"Quand on arrive dans une ville où on ne connaît personne, on a envie de retrouver des choses qui nous rappellent chez nous." En débarquant de sa Guadeloupe natale il y a un peu plus de 10 ans, Mélouma Chout, aujourd'hui âgée d'une trentaine d'années, ressent un manque. "À Marseille, j'étais démunie, explique-t-elle. Que ce soit pour m'occuper de mes cheveux, que ce soit pour la nourriture..." Capitale de la Provence, Marseille n'est pas une ville qui compte une forte communauté antillaise, contrairement à Créteil ou Montpellier. Difficile donc de retrouver les produits qui rappellent la maison.
Pour remédier à ce vide, Mélouma décide en 2020 de monter sa propre boîte, associée à son compagnon Nicolas De Mena, un Marseillais de 37 ans, et à sa mère Arlette Chout, 50 ans, arrivée dans l'Hexagone à la naissance de son petit-fils il y a neuf ans. Naît alors La Touf Pwélé, un lieu qui détonne par son originalité, mêlant salon esthétique et restauration antillaise.
La Touf, c'est pour les cheveux, voire les poils en général. C'est Mélouma, CAP d'esthéticienne en poche, qui s'en charge, elle qui a déjà travaillé chez Yves-Rocher. La pwélé ("poêlée" en créole), c'est Arlette, la cuisinière, et Nicolas, le serveur et barman, qui s'en occupent.
"Découvrir la culture culinaire des Antilles"
"Quand on a créé ce lieu, on voulait que ce soit un point de ralliement pour les Antillais, pour les expatriés, explique Mélouma. Mais on voulait aussi que ce soit un lieu où les personnes qui ont déjà été aux Antilles retrouvent ces saveurs-là. Et que ce soit un endroit où les gens peuvent découvrir la culture culinaire des Antilles." Ouvert en novembre 2022, le restaurant-salon de beauté a réussi à se faire une clientèle.
La 1ère s'est attablée à La Touf Pwélé à l'heure du déjeuner :
Ce midi-là, Mélouma, foulard madras autour de la tête, est en cuisine avec sa mère. Les affaires tournent bien, mais le trio, débordé, est seul à gérer salon et restaurant. Difficile de jongler entre les activités. Ils cherchent donc à recruter, d'abord pour aider Arlette en cuisine, puis pourquoi pas une deuxième recrue pour le bar à boucles. En attendant, Mélouma bloque une partie de son agenda pour se mettre derrière les fourneaux, d'où une bonne odeur vient chatouiller les narines. Mère et fille préparent une grande commande d'accras de légumes et de morue qu'un client attend au comptoir.
Le son d'une cloche résonne. Le plat est prêt. Nicolas se presse pour aller servir les clients. Bokits, accras, agoulous, salade créole... La Touf Pwélé propose un mix de produits 100% antillais et marseillais. Le compagnon de Mélouma, originaire de Marseille, a insisté pour retrouver quelques saveurs provençales dans le restaurant. Les vendredis, par exemple, le plat du jour est généralement l'aïoli, plat typique de la cité phocéenne.
Dans la salle décorée d'immenses fresques représentant la Guadeloupe, les restaurateurs peuvent accueillir 30 personnes. Mais les affaires étant florissantes, ils sont déjà montés jusqu'à 50 couverts.
Boucles, tresses et ongles
Sur une table de quatre personnes, des employées d'une école maternelle marseillaise dégustent le plat du jour : des dombrés (boules de farine) aux crevettes, plongés dans une sauce tomate. En dessert, c'est sorbet coco. Le tout accompagné de planteur. "C'est très bon", lâche Gladys, qui a entraîné ses deux collègues dans ce restaurant pas comme les autres.
Un peu plus loin, un Américain boit sa cannette de Kola en attendant son plat. Situé à proximité du Panier, le quartier historique et très touristique de Marseille, La Touf Pwélé profite du passage des curieux. "On a même eu des Créoles de Louisiane une fois", s'exclame Mélouma.
Le service terminé, Mélouma range son tablier pour enfiler sa casquette d'esthéticienne. L'institut de beauté de La Touf Pwélé est de l'autre côté d'une double porte, attenante à la partie restaurant. Dans son salon, la Guadeloupéenne s'occupe principalement des cheveux naturels (bouclés, crépus...), fait le tressage et les locks. Elle fait également la manucure, la pédicure et l'épilation.
Salima, une femme originaire de La Réunion et de Mayotte, a pris rendez-vous en début d'après-midi pour une manucure. Elle s'installe dans le salon en passant d'abord par le restaurant. C'est une amie qui lui a recommandé cet endroit, dont l'ambiance créole lui rappelle l'océan Indien. Mélouma, qui façonnait des accras il y a encore quelques minutes, s'affaire désormais sur les ongles de sa cliente.
Salima, qui n'a pas encore eu l'occasion de tester la partie gastronomique de La Touf Pwélé, vante tout de même le concept de ce restaurant-salon de beauté antillais qu'on ne retrouve nulle part ailleurs : "On peut manger tout en se faisant belle", résume-t-elle. "C'est un aller simple vers les Antilles", renchérit Mélouma. Au loin, on entend les casseroles claquer. Arlette se prépare déjà pour le service du soir tandis que sa fille a les yeux rivés sur la main de Salima.
Cet article fait partie d'une série de reportages à Marseille, où Outre-mer la 1ère s'est rendue pour y rencontrer la communauté ultramarine. Retrouvez l'ensemble des articles ici et nos vidéos sur Instagram.