Il navigue pour son plaisir, découvre le Sud, endure le froid mais ouvre des yeux émerveillés. Il se souviendra de ce 11 décembre 2020 car il a ouvert ses cadeaux d’anniversaire en mer et passé le Cap de Bonne-Espérance à 15 h 59 UTC. Clément Giraud ne pouvait rêver mieux ce jour-là.
Outre-Mer la 1ère : Bon anniversaire Clément, quels sont les cadeaux d’anniversaire que reçoit un solitaire sur un Vendée Globe ?
Clément Giraud : Merci, c’est cool. J’ai ouvert mes cadeaux et soufflé mes bougies, et j’ai découvert plein de belles petites choses : un gratte dos, un nœud papillon, un harmonica, une flasque de rhum (chouette !), des bulles à savon, une liseuse, des photos et plein de mots doux. J’ai été gâté. Et je me suis gardé le champagne pour le passage du Cap.
(Ndlr Compagnie du Lit – Jiliti passe le Cap de Bonne-Espérance à 15h59 UTC ce 11 décembre en 33j 02h et 39min)
Outre-Mer la 1ère : Et d’un point de vue vélique comment s’est déroulé cette première journée du nouveau quadragénaire ?
Clément Giraud : Le cadeau initiatique c’était cette nuit, avec hier soir un passage de front copieux, mais je vais bien. Le plus dur c’est d’être derrière, on a beau se battre mais je n’arrive pas avancer comme je le veux. En fait j’apprends à maîtriser le vent portant fort avec un Imoca dans les 40èmes et j’essaie de comprendre ce qui se passe au niveau météo. Dommage que j’ai n’ai pas fait ma transat Jacques Vabre l’an passé (ndlr son bateau avait brûlé au Havre l’obligeant à déclarer forfait), ça a un prix, je fais mon expérience sur le terrain et je paye mes petites erreurs.
Outre-Mer la 1ère : Dans la tête ça se passe comment ?
Clément Giraud : Cela fait un mois que nous sommes en mer, mon fier esquif et moi. Nous commençons à bien nous connaître. La route est longue et parsemée de nids de poules, alors attention aux amortis. Je me sens tout petit. La nuit est très courte. Les odeurs ne sont plus les mêmes, les lumières sont magiques, l'air est dense. Je vais entrer sur la pointe des pieds dans l’Océan indien, je ne ferai que passer. Il ne faut pas traîner ici.
Je ne vois pas le temps passer et je prends les choses comme elles viennent. Je me dis que quand c'est dur pour moi ça doit l'être pour les autres aussi. J'ai une grosse pensée pour ceux qui ont été contraints à l'abandon.
Et je n'oublie pas tous ceux qui ont rendu cela possible, à commencer par Erik Nigon qui m'a prêté son bateau et mon équipe qui a pris soin de tous les détails.
Outre-Mer la 1ère : Pourquoi être monté en haut du mât la semaine dernière ?
Clément Giraud : Je n’avais plus de drisse de capelage, et plus de drisse de tête pour les voiles d’avant. J’étais obligé d’y aller pour réinstaller un système de drisses et de hook en tête de mat. Ca faisait quelques jours que j’étais handicapé par ça. J’avais déjà fait cela en solo sur ma mini transat en 2005 mais sur un mât de 11 m, là il en fait 30.
Il fallait le faire, se mettre à la cape (ndlr : réduire les mouvements de roulis et de tangage après avoir régler son cap par rapport au vent) avec de bonnes conditions mais je n’aimerai pas le refaire. Sur la photo en haut du mât j’ai le sourire car le boulot est terminé. J’ai passé plus de 7 heures sur l’opération, je me suis levé à 5 heures du matin, je suis monté à 14 h. Je n’ai pas mangé, j’ai à peine bu et je me suis concentré sur le job.
Outre-Mer la 1ère : Il y a un objectif sportif à court terme après le passage du Cap ?
