Grâce à ce spectacle, "Les Champignons de Paris", la compagnie polynésienne du Caméléon montre à quel point le théâtre citoyen est nécessaire dans les Outre-mer.
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En racontant les conséquences individuelles, politiques et historiques des essais nucléaires qui se sont déroulés sur 30 ans dans l’archipel polynésien, la pièce livre à la fois les clés pour comprendre, une critique lucide d’un scandale d’Etat et un message fort.
Le spectacle « Les Champignons de Paris » pourrait se classer parmi ce que l’on appelle du théâtre documentaire. Ce genre, qui commence à faire florès sur les scènes de théâtre, en France et ailleurs, se veut un subtil mélange entre fiction et réalité montrée – la plupart du temps grâce à la diffusion d’éléments sonores ou à la projection d’archives ou de documents empruntés à l’actualité - tendant à expliquer, argumenter, dénoncer des faits historiques ou contemporains et se mêlant au récit… Un procédé qui unit plus ou moins habilement les faits et l’intime. A cet exercice, les « Les Champignons de Paris » s’en sortent haut la main. C’est une réussite à la fois émouvante et édifiante, qui touche au cœur comme elle touche à l’esprit.
Sur scène, plongée dans l’Histoire : l’auteure Emilie Genaedig et le metteur en scène François Bourcier convoquent les fantômes du Général de Gaulle, des ministres et des protagonistes militaires de l’époque, jusqu’au président Jacques Chirac relançant les essais puis annonçant leur arrêt définitif ; une multitude de personnages-clés se succèdent non seulement en images d’archives mais également par le truchement des acteurs – ils sont trois sur scène endossant tour à tour le rôle des décideurs mais aussi des victimes, d’abord consentantes devant les promesses de richesses et d’avantages que le gouvernement français leur octroient, puis de plus en plus rétives devant les conséquences sanitaires épouvantables dont la Polynésie paie encore le prix fort de nos jours.
Le public d’Avignon ne s’y est pas trompé en se rendant nombreux voir ces « Champignons… » dès les premières représentations : un thème volontairement méconnu, un scandale en puissance, la certitude d’en apprendre davantage sur l’envers (l’enfer ?) de ce décor paradisiaque polynésien et il n’en fallait pas plus pour que ce spectacle en particulier attise la curiosité des spectateurs jusqu’à pousser les portes de la Chapelle du Verbe Incarné. Le TOMA serait bien inspiré de réitérer ce type de sélection pour peu que les auteurs et les compagnies poursuivent ce genre de théâtre documentaire et de travail salutaire. Car les Outre-mer, du chlordécone aux Antilles ou à certaines affaires politiques, en passant par les petits bégaiements et les grands travers de l’Histoire, ont matière à fournir pour voir pousser d’autres « Champignons de Paris » sur scène…
« Les Champignons de Paris » jusqu’au 28 juillet à 21h35 à la Chapelle du Verbe Incarné, Festival d’Avignon.
>>> Pour en savoir plus sur la compagnie du Caméléon : www.cameleon.pf
Le spectacle « Les Champignons de Paris » pourrait se classer parmi ce que l’on appelle du théâtre documentaire. Ce genre, qui commence à faire florès sur les scènes de théâtre, en France et ailleurs, se veut un subtil mélange entre fiction et réalité montrée – la plupart du temps grâce à la diffusion d’éléments sonores ou à la projection d’archives ou de documents empruntés à l’actualité - tendant à expliquer, argumenter, dénoncer des faits historiques ou contemporains et se mêlant au récit… Un procédé qui unit plus ou moins habilement les faits et l’intime. A cet exercice, les « Les Champignons de Paris » s’en sortent haut la main. C’est une réussite à la fois émouvante et édifiante, qui touche au cœur comme elle touche à l’esprit.
Plongée dans l’Histoire
Très loin du contexte culinaire que pourrait évoquer leur titre, ces « Champignons… » donneraient plutôt la recette pour comprendre comment une nation, la République française, sous l’air de « si vis pacem, para bellum » (si tu veux la guerre, prépare la guerre), a volontairement exposé l’un de ses territoires, la Polynésie française, aux radiations entraînées par les tirs nécessaires aux perfectionnement de son arsenal nucléaire. De 1966 à 1996, dans le cadre de ce programme nucléaire militaire, 193 tirs aériens et souterrains ont été ainsi opérés à Moruroa et Fangataufa, près de Tahiti.Sur scène, plongée dans l’Histoire : l’auteure Emilie Genaedig et le metteur en scène François Bourcier convoquent les fantômes du Général de Gaulle, des ministres et des protagonistes militaires de l’époque, jusqu’au président Jacques Chirac relançant les essais puis annonçant leur arrêt définitif ; une multitude de personnages-clés se succèdent non seulement en images d’archives mais également par le truchement des acteurs – ils sont trois sur scène endossant tour à tour le rôle des décideurs mais aussi des victimes, d’abord consentantes devant les promesses de richesses et d’avantages que le gouvernement français leur octroient, puis de plus en plus rétives devant les conséquences sanitaires épouvantables dont la Polynésie paie encore le prix fort de nos jours.
Trois comédiens pleins de talent
Les trois comédiens sont d’une grande justesse dans tous ces rôles : Tepa Teuru, Tuarii Tracqui et Guillaume Gay, par leurs interprétations, sont d’admirables passeurs de ce pan de l’histoire de France, aussi touchants quand ils jouent de simples travailleurs dans ces unités œuvrant à l’élaboration des tirs (on apprend notamment, consternés, quelle différence était faite entre militaires, vivant dans des bunkers relativement protégés des radiations et civils locaux, logés dans de simples baraques en bois…) que convaincants dans les rôles de militaires décisionnaires à Paris et en Polynésie ou autorités locales dépassées par les exigences françaises ou encore, personnalités politiques polynésiennes qui ont osé à l’époque se dresser contre le scandale annoncé.Le public d’Avignon ne s’y est pas trompé en se rendant nombreux voir ces « Champignons… » dès les premières représentations : un thème volontairement méconnu, un scandale en puissance, la certitude d’en apprendre davantage sur l’envers (l’enfer ?) de ce décor paradisiaque polynésien et il n’en fallait pas plus pour que ce spectacle en particulier attise la curiosité des spectateurs jusqu’à pousser les portes de la Chapelle du Verbe Incarné. Le TOMA serait bien inspiré de réitérer ce type de sélection pour peu que les auteurs et les compagnies poursuivent ce genre de théâtre documentaire et de travail salutaire. Car les Outre-mer, du chlordécone aux Antilles ou à certaines affaires politiques, en passant par les petits bégaiements et les grands travers de l’Histoire, ont matière à fournir pour voir pousser d’autres « Champignons de Paris » sur scène…
« Les Champignons de Paris » jusqu’au 28 juillet à 21h35 à la Chapelle du Verbe Incarné, Festival d’Avignon.
>>> Pour en savoir plus sur la compagnie du Caméléon : www.cameleon.pf