10 ans de combat judiciaire, cela laisse des traces. José Montet, 58 ans, en témoigne dans un article du Parisien ce 30 août. Cet informaticien martiniquais, qui travaille comme indépendant dans l’Essonne, tente de prouver à la justice depuis 2012 que le géant informatique PayPal lui a spolié un système de paiement sécurisé.
Tout commence fin 1997. A l’époque, les ventes en ligne sur Internet commencent à se multiplier et avec, les fraudes. Un exemple pour montrer l’absence totale de protection à ce moment-là : il était possible de payer en ligne avec simplement le numéro de carte bancaire qui figurait sur les tickets de caisse.
Brevet déposé en 2000
Pour sécuriser les transactions, José Montet imagine alors un système, intitulé "secret mail", permettant de lier une carte bancaire à une adresse mail, et d’identifier immédiatement chaque personne en ligne.
Une fois le programme fonctionnel, il décide d'en parler à son avocat, Me Teti Justin Gnadré. Ce dernier l'incite tout de suite à déposer le brevet. L'informaticien s'exécute et dépose le brevet le 31 août 2000, auprès de l’Agence française de protection des programmes et du Copyright Office américain.
Il présente son programme à plusieurs organismes, dont le Groupement des cartes bancaires. Mais personne ne souhaite le financer. Devant gérer par ailleurs des problèmes personnels, il finit par mettre son projet de côté.
Sept ans plus tard, "à l’occasion de la création de son propre compte PayPal, il se rend compte que le système du site est le système qu’il a créé", raconte son avocat.
960 millions € de dommages et intérêts
Ce dernier tente alors, le 23 mars 2011, d'obtenir des explications auprès de PayPal et d'eBay, la maison-mère. Mais sans réponse convaincante, lui et son client assignent l’entreprise pour contrefaçon fin 2011 et réclament alors 960 millions € de dommages et intérêts, soit environ les deux tiers du prix de vente de PayPal au moment de son rachat par eBay.
Au vu de la somme pharaonique réclamée et de l’aspect "David contre Goliath" – le chiffre d’affaires de PayPal en 2018 s’élevait à 15 milliards de dollars –, plusieurs médias parlent de cette affaire, dont Martinique La 1ère .
Après un classement sans suite, la plainte est finalement jugée recevable en appel et une audience a lieu. Mais en décembre 2016, le tribunal rend sa décision : José Montet est débouté.
La justice a estimé que l'entreprise avait prouvé l’antériorité de son système grâce à deux articles datant du 20 mars et du 15 août 2000 et qui font référence à PayPal comme une société proposant un service de paiement par email sécurisé. Et ce même si la société a reconnu n'avoir déposé aucun brevet, retrace Me Gnadré.
Un article antidaté
L’affaire n’est pas pour autant terminée, en tout cas pas pour José Montet. Vu que l'expertise des articles a été rejetée lors de l'audience, l'informaticien et son avocat font alors appel à un huissier.
Ce dernier constate qu'un des papiers, censés prouver l’antériorité du système de PayPal, a été antidaté : il n'a pas été créé le 20 mars 2000, mais le 7 avril 2011, soit quelques jours après la première demande d'explications envoyée par l'avocat à l'entreprise. Quant à celui du 15 août, on n'en trouve pas la trace, assure Me Gnadré.
Avec ces nouvelles informations, le Martiniquais a donc redéposé une plainte le 11 mars 2020, cette fois pour faux et usages de faux. Problème : quelques jours après commençait le premier confinement lié au Covid-19.
Après deux ans d'attente, voyant que l'enquête ne bougeait pas, l'avocat a donc sollicité Le Parisien pour que cette affaire ne tombe pas dans les limbes. D'après lui, le dossier aurait depuis changé de mains et l'enquête avancerait.
"L'originalité on peut la prouver"
Sollicité ce mardi matin, le parquet de Paris ne nous a pas répondu pour l'instant.
L’entreprise PayPal a quant à elle décliné notre demande d’interview, indiquant qu’elle "ne commente pas les enquêtes en cours".
Même si le géant du paiement en ligne n'arrivait pas à prouver l'antériorité de son programme, rien ne serait gagné pour José Montet. Dans le HuffPost en 2012 tout comme dans le Parisien en 2022, des experts en propriété intellectuelle insistent sur la nécessité de prouver "l'originalité" du programme, la "difficulté de sa conception, le travail fourni".
"L'originalité, on peut la prouver", contre-attaque Me Gnadré, qui attend que ce dossier soit traité non pas au civil mais au pénal : "Le juge pénal est plus actif, il fait vérifier les éléments envoyés par les parties."
Si la justice n’a pas encore tranché sur la paternité de ce système, le principe était loin d’être mauvais : 10 ans après sa création, il est toujours en vigueur.