Clément Giraud : Revenir sur les filles devant moi, j’étais à 60 milles de Miranda Merron quand j’ai arrêté le bateau pour monter dans le mât. J’ai perdu deux jours, je savais que je ne devais pas me faire rattraper par Sébastien Destremeau et Ari Huusela mais je savais aussi que je devais monter dans ce mât.
Sébastien et Ari je les avais vus avant le Pot-au-noir, on était à 4/5 miles les uns des autres et on a discuté à la Vhf. Depuis c’est la solitude complète, je le vis bien, je me cale surtout avec un rythme du grand sud. Il y a des grains, des fronts ça change très vite, plus que la solitude proprement dite, c’est cela qui m’affecte un peu ces changements.
Outre-Mer la 1ère : Mais alors comment supporter cette solitude ?
Clément Giraud : Il fait froid, j’ai vingt couches de fringues sur moi (rires), il fait dix degrés mais j’ai froid. C’est humide dans le bateau et tu as l’impression d’être dans un frigidaire. Mon chauffage marche sur le moteur thermique, pour l’instant ça va je ne l’utilise pas encore trop. Et aujourd’hui 11 décembre, comme il y a deux jours, j’ai eu un peu de soleil, quelques fois ça fait du bien, ça colore le ciel.
Sinon j’écoute des podcast comme Rendez-vous avec Monsieur X sur France inter, et je joue au sudoku pour rester concentré. Je suis un vrai fan ça m’occupe l’esprit, j’ai dû en faire dix depuis le début. Avec un petit salé aux lentilles préparé par Anne-Lise Vacher de DeliSec, un peu de foie gras aujourd’hui et des pâtes carbonaras aux champignons. C’est top chez moi.
Outre-Mer la 1ère : Revenons à cet anniversaire, vous vous souvenez d’autres célébrations uniques ?
Clément Giraud : Ah ça oui je me souviens très bien de mes 20 ans, je les ai fêtés au Moulin rouge. J’avais l’oncle d’une copine qui était chef de salle, elle m’avait appelé la veille pour m’inviter avec la personne de mon choix. On a pris le train avec mon pote Ben, en costard à Paris, la classe. On pense que le Moulin rouge ce ne sont que des filles qui soulèvent leur jupe, mais c’est un vrai spectacle et pas que cette image.
Sinon je fête souvent mon anniversaire au salon nautique de Paris. Ça correspond au niveau des dates. Et là on voit tous les copains. Mais cette année il n’y en a pas, juste le Vendée. C’est carrément mieux.
Outre-Mer la 1ère : Vous rendez-vous compte de la chance que vous avez ?
Clément Giraud : Au début du projet j’y pensais, fêter mes 40 ans dans le Vendée Globe, dans les 40èmes rugissants, eh bien j’y suis. Ca a de la gueule, c’est clair, mais tu imagines le travail pour en être là, c’est une belle récompense une forme d’accomplissement.
Mes 50 ans ? Je les vois bien dans un hamac avec un verre de rhum, tranquille, entre un rhum vieux ou un blanc je ne sais pas. Entre les Guadeloupéens et les Martiniquais j’apprécie tous les rhums et j’en ai bu tellement souvent. Finalement si je porte mon prénom grâce au rhum, c’est qu’il y avait forcément une bouteille de Clément sur la table du salon, même si maman ne buvait pas de rhum, papa oui.
Outre-Mer la 1ère : Des craintes parfois dans cet environnement hostile ?
Clément Giraud : Juste un exemple concret, là au moment où je te parle, je suis à 26 nœuds 80, presque 27, le surf est très chaud. Je crois que je vais réduire un peu pour ne pas risquer quoi que ce soit. L’objectif est bien de faire le grand tour, mais les vagues invitent au surf, moi qui ai ça dans le corps quand je faisais du longboard en Guadeloupe. Je m’éclate, j’ai de l’adrénaline toute la journée c’est fatigant. Normalement ce genre de truc, l’adrénaline, c’est censé être ponctuel !
