Rugby à 7 : Jordan Sepho et Andy Timo, les flèches bleues de l’Outre-mer

Andy Timo.
Alors qu’ils vont démarrer le tournoi de Hong Kong ce week-end, forts de leur victoire à Los Angeles, les Bleus pensent de plus en plus à l’échéance estivale. Andy Timo et Jordan Sepho, les deux Ultramarins, personnifient cette nouvelle ambition du rubgy à 7 : gagner tout, ne penser qu’à l’or aux JO, et, surtout, bosser dur pour décrocher sa place.

C’est l’un des temples du Seven (le rugby à 7), Hong Kong où tout se fait et se défait. Le symbole de la culture Seven, comme un grand festival. Rendez-vous incontournable pour les amateurs de festivités, de musique et de sport. Après trente ans, ce sera la dernière dans l’enceinte historique du Hong Kong Stadium. Pour autant, ça ne monte pas à la tête de nos Bleus, qui abordent l’évènement sereinement.

À Hong Kong sur leur lancée ? 

Andy Timo le Martiniquais, 19 ans, formé à Massy dans l’Essonne, est relax avant le début de ce tournoi, ça fait tout juste un an qu’il a intégré le groupe. "Hong Kong ? On y va dans le même état d’esprit que tous les autres tournois, pour aller chercher la victoire, en pensant à d’autres après", explique-t-il. D’autant que les Bleus viennent de remporter le tournoi de Los Angeles, alors que leur dernier succès mondial remontait à 2005.

 

Cette couleur d’or, cette sensation, c’est vraiment un plaisir inouï de ressentir ça pour la première fois sachant que ça faisait 19 ans que la France n’avait pas gagné un tournoi. Il n’y aura rien de plus beau pour moi que de marquer l’histoire avec cette équipe!

Jordan Sepho

Jordan Sepho le Réunionnais, 26 ans, formé au club de l’Étang-Salé à La Réunion, a un peu plus de recul qu’Andy dans la discipline, car arrivé dans le groupe France en 2020. Il analyse aussi les effets de la dernière victoire des Bleus, qui ne peuvent plus se cacher avant l’échéance estivale: ils sont parmi les outsiders sérieux au titre olympique.

"Ce qu’on a fait à Los Angeles est très important en vue des Jeux, du coup ça va nous mettre plus confiance dans nos têtes, ça nous a apporté aussi beaucoup de joie. Vu qu’on a enfin gagné un tournoi world séries, on peut aller encore plus haut", espère Jordan Sepho. 

Face au révélateur Fidjien sans Dupont

Avant ça, les Bleus auront un tableau infernal pour aller en phases finales à Hong Kong : le premier jour, vendredi 5 avril, il feront face à l’Australie (qui vient de recruter Michael Hooper une des stars du XV, comme la France l’a fait avec Antoine Dupont) et au Canada.
Mais surtout le 6 avril, ils rencontrent les Fidji. C’est bien connu quand on veut être champions, il faut battre tout le monde, les rugbymen Français ne nourrissent aucun complexe face aux champions olympiques.

On les a battus, ces gars sont un exemple pour le rugby, je ne pourrai pas le décrire, si on les compare au foot ce sont les Brésiliens du rugby. Mais on doit se donner nous les moyens d’être meilleurs qu’eux et les battre aux Jeux.

Andy Timo 

À Los Angeles, Jordan a marqué contre ces "Flying Fidjians" – leur surnom, les Fidjiens volants – et s’en rappelle très bien, car c’est Antoine Dupont qui lui fait une passe millimétrée.

Jordan Sepho et Antoine Dupont.

 

Inévitablement, on en vient à reparler du nouvel atout des Bleus, Antoine Dupont. Il ne sera pas là à Hong Kong, mais a pesé de tout son talent à Vancouver et Los Angeles. Il a aussi apporté quelque chose en plus. Même si garder la même stratégie, et rester fidèle à ses principes est une des priorités de l’équipe, avec ou sans lui.

 

Humainement Antoine c’est un bon délire, je ne m’y attendais pas, il est super gentil, humble, il est normal, rien à dire là-dessus, je ne le pensais pas si humain.  

Jordan Sepho

Andy, quant à lui, a très bien pris cette arrivée de la star du rugby Français : "Il était très humble et discret, il a voulu s’intégrer. On connaissait le personnage sur le terrain et on voulait le connaître aussi en dehors. En fait, il est génial, il fait des blagues, tu ne sens pas qu’il a la grosse tête."

