La presse écrite des Outre-mer en grande difficulté

Des quotidiens en situation de monopole sont menacés de fermeture aux Antilles et en Guyane. Un quotidien de La Réunion évite de peu le redressement judiciaire. D'autres organes de presse, Outre-mer, rencontrent des difficultés. Le pluralisme de la presse semble être en grand danger outre-mer. 
En Martinique en Guadeloupe et en Guyane, il n’existe qu’une seule presse écrite quotidienne, celle appartenant aujourd’hui au groupe AJR Participations (France Antilles et France Guyane). Ces quotidiens ont vu le jour en 1964 à l’occasion de la visite officielle en Martinique du Général de Gaulle. Robert Hersant en était alors le propriétaire. C’est le coup d’envoi de la presse régionale quotidienne pour la Martinique, la Guadeloupe puis la Guyane. Chaque territoire a sa propre rédaction. Une presse de référence qui, au fil des ans, se confronte à la concurrence.
 

Difficultés financières

Les premières grandes difficultés financières commencent en 2011 pour France-Antilles Martinique avec un premier plan de départ. Quatre ans plus tard, le titre est placé en redressement judiciaire. Viendront ensuite la Guadeloupe et la Guyane. De 20 000 exemplaires durant la  semaine en 2000, le groupe ne tire qu’à 9 000 exemplaires en 2019 soit 55% de tirages en moins.
 

Premier rachat de France-Antilles

En 2017, la petite-fille de Robert Hersant rachète les quotidiens aux Antilles et en Guyane. Le groupe AJR participations se donne trois ans pour un retour à l’équilibre financier. Un équilibre qui peine à arriver. Seulement deux ans après la reprise du groupe, c’est la cessation de paiement. Nouveau redressement judiciaire que devront subir les salariés de ce titre de presse. Les pertes mensuelles sont estimées à 600 000 euros. Sur les trois départements les ventes ont chuté de 13%.
 

Des salariés inquiets

Après l’annonce du redressement judiciaire en juin, les CDD n’ont pas été renouvelés, et des CDI sont partis. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 240 salariés. Mais tous ne font pas partie des plans de reprises déposés auprès du tribunal de commerce. L'offre la plus optimiste ne conserve que 114 salariés sur les trois sites. "Il y a beaucoup d’incertitudes et de tensions. Des emplois sont menacés. Certains ont plus de trente ans d’ancienneté… L’impact social est important"  confie à Outre-mer la 1ère Rodolphe Lamy, représentant des salariés à France Antilles Martinique. Le 5 décembre, jour de l'audience au tribunal de commerce dans le cadre du redressement, le journal n'est disponible qu'en version numérique. 
 
 

Offre de reprise

L’offre qui tient la corde est celle de l’actuel propriétaire. Mais il lui manque 3 millions d’euros pour boucler son financement. Le projet prévoit de ne garder qu’une version numérique en Guyane avec 4 journalistes, en Guadeloupe et Martinique le quotidien se transformerait en tri-hebdomadaire. L’imprimerie installée en Guadeloupe serait chargée de l’impression pour les Antilles. L’actualité chaude serait traitée sur le numérique.
 

Deux quotidiens à La Réunion

A La Réunion, deux quotidiens de presse écrite quotidienne subsistent. Le JIR, le journal de l'Île de La Réunion, crée en 1951 et le Quotidien de La Réunion, en 1976. Si le premier titre a connu plusieurs propriétaires, l’autre appartient depuis sa création à la même famille, la famille Chane-Ki-Chune. Ces deux titres de presse traversent depuis plusieurs années des crises financières.

En septembre 2019 le JIR est placé en procédure de sauvegarde. Cette procédure permet à l’entreprise de ne pas payer durant un temps donné ses dettes. Elles s’élèvent à 1,4 millions d’euros. Un plan de départs volontaires pour les 126 salariés est mis en place. Le journal a pu bénéficier également d’aide du conseil régional en août 2017.  

Le Quotidien de La Réunion n’est lui, pas à ce stade. Mais il a failli mettre la clé sous la porte très rapidement. Un an à peine après sa création, le titre  est placé en liquidation judiciaire. Il est finalement sauvé par la mobilisation de Réunionnais. Par la suite l’organe de presse a pu bénéficier d’aides. Le Quotidien de la Réunion a par exemple reçu en 2014 du ministère de la culture, 423 532 euros.
 

Le gouvernement alerté

Ce pluralisme de la presse Outre-mer est mis à mal également ailleurs. La Polynésie a dû faire une croix sur un de ses quotidiens, les Nouvelles de Tahiti. Le journal a mis la clé sous la porte en 2014. Un sort que veulent éviter d’autres organes de presse en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte qui ont alerté le gouvernement sur leur sort. La crise s'amplifie et inquiète certains élus. En octobre 2019, le sénateur Dominique Théophile interpelle la ministre des Outre-mer sur le sort de France-Antilles. 
 
Le CIRI, le comité interministériel de restructuration industrielle, chargé d’aider les entreprises en difficulté, travaillent notamment en étroite collaboration avec l’actionnaire principal de France-Antilles pour pouvoir trouver des partenaires et boucler son financement de reprise. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé que la presse d’outre-mer bénéficierait d’exonérations de charges sociales applicables aux entreprises dans ces territoires.  L’IGA-IGAC (Inspection générale des affaires culturelles) a rendu ses propositions concernant le soutien qui pourrait être apporté à la presse ultramarine. Son rapport ne devrait pas être publié avant la décision de justice concernant les titres de France-Antilles, France Guyane. Décision attendue le 14 juillet 2020.