Rentrée littéraire en poésie pour la Guadeloupéenne Gerty Dambury

Gerty Dambury à la Librairie Calypso à Paris, le 16 septembre 2021
L’écrivaine guadeloupéenne Gerty Dambury a présenté à la Librairie Calypso à Paris son nouveau recueil de poèmes, "Ruines et Revifs" (Les éditions du Manguier), un livre aux accents intimistes consacré à la mémoire de ses parents décédés.

Dorénavant installée en Bretagne, la dramaturge et autrice guadeloupéenne Gerty Dambury a fait le voyage vers Paris pour présenter à la Librairie Calypso, la librairie des Outre-mer et des Caraïbes, jeudi 16 septembre, son nouvel ouvrage intitulé "Ruines et Revifs". C’est dans une atmosphère très conviviale, entourée d’amis et de fidèles lecteurs pour la plupart, que l’écrivaine a commenté et lu certains de ses textes, dédiés à Pierre Camille et Emma Justine, ses parents disparus mais spirituellement omniprésents.

"Je suis née dans une culture où la mort est présente. On en faisait autrefois de la joie, de la musique, des contes, des rires en même temps que la peine. C’est un aspect de ma culture que je ne veux pas abandonner", explique Gerty Dambury. "Il n’était pas du tout prévu que le recueil devienne intimiste. Je voulais écrire quelque chose sur cette formidable capacité que nous avons, êtres humains, de passer de la vie à la mort et à une sorte de résurrection. Il y a donc cette force de construction, mais avec la fin qui se profile. Et il y a la permanence de l'être au-delà de la mort. Pour moi c'est fondamental. Les gens ne sont pas morts. Comme dit le poète sénégalais Birago Diop, "ceux qui sont morts ne sont jamais partis". 

Le pays me guide. Je n’écoute que lui. Si minuscule, que tu le dis incapable de vivre seul. Qu’en sais-tu ? Lui me protège. Plus grand. Plus vieux. Des siècles de souffrance l’ont enrichi. Porte en toi les résistances de tes Pères. Même celles que tu ignores. Et attends.

Gerty Dambury (Ruines et Revifs)


Une traduction d’Audrey Lorde à paraître

L’ouvrage est divisé en deux parties. L’une consacrée au père, qui fut un temps libraire "à domicile", entre autres métiers, une période qui a particulièrement marqué l’autrice. L’autre à la mère, le tout dans un entre-deux oscillant entre Guadeloupe et Hexagone. Avec des reminiscences. Les émeutes de mai 1967 en Guadeloupe. La fermeture des usines. Les surprises-parties. L’arrivée en banlieue parisienne, "Comment peux-tu aimer Mantes-La-Jolie, Mère ?". La mort de Salvador Allende et les engagements politiques.

À la Librairie Calypso, Gerty Dambury a également parlé d’un projet auquel elle tient particulièrement : mettre en place, dans son lieu de résidence en Bretagne, un espace permanent où les artistes et écrivains, notamment originaire des Caraïbes, pourront venir travailler et se rencontrer. "Ce sera ouvert à tout le monde, mais pourquoi ne pas essayer de favoriser ceux qui ont le plus de mal à faire exister leurs créations ?", dit-elle. Un grand hangard de 600m2 est déjà disponible et en voie d’aménagement. Des expositions et une bibliothèque sont prévues. À noter également que l’écrivaine guadeloupéenne a traduit et préfacé pour les éditions de l’Arche le célèbre recueil de la poétesse afro-américaine Audrey Lorde, "The Black Unicorn" (parution le 8 octobre). 

Extraits de "Ruines et Revifs"

Première partie : Comme des cailloux éparpillés
"(…) Le pays me guide. Je n’écoute que lui. Si minuscule, que tu le dis incapable de vivre seul.  Qu’en sais-tu ? Lui me protège. Plus grand. Plus vieux. Des siècles de souffrance l’ont enrichi. Porte en toi les résistances de tes Pères. Même celles que tu ignores. Et attends." 

Deuxième partie : Témoignages cruels
"Il n’a jamais fait aussi froid. Ma mère est morte ce matin dans mes bras. "Comment ? Tu ne veux pas repartir ?" C’est tout ce que j’ai trouvé à dire. "Retrouver ta Guadeloupe ?" Quand elle était en train de mourir ? C’est tout ce que j’ai trouvé pour la retenir. La faire revenir. La promesse d’un retour au pays, dans son infernale solitude en paradis, au fond d’une chambre sans bruits, avec ses peurs de milieu de nuit. Seule à cogner contre les murs. Seule à faire taire les murmures des voix qui l’appelaient déjà. Celle de sa mère l’interpellant de l’au-delà."