Clément Giraud : Merci, c’est cool. J’ai ouvert mes cadeaux et soufflé mes bougies, et j’ai découvert plein de belles petites choses : un gratte dos, un nœud papillon, un harmonica, une flasque de rhum (chouette !), des bulles à savon, une liseuse, des photos et plein de mots doux. J’ai été gâté. Et je me suis gardé le champagne pour le passage du Cap.
(Ndlr Compagnie du Lit – Jiliti passe le Cap de Bonne-Espérance à 15h59 UTC ce 11 décembre en 33j 02h et 39min)
Outre-Mer la 1ère : Et d’un point de vue vélique comment s’est déroulé cette première journée du nouveau quadragénaire ?
Clément Giraud : Le cadeau initiatique c’était cette nuit, avec hier soir un passage de front copieux, mais je vais bien. Le plus dur c’est d’être derrière, on a beau se battre mais je n’arrive pas avancer comme je le veux. En fait j’apprends à maîtriser le vent portant fort avec un Imoca dans les 40èmes et j’essaie de comprendre ce qui se passe au niveau météo. Dommage que j’ai n’ai pas fait ma transat Jacques Vabre l’an passé (ndlr son bateau avait brûlé au Havre l’obligeant à déclarer forfait), ça a un prix, je fais mon expérience sur le terrain et je paye mes petites erreurs.
Outre-Mer la 1ère : Dans la tête ça se passe comment ?
Clément Giraud : Cela fait un mois que nous sommes en mer, mon fier esquif et moi. Nous commençons à bien nous connaître. La route est longue et parsemée de nids de poules, alors attention aux amortis. Je me sens tout petit. La nuit est très courte. Les odeurs ne sont plus les mêmes, les lumières sont magiques, l'air est dense. Je vais entrer sur la pointe des pieds dans l’Océan indien, je ne ferai que passer. Il ne faut pas traîner ici.
Je ne vois pas le temps passer et je prends les choses comme elles viennent. Je me dis que quand c'est dur pour moi ça doit l'être pour les autres aussi. J'ai une grosse pensée pour ceux qui ont été contraints à l'abandon.
Face aux bonheurs immenses que me procure cette extraordinaire expérience, je mesure le privilège de voir mon bateau sur la carte, trotter de latitudes en longitudes.
Et je n'oublie pas tous ceux qui ont rendu cela possible, à commencer par Erik Nigon qui m'a prêté son bateau et mon équipe qui a pris soin de tous les détails.
Outre-Mer la 1ère : Pourquoi être monté en haut du mât la semaine dernière ?
Clément Giraud : Je n’avais plus de drisse de capelage, et plus de drisse de tête pour les voiles d’avant. J’étais obligé d’y aller pour réinstaller un système de drisses et de hook en tête de mat. Ca faisait quelques jours que j’étais handicapé par ça. J’avais déjà fait cela en solo sur ma mini transat en 2005 mais sur un mât de 11 m, là il en fait 30.
Il fallait le faire, se mettre à la cape (ndlr : réduire les mouvements de roulis et de tangage après avoir régler son cap par rapport au vent) avec de bonnes conditions mais je n’aimerai pas le refaire. Sur la photo en haut du mât j’ai le sourire car le boulot est terminé. J’ai passé plus de 7 heures sur l’opération, je me suis levé à 5 heures du matin, je suis monté à 14 h. Je n’ai pas mangé, j’ai à peine bu et je me suis concentré sur le job.
Outre-Mer la 1ère : Il y a un objectif sportif à court terme après le passage du Cap ?
Clément Giraud : Revenir sur les filles devant moi, j’étais à 60 milles de Miranda Merron quand j’ai arrêté le bateau pour monter dans le mât. J’ai perdu deux jours, je savais que je ne devais pas me faire rattraper par Sébastien Destremeau et Ari Huusela mais je savais aussi que je devais monter dans ce mât.
