La fin de la journée réservée au groupe LFI à l'Assemblée a tourné au vinaigre jeudi soir, les oppositions fustigeant les "manœuvres" du camp présidentiel pour empêcher la tenue d'un vote sensible sur la réintégration des soignants non vaccinés. Cette question touche particulièrement les Antilles, où de nombreux soignants avaient refusé de se faire vacciner contre le coronavirus.
"Tu vas la fermer!", a notamment lancé dans l'hémicycle, excédé, le député de Guadeloupe Olivier Serva (groupe LIOT), à l'adresse de députés Renaissance qui l'interpellaient pendant son intervention, provoquant une suspension de séance. L'élu ultramarin, qui dénonçait les techniques employées pour ralentir les débats, a ensuite repris la parole. "Vous utilisez des subterfuges petits, comme vos idéaux, vous salissez la démocratie avec vos bassesses, vous êtes minoritaires, acceptez-le."
La présidente du groupe Aurore Bergé va demander mardi prochain en conférence des présidents de l'Assemblée une sanction contre le député, a indiqué son groupe à l'AFP, confirmant une information du Figaro. Le règlement de l'Assemblée prévoit que ses membres peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires en cas de manifestations troublant l'ordre ou en cas d'"injures, provocations ou menaces". Les sanctions vont du rappel à l'ordre à la censure avec exclusion temporaire.
"Mépris" du gouvernement
Les députés ultramarins des différents bancs de l'Assemblée, venus en nombre soutenir la proposition de loi en discussion, ont dit leur colère devant la presse, face au "mépris du gouvernement" à l'égard de la situation des établissements de santé dans leurs territoires. "Chez nous, ceux qui ont un schéma vaccinal complet, c'est moins de 20%", a lancé l'un d'entre eux.
Des gens sont en train de mourir chez nous sur des brancards, nous n'acceptons (pas) que les députés de La République en marche avec leurs sourires narquois ou que M. Véran avec son arrogance légendaire viennent nous mépriser.
Jean-Philippe Nilor (LFI), député de Martinique
"Vous devriez avoir honte!", a également lâché à l'adresse des macronistes Olivier Marleix, le chef de file du groupe LR, dont des députés étaient favorables au texte de LFI, tout comme le groupe RN.
À coups de demandes de suspensions de séances, de rappels aux règlements et de dépôts d'amendements en rafale, le camp présidentiel a compromis la tenue du vote sur ce texte en discussion, que les oppositions semblaient en mesure de pouvoir faire adopter, contre l'avis du gouvernement.
Niveau de violence inédite
Lors des nombreuses suspensions de séance, des éclats de voix entre députés étaient audibles dans les couloirs de l'Assemblée. Dépêché dans l'hémicycle, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a évoqué un "niveau de tension jamais vu en douze ans au Parlement".
La cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot a estimé que l'exécutif avait "franchi une ligne rouge", en prenant part "à l'obstruction" lors de la "niche parlementaire" des Insoumis. Une telle journée, lors de laquelle un groupe d'opposition peut fixer l'ordre du jour, doit s'achever quoi qu'il arrive à minuit, sans possibilité de poursuivre les débats en cas d'examen inachevé d'un texte.
La proposition de loi de LFI demandait de réintégrer le personnel non-vacciné contre le Covid-19 des établissements de santé et de secours, pour y pallier les pénuries d'effectifs. "Quel signal voulons-nous donner à ceux qui étaient là en première ligne, qui se sont vaccinés?", a dit le ministre de la Santé, François Braun. Dans les hôpitaux, les soignants vaccinés disent que "si nous réintégrons les non-vaccinés, ce sont eux qui partent". M. Braun avait indiqué dimanche qu'il se prononcerait sur la réintégration ou non des soignants non vaccinés lorsqu'il aura reçu les avis de la Haute autorité de santé et du Comité consultatif national d'éthique.
Interrogé sur la question ce vendredi, le président de la République, Emmanuel Macron, a, lui aussi, estimé que la réintégration des soignants non vaccinés devait être une décision "scientifique" et "pas un choix politique". "Si les scientifiques, les médecins, les soignants nous disent que c'est souhaitable d'un point de vue scientifique de réintégrer ces soignants, il faut que le gouvernement le fasse", a déclaré le chef de l'État lors d'un déplacement à Dijon.