Rentrer ou rester : face au coronavirus, le dilemme des étudiants ultramarins dans l'Hexagone

Des étudiants à l'université Lyon 3 en mai 2019 (illustration)
Entre inquiétude et volonté de ne pas propager le virus, les étudiants ultramarins de l'Hexagone sont partagés : certains font le choix de rentrer chez eux quand d'autres s'organisent pour vivre malgré la fermeture des établissements scolaires et l'éloignement de leurs familles.
Faut-il rester confiné ou rentrer auprès de sa famille ? Sur les réseaux sociaux, les étudiants ultramarins installés dans l'Hexagone sont nombreux à partager leurs inquiétudes. Certains disent vouloir rentrer, souvent pressés par leurs proches restés dans les Outre-mer.
   

L'inquiètude des parents

C'est le cas de Jade, étudiante en communication à Paris. Elle est rentrée ce dimanche 15 mars après plusieurs jours d'hésitation. "Mes parents voulaient que je n'aille pas à l'école pour que je ne sois pas exposée au virus mais je ne pouvais pas sécher sans justificatif donc j'ai continué à aller en cours", explique-t-elle. Mais face à "l'augmentation rapide du nombre de cas" et aux "razzias dans les supermarchés", la jeune Guadeloupéenne a fini par céder.
 

Mes parents ont désinfecté toutes mes affaires au cas où car on prèfère prendre nos précautions. Je ne vais voir personne pendant 14 jours.
Jade, étudiante rentrée en Guadeloupe


Ariane, 19 ans, va elle aussi rentrer en Guadeloupe dans les prochains jours "vu que les mesures de confinement vont devenir plus strictes" selon elle. Son billet est pris pour le mardi 17 mars : "Je voulais d'abord passer mon permis mais avec la fermeture des auto-écoles, je cherche à partir le plus tôt possible".

Tout comme Elyne, étudiante martiniquaise à la Skema Business School de Lille : "Tous mes proches sont déjà rentrés en Martinique ce week-end, excepté deux-trois amis, on se retrouve vraiment seuls donc on estime que la meilleure des choses est de rentrer auprès de nos proches."
   

"Dépassée par les évènements"

Le gouvernement venant d'annoncer une réduction drastique des transports avec des trajets "longue distance progressivement réduits", certains sont très inquiets face aux "rumeurs" de fermetures d'aéroports et de suppression de vols. Résultat, cette étudiante en information-communication à Paris a fait le choix de ne prendre qu'un aller simple pour sa Guadeloupe natale, dans l'attente de l'évolution potentielle des mesures :
 

Je conçois que rentrer en Guadeloupe, c'est le risque d'introduire encore plus le virus alors que les conditions de nos services de santé sont très limités ces temps-ci. J'ai tout de meme hâte de rentrer car vivre le confinement sur Paris serait extrêmement lassant. J'habite dans un petit logement, l'espace est limité, le temps à l'extérieur n'est pas toujours réjouissant... j'aurais vite fini par être dépassée par les événements, tandis qu'en Guadeloupe même en restant chez moi, mon quotidien sera agréable.

 

Rester, pour protéger...

D'abord tentée de rentrer à Fort-de-France, Angélique a changé d'avis face à l'absence d'information sur la durée de fermeture des universités, mais surtout face au risque de propagation.
 

J'ai une grand-mère qui a plus de 80 ans, des cousins de 2-3 ans, un frère de 15 ans... je ne peux pas me permettre de rentrer et d'être une source de contamination pour ma famille alors qu'ils étaient en sécurité. En Martinique on est plus près de ses parents donc c'est plus rassurant mais les hôpitaux n'ont pas nécessairement la capacité de prendre tout le monde. Donc on se dit "si on rentre et qu'il y a un problème, est-ce que ça vaut le coup ?" On peut prendre la place de quelqu'un qui en a besoin.

 
Tous les jours, Angélique a des nouvelles de sa famille par téléphone et prend le temps d'échanger avec ses amies restées également à Paris. "Être loin de sa famille, c'est dur à gérer, encore plus que d'habitude", confie-t-elle. 
 

...ou par obligation

La situation est d'autant plus difficile à gérer pour les étudiants qui eux ont dû rester par obligation et non par choix. Certains font en effet face aux prix des billets d'avion : au mois de mars, pour un aller-retour, comptez par exemple environ 600 euros pour les Antilles, 900 euros pour La Réunion et plus de 1300 euros pour la Nouvelle-Calédonie. Une somme conséquente pour des budgets déjà serrés par le coût des études, du logement et des dépenses quotidiennes.

Emmy, étudiante martiniquaise installée à Lyon, a elle choisi de rester pour pouvoir continuer à suivre ses cours : "Mon école a mis en place des cours en ligne mais suivant notre emploi du temps actuel, je pense qu'avec le décalage horaire le suivi pourra être compliqué."

Résultat, si elle rentrait, des cours en visio conférence auraient lieu "à 3 heures du matin", abonde une de ses amies. "Et il y a beaucoup de travaux de groupe dans ma filière", ajoute Emmy, "surtout le matin, alors il faut pouvoir rester disponible pour communiquer, pas comme dans un simple amphi". Heureusement, raconte-t-elle, un soutien s'est mis en place entre les étudiants ultramarins de son entourage, eux aussi restés dans l'Hexagone. Par les réseaux sociaux, par téléphone, chacun prend des nouvelles de l'autre, dans l'attente de nouvelles annonces et d'un retour à la normale.
Attention au faux communiqué annonçant un rapatriement des étudiants des Outre-mer
Le ministère des Outre-mer alerte à propos d'un faux communiqué qui circule ces dernières heures. Ce faux document affirme que les étudiants des Outre-mer vont être rapatriés. C'est faux ! Voici le communiqué du ministère des Outre-mer :

"Un faux communiqué de presse circulant sur les réseaux sociaux indique que les étudiants d’outre-mer seront rapatriés à partir du 22 mars 2020 afin de ralentir la propagation du virus Covid-19.
 
Cette information est fausse, aucun rapatriement n’est prévu à ce stade.
 
En cas de crise sanitaire, la lutte contre la manipulation de l’information est encore plus décisive qu’en situation normale. Il est rappelé que les communiqués de presse officiels du ministère des outre-mer sont mis en ligne sur le site du ministère, à l’adresse suivante : http://www.outre-mer.gouv.fr/communiques-de-presse.
 
La publication, la diffusion ou la reproduction de fausses informations est une infraction en droit pénal français qui peut être punie d'une amende de 45 000 euros."