Plus jeune marin du trimaran Edmond de Rothschild, Morgan Lagravière le marin réunionnais n’en endosse pas moins des responsabilités importantes car il est barreur du maxi trimaran. Mais il a su hier soir se sortir de l’ambiance stressante du double départ avec le concurrent Sodebo.
Eric Cintas•
Ce mardi 24 novembre 2020 à Lorient restera un jour particulier pour Morgan Lagravière. On n’est pas dans le roman de Jules Verne, ni dans l’émotion à fleur de peau du Vendée Globe qu’il avait ressentie en 2016 à bord de son Safran lors du départ." Ça n’a rien de comparable, là tout s’est déclenché très vite et on n’a pas trop le temps de faire une chronologie au niveau de l’émotion ou du stress. C’est moins préparé et c’est compliqué pour mes enfants, mais on prend les choses comme elles viennent."
Thomas Coville dégaine le premier
En fait le scénario ressemble à un western spaghetti de Sergio Léone. On s’épie, on cache les choses, c’est à qui dégainera le premier, il manque juste la musique de l’harmonica à la place de la bombarde ou du biniou breton. L’un à côté de l’autre pendant de nombreuses journées, les deux bateaux ne sont déjà plus sur le même ponton, pour éviter que les caméras filment un dernier détail sur une coque, pour préserver quelque secret, ou simplement éviter de montrer l’autre à l'image. Deux fois déjà, le team Gitana a reporté l’envol à cause de la météo.
Je m’attendais à un départ un peu précipité, mais pas comme ça ! Ça m’a pris deux minutes pour dire au revoir à la famille. C’est un peu intense sur le moment, mais on est très vite dans l’action.
Morgan Lagravière
Morgan regarde tout cela d’un œil amusé. Quelques réponses aux journalistes, puis à Olivier Ligné, l’animateur du Live sur Facebook, la photo de l’équipe, puis bonnet vissé sur la tête, il grimpe sur la bête de course rejoindre ses petits camarades de jeu.
Les uns et les autres
Sur leur trimaran Edmond de Rothschild, avec leurs quatre équipiers, Cammas et Caudrelier partent donc chercher le légendaire trophée. Les deux hommes sont des amis de 25 ans, mais avant tout de redoutables compétiteurs. Ils ont gagné tous deux la Volvo Océan Race, le tour du monde en équipage avec escales (en 2018 pour Charles sur le bateau chinois Dongfeng Race Team, en 2012 pour Cammas sur Groupama 4). Cette année-là Thomas Coville était à bord avec Franck Cammas. Le monde est petit. Mais leur palmarès est immense.
" C’est une chance extraordinaire d’aller faire un tour du monde avec des gens comme ça. Et je vis le truc positivement, je suis hyper content de partir car c’est important d’en profiter. Comme le Vendée Globe, c’est un moment exceptionnel et ça fait partie des sommets importants de la voile " avance Morgan. " Je me projette déjà dans les actions qu’on doit dérouler, dans les émotions qu’on va vivre, surtout les émotions positives levées par l’énormité du défi que nous devons relever : faire le tour du monde en moins de 40 jours. C’est un honneur de faire partie de cet équipage sur ce bateau exceptionnel et je suis conscient de cette chance que j’ai." poursuit-il.
Morgan acquiesce, sourit puis répond instantanément face aux micros tendus, tout se précipite, il faut bientôt partir : " Franck et Charles ne me mettent pas une pression stressante, ils sont exigeants tout autant qu’ils le sont avec eux-mêmes, ils font confiance. Si on est là dans cette configuration d’équipage c’est qu’on le mérite les uns les autres, on va essayer d’honorer cette sélection en donnant le meilleur de nous-mêmes. "
Peu avant le départ Le Réunionnais confiera encore avoir " hâte de passer la ligne. Comme nous ne sommes pas véritablement en course, la stimulation sportive est un peu différente. Nous allons donc nous concentrer jusqu’au franchissement de la ligne puis nous allons essayer de capitaliser sur tous nos entraînements, le travail technique qui a été réalisé et la confiance de tous ceux qui nous entourent. "
On va faire jouer notre instinct de compétiteurs pour se surpasser. À bord, nous sommes tous des compétiteurs, nous vibrons tous avec cette émotion.
Morgan Lagravière
On voit ses yeux qui brillent, on perçoit l’émotion, présente malgré tout. Un dernier regard, un dernier au revoir aux proches, et Morgan, qui est le barreur du bateau Edmond de Rotchsild, va essayer d’être le Jean Passepartout de l’aventure. On se souvient que Phileas Fogg n’y serait pas arrivé sans ce personnage. Certes c’est un roman de Jules Verne, mais voilà un peu de pression qui, sommes toutes, n’est pas pour déplaire au Réunionnais.