Appellation d'Origine Protégée (AOP) ou Indication Géographique Protégée ( IGP) ? Cette année, pour la troisième conférence depuis sa création, les producteurs de vanilles françaises se sont concentrés sur la qualité des productions de vanille, afin d'en tirer un meilleur profit, pour la consommation locale comme pour l'exportation.
Certains producteurs sont ouverts à la mise en place de normes, d'autres non, appuyant sur le manque de moyens pour garantir le respect des obligations, elles-mêmes caractérisées de "très strictes" selon Thierry Fabian, Inspecteur National INAO (Institut national de l'origine et de la qualité).
Jean-François Carenco, présent en début de conférence, a tenu un discours rassurant quant à la production locale qu'il souhaite absolument mettre en avant.
Les vanilles en chiffres
En termes de production annuelle, Tahiti est le premier territoire ultramarin à produire de la vanille. La Martinique se positionne en dernière place en raison de son arrivée tardive dans le marché des vanilles. Et la quantité de vanille martiniquaise est difficilement évaluable. En effet, elle découle de production de particuliers, qui font pousser des plants dans leur jardin. Tous deux sont très loin de Madagascar qui produit entre 1600 et 2000 tonnes par an de vanille.
- Tahiti : 10 à 15 tonnes par an
- Réunion : 3 tonnes par an
- Guadeloupe : 1 tonne par an
- Mayotte : 500 kg par an
- Nouvelle-Calédonie : 500 kg à 1 tonne par an
- Guyane : env. 50 kg par an
- Martinique : env. 10 kg par an
Divergences entre producteurs selon le territoire
Qu'ils soient pour ou contre une règlementation plus stricte, ou un contrôle qualité plus poussé, tous s'accordent à dire que les populations de chaque territoire doivent consommer de la vanille cultivée sur ce même territoire.
À la Réunion, alors que la vanille circule déjà sous l'appellation IGP, le producteur réunionnais Willy Boyer explique qu'"il y a toujours des gens qui fraudent et qui simulent la vanille de la Réunion ou de Madagascar". Selon lui, les contrôles et la règlementation à moyen terme pourront assurer au consommateur que "lorsque l'on dira 'vanille de l'île de la Réunion', on sera sûr qu'elle vient de là".
Véritable gage de protection, obtenir l'AOP serait à la fois une reconnaissance ainsi qu'une assurance de ne pas être copié. Plus encore, la singularité de chaque vanille pourrait être enfin reconnue.
Pour la famille Tuhei-Faahu, médaillée en 2020 au Concours Général Agricole au Salon international de l'agriculture de Paris, "La vanille de Tahiti est très différente des autres, elle est demandée par les grands chefs". Un constat partagé et prôné par Thierry Fabian, inspecteur national à l'INAO et coordinateur des projets ultramarins : "Il y a une exigence mondiale". Selon lui, il y a différents types de botanique, chaque vanille française présente des spécificités, "elles ne sont pas produites de la même façon, chacune dans un milieu naturel différent".
Julie Moutet, quant à elle, est productrice mahoraise. Elle ne voit pas l'intérêt de créer un contrôle de traçabilité. En effet, elle rejoint ses confrères sur la protection locale et la consommation locale; pour elle, cet élément est impératif : "On veut déjà couvrir le marché mahorais, on veut que les Mahorais achètent de la vanille mahoraise, et qu’ils soient surtout sûrs de ça". En revanche, elle argumente son désaccord sur les moyens à mettre en place pour garantir cette protection, en termes de communication, de devoirs administratifs, et sur le nombre de contraintes découlant de ce système.
J’ai l’impression que, plus on parle, moins on a envie de l’avoir. Je ne vois pas le bénéfice de la traçabilité. D’après les témoignages des autres filières, ça a l’air très lourd administrativement.
Julie Moutet - productrice mahoraise
Elle ajoute préférer rester sur l'appellation "vanille bourbon", une solution censée être "plus simple". La productrice mahoraise demande une marque territoriale, qui puisse interdire aux autres Mahorais d'utiliser le nom de "vanille de Mayotte" et s'accorde sur ce point avec son confrère réunionnais.
"On vise l'excellence et la haute gastronomie"
Pour les acteurs des vanilles françaises, chaque vanille est différente, la labelliser permettrait de rendre chacune des vanilles uniques, selon son territoire, afin de la proposer selon les envies des grands chefs cuisiniers, pâtissiers, glaciers, chocolatiers et boulangers internationaux. Dans ce sens, étant donné son coût de production supérieur, Thierry Fabian, inspecteur à l'INAO, estime qu' "il faut montrer les spécificités, les valoriser et les vendre au-dessus du prix du marché".
On vise l’excellence ! Pour ça, il faut travailler sur des cahiers des charges qui mettent en avant ces spécificités du milieu naturel et des savoirs faire particuliers. Il y a dans chacun de ces territoires des originalités à valoriser.
Thierry Fabian - inspecteur national INAO, coordinateur projets ultramarins
Une idée que partage pleinement le producteur guadeloupéen Cédric Coutellier. En effet, l'IGP pourrait permettre de mettre en avant des vanilles de qualité, afin d'éviter trop d'importation, estimée à une tonne par an.
Pour lui, intégrer ce marché serait bénéfique, tant pour les producteurs que pour les consommateurs, qu'ils soient locaux ou touristiques : "On veut grapiller cette part de marché, mais avec un produit, le meilleur possible". Il ajoute que la qualité est grandement privilégiée à la quantité, "on veut mettre en avant le fait que le peu de vanille produite sera d'excellence".