Le demi de mêlée Toulousain est un atout précieux dans ce système du 7. "Inconsciemment, l’arrivée d’Antoine Dupont nous a impacté, explique Andy Timo. On voulait lui prouver qu’il avait fait le bon choix pour nous amener au plus haut, mais que, nous aussi, on pouvait l’amener au plus haut niveau."

Le rêve olympique dans leurs têtes

Quel que soit le résultat de ce tournoi de Hong Kong, Andy et Jordan vont continuer à appliquer leur devise : du travail, encore et toujours.

Andy Timo le Martiniquais, né de parents Haïtiens, a démarré à neuf ans à Massy, le club qui a formé Mathieu Bastareaud ou Jonathan Danty. Il est licencié au Stade Français en XV mais détaché pour le 7. Alors que son club est en tête du Top 14, lui est à fond dans sa nouvelle aventure, même si de temps en temps, il part s’entraîner avec le groupe professionnel et a même joué en coupe d’Europe contre le Leinster.

 

Je me rappelle une inscription sur le mur des vestiaires à Massy quand j’ai commencé le rugby. Le travail bat le talent quand le talent ne s’entraîne pas. Je me fie à ces mots et je m’en suis servi jusqu’à maintenant, ça n’a pas trop mal marché ! 

Andy Timo

Les JO forcément sont présents dans sa tête. "Les Jeux n’ont pas toujours été un rêve, je ne m’imaginais pas un jour y participer. Je regardais ça a la télé, j’étais un fan d’athlétisme et de basket, je regardais aussi l’équitation. Mais dès que le 7 est rentré aux Jeux, on en parlait de plus en plus et pour moi, c’était devenu un objectif à atteindre, explique-t-il. C’est chouette oui, je m’entraîne dur, je bosse."

Sepho, le Réunionnais, affirme se servir des tournois pour se préparer le mieux possible pour les Jeux olympiques, pour être en juillet à son "max level", comme il dit. Avec aussi un atout : "Je ne sens pas la pression et toutes façons, je ne peux pas jouer avec sinon je ne joue pas librement, ça m’est néfaste. Je me mets vraiment zéro pression, je fais ce que j’ai à faire et je m’amuse, c’est le secret."

 

Un duo complice

Le rugby à 7 reste un sport particulier, avec certes un ballon ovale, mais très différent du XV, tant dans les règles, la tactique et l’état d’esprit. C’est ce qui a sans doute rapproché nos deux flèches bleues. Jordan a fait ses premiers pas à La Réunion avec le XV mais a très vite basculé en sélections universitaires à 7, jusqu’ à faire les Jeux olympiques universitaires à Naples, en 2019 (médaille de bronze), avant d’être repéré par les cadres fédéraux :

"Quand on découvre le 7 c’est super dur, se rappelle-t-il. Mais plus c’est dur, plus tu prends plaisir, tu découvres tes qualités dans les espaces, et c’est trop bien de pouvoir courir au maximum sur un terrain et tout donner."

 

 

Même son de cloche chez Andy : "Le simple fait de jouer c’est génial, au XV, il y a trop de stratégie. Là, quand tu joues, tu dois toujours bouger, être actif. Je kiffe car je cours, j’aime ça plutôt que la tactique. Et il faut surtout avoir un très bon cardio".

Je ne dors pas en pensant JO. J’arrive à me déconnecter en jouant à la playstation, je vais voir les copains en menant ma vie d’un gars de 19 ans. Les JO c’est bien, ok, mais il faut garder sa vie de côté. 2024 ? J’aurai 20 ans le 28 mai, ça peut être une belle année. Mais dépasser la vingtaine ça me fait plus peur que d’avoir trois fidjiens en face de moi.  

Andy Timo

Et il faut aussi s’entendre. Les deux hommes ont partagé leur chambre lors de la dernière tournée. Petite révélation du plus jeune. "On est très proches avec Jordan, on est souvent en train de regarder des mangas sur notre téléphone. Bon, il est très bordélique et moi j’aime bien quand c’est bien rangé, mais la cohabitation se passe bien", sourit Andy Timo.

L’ainé, Jordan, apporte une dernière notion supplémentaire, qui explique peut-être l’état d’esprit des septistes : "On est une famille dans le 7, on voyage ensemble autour du monde, on vit ensemble à Marcoussis, on fait tout ensemble. Je ne sais pas comment l’expliquer mais c’est une approche qui fait notre force. On est une vingtaine de gars, on attend la sélection pour les Jeux sereinement."