Sébastien et Ari je les avais vus avant le Pot-au-noir, on était à 4/5 miles les uns des autres et on a discuté à la Vhf. Depuis c’est la solitude complète, je le vis bien, je me cale surtout avec un rythme du grand sud. Il y a des grains, des fronts ça change très vite, plus que la solitude proprement dite, c’est cela qui m’affecte un peu ces changements.
Outre-Mer la 1ère : Mais alors comment supporter cette solitude ?
Clément Giraud : Il fait froid, j’ai vingt couches de fringues sur moi (rires), il fait dix degrés mais j’ai froid. C’est humide dans le bateau et tu as l’impression d’être dans un frigidaire. Mon chauffage marche sur le moteur thermique, pour l’instant ça va je ne l’utilise pas encore trop. Et aujourd’hui 11 décembre, comme il y a deux jours, j’ai eu un peu de soleil, quelques fois ça fait du bien, ça colore le ciel.
Sinon j’écoute des podcast comme Rendez-vous avec Monsieur X sur France inter, et je joue au sudoku pour rester concentré. Je suis un vrai fan ça m’occupe l’esprit, j’ai dû en faire dix depuis le début. Avec un petit salé aux lentilles préparé par Anne-Lise Vacher de DeliSec, un peu de foie gras aujourd’hui et des pâtes carbonaras aux champignons. C’est top chez moi.
Outre-Mer la 1ère : Revenons à cet anniversaire, vous vous souvenez d’autres célébrations uniques ?
Clément Giraud : Ah ça oui je me souviens très bien de mes 20 ans, je les ai fêtés au Moulin rouge. J’avais l’oncle d’une copine qui était chef de salle, elle m’avait appelé la veille pour m’inviter avec la personne de mon choix. On a pris le train avec mon pote Ben, en costard à Paris, la classe. On pense que le Moulin rouge ce ne sont que des filles qui soulèvent leur jupe, mais c’est un vrai spectacle et pas que cette image.
Sinon je fête souvent mon anniversaire au salon nautique de Paris. Ça correspond au niveau des dates. Et là on voit tous les copains. Mais cette année il n’y en a pas, juste le Vendée. C’est carrément mieux.
Outre-Mer la 1ère : Vous rendez-vous compte de la chance que vous avez ?
Clément Giraud : Au début du projet j’y pensais, fêter mes 40 ans dans le Vendée Globe, dans les 40èmes rugissants, eh bien j’y suis. Ca a de la gueule, c’est clair, mais tu imagines le travail pour en être là, c’est une belle récompense une forme d’accomplissement.
Je suis trop heureux d’être là, c’est juste magique de fêter mon anniversaire ici. Oui ça a de la gueule 40 ans dans les 40èmes !
Mes 50 ans ? Je les vois bien dans un hamac avec un verre de rhum, tranquille, entre un rhum vieux ou un blanc je ne sais pas. Entre les Guadeloupéens et les Martiniquais j’apprécie tous les rhums et j’en ai bu tellement souvent. Finalement si je porte mon prénom grâce au rhum, c’est qu’il y avait forcément une bouteille de Clément sur la table du salon, même si maman ne buvait pas de rhum, papa oui.
Outre-Mer la 1ère : Des craintes parfois dans cet environnement hostile ?
Clément Giraud : Juste un exemple concret, là au moment où je te parle, je suis à 26 nœuds 80, presque 27, le surf est très chaud. Je crois que je vais réduire un peu pour ne pas risquer quoi que ce soit. L’objectif est bien de faire le grand tour, mais les vagues invitent au surf, moi qui ai ça dans le corps quand je faisais du longboard en Guadeloupe. Je m’éclate, j’ai de l’adrénaline toute la journée c’est fatigant. Normalement ce genre de truc, l’adrénaline, c’est censé être ponctuel !