Serge Abatucci, comédien et metteur en scène : "Il faut ouvrir les frontières à l'intérieur de nous-mêmes"

Dans "Moi Kadhafi", une pièce écrite par Véronique Kanor et mise en scène par Alain Timar, Serge Abatucci est Paul un comédien antillais qui accepte de jouer au théâtre le rôle du dirigeant libyen. Dans ce spectacle il explique pourquoi il a accepté ce rôle. Après une série de représentations à Paris, la pièce sera présentée au festival d'Avignon cet été.

"Pour moi Paul c'est Serge Abatucci parce que c'est un vrai parcours spirituel. Les gens me disent qu'ils ne voient pas Kadhafi, qu'ils ne voient que mon humanité. Bien sûr parce que c'est par mes émotions que je voyage de Trénelle à Fort-De-France au rond-point de Suzini à Saint-Laurent du Maroni", ce rôle est pour Paul l'occasion inespérée d'entamer un voyage labyrinthique dans une transformation intérieure car il est en colère, il est né en colère "sur des territoires ultramarins, y compris dans l'Hexagone et dans le monde". Or Paul c'est Serge Abatucci, comédien et metteur en scène qui a choisi de vivre en Guyane. 

"À Saint-Laurent du Maroni il y a une population plurielle, des cultures plurielles : les Lokono chez qui je vis à Balaté, les Saramakas, les Bushinengués, les Djukas, les Aloukous. Nous travaillons avec toutes ces cultures", Serge est cofondateur avec Ewelyne Guillaume du théâtre école Kokolampoe qui donne des représentations, reçoit en résidence des artistes et forme des comédiens, des danseurs issus de ces populations qui ne sont pas allés à l'école de la République mais à celle de leurs cultures. Serge vit là-bas parce que pour lui "Nous sommes tous cousins, est-ce que je suis Guyanais ? C'est un faux problème, c'est là où sont plantées mes racines". 

"On oublie notre histoire, il faut la chercher en nous, elle est dans nos racines", sur le plateau des Guyanes qui l'accueille Serge se souvient de la visite d'Edouard Glissant et de ses mots : "Mes enfants vous m'avez donné le choc esthétique parce que toute ma poésie est inspirée de ça et vous la rendez vivante".