sait très bien qu’un tel IMC peut provoquer des effets délétères sur la santé, pas à cet âge-là mais plus tard.”
"Morbide, c’est un terme qui fait peur, ça veut dire une obésité qui peut entraîner des comorbidités, explique le médecin, c’est-à-dire des complications de l’obésité qui n’arrivent pas à 15-16 ans, mais un peu plus tard et immanquablement quand l’IMC est au-dessus de 40 : à savoir l'hypertension artérielle, le diabète, le symptôme de l’apnée du sommeil, les complications orthopédiques, des douleurs qui réduisent l’espérance de vie et la qualité de vie aussi.”
Efficacité de la prise en charge
Fin janvier, Claudelson avait déjà perdu pas loin de 25 kilos. De très bon augure pour la suite. “C’est bien, ça prouve que tous les efforts que j’ai fait ont obtenu un effet positif sur mon corps et que j’ai changé de pensée", observe le jeune homme.
Pour le Dr Lacombe, c’est une première victoire : “Claudelson a compris l’utilité de la prise en charge et son efficacité puisque les résultats sont déjà là. Entre 20 et 25 kilos de perte en quelques mois, cela veut dire qu’on va probablement arriver à 40 kilos d’ici la fin de l’année, avec un IMC pas parfait, mais qui va le sortir probablement de l’obésité morbide.”
Alors que c’était extrêmement difficile pour lui au départ, Claudelson se déplace maintenant beaucoup mieux et participe même aux activités sportives. “Je me suis réhabitué à devoir courir, marcher vite… c’est moins saoulant qu’avant”, ironise le jeune homme qui a ainsi pu reprendre les cours d’EPS au collège début 2022. Il en était dispensé jusqu’ici.
L'obésité, une maladie chronique
“En sortant, je vais continuer à appliquer les conseils que le centre m’a appris, pour continuer à perdre du poids ou au moins ne pas en prendre”, souligne Claudelson.
Mes seuls objectifs ici, c’est de sortir en bonne santé et de savoir comment rester en bonne santé.
Claudelson Joseph
Car l’adolescent sait que son combat n’est pas terminé. L’obésité est en effet considérée comme une maladie chronique et, à l’image du diabète par exemple, elle ne va pas disparaître du jour au lendemain. Pour Mélanie Planchon, diététicienne au SSR, c’est bien la question de l’"après” qu’il ne faut pas prendre à la légère : “on ne s'imaginerait pas prendre en charge un enfant qui a du diabète et le laisser rentrer chez lui sans qu’il n’ait plus de rendez vous ni avec une diététicienne, ni avec un médecin, ni avec un autre professionnel de santé.”
D’où l’importance d’un soutien à la sortie du centre : cette maladie doit être prise en charge sur le long terme. Ce soutien, Claudelson pourra le trouver auprès de l'Agosse, quand il retrouvera sa Guadeloupe natale.
La mobilisation de l’AGOSSE
Chaque année, l’AGOSSE permet à une dizaine de jeunes Guadeloupéens, âgés de 6 à 18 ans, de traverser l’Atlantique pour être soignés en Lozère. Un trajet et un séjour financés par la sécurité sociale, car en Guadeloupe, il n’y a pas de centre spécialisé pour soigner l’obésité morbide. “On emmène les enfants soit pour les séjours d’été, soit pour les séjours de longue durée, comme pour Claudelson, explique Marie-Elise Sextius, présidente de l’AGOSSE. Pour les séjours d’été, l’association est aussi en lien avec un centre de soins de suite et de réadaptation situé à Roscoff, en Bretagne.
Mais les demandes sont de plus en plus nombreuses et l’association ne parvient pas à toutes les satisfaire : “avec le Covid, ça s’est encore empiré, la prévalence de l’obésité a doublement augmenté”, estime Marie-Elise Sextius. “Mais nous mettons tout en œuvre pour lutter contre cette prévalence et réduire l’obésité en Guadeloupe. Je pense qu’il serait utile d’avoir un centre spécialisé dans nos territoires d’Outre-mer pour pouvoir soigner nos enfants.” Dans l’Hexagone, il en existe une trentaine.