L'annonce de la mort de Johnny Catherine fait l'ouverture du journal à La Réunion, ce 26 décembre 2004 alors que le monde entier est sous le choc des tsunamis qui ont déferlé dans toute l'Asie du Sud-Est. Johny Catherine, 34 ans, marié et père de trois enfants, était bien connu dans les rues de Saint-François, le quartier de Saint-Denis où il résidait. La violence de la mort du "Myke Tyson réunionnais" en a choqué plus d'un.
Le pedigree de l'ancien champion
Johnny Catherine voit le jour le 29 septembre 1970 à Saint-Denis à La Réunion. Il est abandonné par sa mère et son père ne le reconnaît pas. Il est recueilli avec sa sœur Carole par sa tante maternelle. L'enfant n'a pas une enfance facile. Il quitte l’école sans savoir ni lire, ni écrire et très vite il se forge une réputation de petit caïd. À peine majeur, il a déjà un casier judiciaire et plusieurs semaines en prison pour coups et blessures à son actif.
Le sport comme exutoire
En 1990, Johnny Catherine enfile pour la première fois des gants de boxe et ses talents de "cogneur" sont vite repérés. En 1994, il devient champion de La Réunion chez les moins de 63 kg. Suivront les titres de champion de France division honneur l'année suivante et champion de France division élite en 1997. Cette même année, il décroche aussi à Paris le titre de numéro 1 mondial de sa catégorie. À 28 ans, le “lion de Saint-François” est sacré champion d’Europe.
De la rubrique sportive à celle des faits divers
Johnny Catherine décroche son brevet d’Etat d’éducateur sportif dans l'Hexagone et rentre à La Réunion où il commence à donner des cours de boxe et à s'investir auprès des jeunes du quartier. Mais ce n’est pas seulement sur les rings que l’ex-champion joue des poings.
En décembre 2000, Johnny Catherine est impliqué dans une bagarre entre bandes rivales. Il est condamné à un an de prison en mars 2002.
À sa sortie de prison, le Dionysien se remet à la compétition mais cette fois-ci en boxe thaïlandaise. Il ne parvient toutefois pas à renouer avec le succès. Et peu à peu dans les rues de Saint-François, l’image du lion laisse la place à celle du coq, soit celle d’un homme qui n’hésite pas à user de sa force pour imposer sa loi et se faire respecter. Au risque de susciter les jalousies et de collectionner les ennemis.
Le drame
Le 26 décembre 2004, Johnny Catherine est sauvagement assassiné, après avoir été roué de coups par plusieurs jeunes en embuscade.
Peu de temps après, six personnes sont interpellées et placées en garde à vue. Dans le quartier, l’affaire est sensible et le drame divise. Certains évoquent le climat de terreur instauré par Johnny Catherine et l’inaction des autorités. D’autres dénoncent la barbarie du guet-apens qui lui a été tendu.
Petit à petit, les langues se délient et deux sons de cloche se font entendre. D’un côté, le récit de ceux qui décrivent la personnalité bagarreuse de la victime et ses méfaits. De l'autre, les témoignages de sympathie envers l’ex-champion...
Deux jours après sa mort, les obsèques se tiennent dans une église trop petite pour accueillir sa famille et tous ses amis.
Violence, provocation, haine au menu du procès
Il faudra attendre septembre 2007 et le procès à la cour d’Assises de Saint-Denis pour éclairer le déroulé du drame. Huit jours d’audience, dix avocats, près de trente témoins et nombre de spectateurs se bousculent pour assister à ce procès d’une ampleur jamais vue à la Réunion.
Dès les premières auditions, les versions divergent mais l’examen du corps du boxeur confirme la violence de l’assaut. Tout paraît alimenter la thèse d’une expédition punitive contre le coq bagarreur.
Le rapport d’autopsie recense 31 coups dont une douzaine suffisamment violents pour entailler les os. La salle d’audience blêmit aux descriptions du médecin légiste. La blessure principale est une entaille de 20 centimètres de long. Lequel des accusés a infligé ce coup ? C’est l’une des questions auxquelles la cour d’Assises tente de répondre. Ils sont huit sur le banc des accusés.
Le fils caché
Au cours du procès, une autre histoire voit le jour autour de l’un de deux accusés : David, l'enfant que Johnny Catherine n’a jamais reconnu et André Chapelin, son père adoptif. L'adolescent de 15 ans s’était mis à la boxe, sans connaître son lien caché avec l’ex-champion. Au moment des faits, il venait d'apprendre de la bouche même de l'ex-champion que celui-ci était non seulement son père biologique mais aussi qu'il serait né d'un viol. Un mois après cette terrible annonce, il fera partie des assaillants.
Cette histoire familiale a-t-elle eu une incidence sur l’attaque meurtrière ? Durant les débats, les avis divergent. L'avocate des parties civiles, suggère que la situation pourrait bien avoir poussé Chapelin à agir. L’avocat du père adoptif, affirme de son côté que les accusés n’avaient pas connaissance du lien entre l’adolescent, l’ex-champion et son client.
Le verdict
Sept des accusés comparaissent pour assassinat, ils encourent la prison à perpétuité. Mais à la veille du verdict un coup de théâtre se produit à la cour d’Assises. L’avocat général décide d’abandonner la charge d’homicide volontaire.
Après plus de quatre heures de délibéré, les jurés tranchent : non, ce n’était pas un assassinat. Et non, ce n’était pas prémédité. Les sept accusés sont reconnus coupables de coups mortels aggravés. André Chapelin est condamné à 10 ans de prison, les frères Hoarau à huit ans. Les autres écopent de quatre à sept ans de réclusion criminelle.
Le fils caché, David Chapelin, mineur au moment des faits, est jugé quelques mois plus tard au Tribunal pour enfants de Saint-Denis. Il est condamné à cinq ans de prison avec sursis. Le président du Tribunal a justifié le verdict en évoquant notamment “l’histoire très particulière” qui liait l’accusé et la victime.
Trois ans après le drame, l’affaire Johnny Catherine prend donc fin. Mais la légende du lion de Saint-François reste pour certains bien vivante. Dans un virage du chemin de La Comète, à Saint-Denis, une longue fresque a été peinte en son honneur. On y voit une imposante tête de lion à la crinière rayonnante et deux boxeurs en plein combat. On y lit aussi l’un des mantras de l’ex-champion “la vraie force c’est d’y croire”.
Retrouvez ici les autres épisodes d'Archipels du crime, consacrés aux grands faits divers qui ont marqué les Outre-mer.
L'affaire Johnny Catherine ou la malédiction du lion, un podcast écrit par Émeline Ferard et raconté par Rébecca Chaillon.
Réalisation : Karen Beun et Samuel Hirsch
Musique et sound-design : Samuel Hirsch
Production originale : Initialstudio avec la participation de France Télévisions
Durée 20 min - 2023