Théâtre : la Guyanaise Emmelyne Octavie lauréate du prix Jeanne Laurent des lycéens

Emmelyne Octavie a reçu un troisième prix pour sa pièce de théâtre "A contre-courant, nos larmes !"
Ce prix des lycéens et lycéennes, qui se déroulait le 5 avril 2023 à Rouen, a été décerné à l’autrice guyanaise pour sa pièce de théâtre "À contre-courant, nos larmes !". C'est la quatrième fois que le texte est récompensé.

"Le président du jury des lycéens a dit : ‘On ne se pouvait pas laisser ce texte dormir dans les abîmes du théâtre.’ Je suis heureuse pour 100 ans !", se réjouit Emmelyne Octavie.

Depuis la Guyane, l’autrice a assisté en visioconférence à la remise du prix Jeanne Laurent, le quatrième qu’elle obtient pour cette pièce. À contre-courant, nos larmes ! a été distingué par le prix SACD de la dramaturgie francophone 2022, le prix Jean-Jacques Lerrant aux journées des auteurs de théâtre de Lyon, et le prix du festival Jamais Lu Caraïbe 2022.

Loin d’être habituée, elle se dit "très émue". "Ça me touche beaucoup parce que du moment où des lycéens vous remettent un prix, ça vient du cœur, souffle-t-elle. C’est à cet âge-là que l’on se construit, que l’on découvre et où l’on va à la rencontre de l’autre."

La vingtaine d'élèves - de la seconde à la terminale de l’agglomération de Rouen, qui compose le jury - a découvert au travers de la pièce d’Emmelyne Octavie "une population, un territoire, des souffrances".

La question du suicide

À contre-courant, nos larmes ! (publié chez Lansman éditeur) raconte le quotidien de jeunes Amérindiens Wayana qui vivent dans le Haut-Maroni et qui doivent faire des heures de pirogue sur le fleuve pour réussir à aller en classe où ils sont scolarisés en français. "Eux subissent cette langue française qui rentre en conflit avec leurs traditions", souligne l’écrivaine.

Entre ces deux mondes, ils se retrouvent parfois coupés de leurs racines et sans perspective d’avenir. Dans ce texte, ces jeunes guyanais "font remonter toutes les problématiques auxquels ils sont confrontés" : "décrochage scolaire", "tiraillement entre modernité et tradition", "idées noires omniprésentes".

"Ce qui est mis en avant, c’est le suicide", précise Emmelyne Octavie. Et de nuancer : "Ils font quand même part de leurs rêves : certains veulent totalement s’occidentaliser ; d’autres revendiquent leurs racines Wayana."

"Un pied de nez au principe du prix"

Cette histoire a touché les lycéens normands qui lui ont fait des retours "très chaleureux". Dans cette publication Facebook, l’un des membres du jury explique le choix de À contre-courant, nos larmes ! :

Nous n’avons jamais, à ma connaissance, remis le prix Jeanne Laurent à une pièce traitant explicitement de la langue française et des problèmes qu’elle peut apporter. C’est en quelque sorte un pied de nez au principe du prix, qui est censé célébrer la langue française dans le monde, que de récompenser une pièce qui démontre justement que la langue française n’est pas synonyme de célébration partout où elle existe...

Tao, membre du jury des lycéens

Le prix Jeanne Laurent des lycéens et lycéennes

Chaque année, le prix, qui porte le nom d’une haute fonctionnaire et résistante à l’origine de la décentralisation théâtrale en France, "récompense le meilleur texte de théâtre d’un auteur ou d’une autrice francophone de l’étranger", explique le centre dramatique national de Normandie sur son site internet.

"Le ou la lauréate est invité(e) à la présentation d’une maquette de sa pièce jouée par les élèves du Conservatoire de Rouen dans le cadre du Festival des langues françaises (du 2 au 5 mai 2023)."

Emmelyne Octavie nous a confirmé qu’elle y sera. L’occasion de rencontrer les lycéens pour les remercier de vive voix comme elle l'écrit dans sa publication Facebook, mais aussi d’échanger avec le metteur en scène qui organisera la lecture. Elle a en effet appris qu’il "serait éventuellement intéressé pour monter la pièce". Affaire à suivre.