Nouvelle-Calédonie : dernier round pour Eramet ?

Plaques de nickel calédonien produites par le groupe Eramet.
« Le montant de l’augmentation de capital du groupe français Eramet va dépendre de son plan industriel » indique un proche de l'entreprise, sous couvert d’anonymat. Et d'ajouter :« Compte-tenu des pertes accumulées, Eramet n'a sans doute pas d’autres choix ».
« J’ai lancé l’alerte en 2012, en 2013 puis en 2014, je ne suis donc pas surpris par la situation de l'entreprise » indique de son côté Didier Julienne, expert du dossier. Ce sont deux dépêches de l’agence Reuters publiées à quelques heures d’intervalle, le 4 avril, qui ont renforcé le sentiment que des négociations discrètes se poursuivaient. Dans la première, Reuters reprenait les propos du directeur général adjoint en charge des finances d’Eramet au quotidien l’Opinion, journal proche des milieux d’affaires : « Il n’y a pas de projet d’augmentation de capital » déclarait Thomas Devedjian.
Quelques heures plus tard, une seconde dépêche de Reuters indiquait en substance que des négociations avaient bien lieu entre l'Agence des participations de l'Etat (APE) et la famille Duval. Son porte-parole précisait à Reuters: « nous confirmons les négociations ».

Mise au point

Cette mise au point, confirmant l’existence d’une négociation, dénote avec les propos tenus par Thomas Devedjian au nom de la direction d’Eramet. En arrière-plan : l'idée d'une augmentation de capital globale afin de soutenir la SLN. La filiale du groupe Eramet est le premier producteur mondial de ferronickel et le premier employeur privé de Nouvelle-Calédonie. Le sujet est donc particulièrement sensible pour le gouvernement, c'est pourquoi les négociations se poursuivent avec le ministère de l’Economie. On l'imagine, les sommes en jeux sont considérables. La famille Duval, actionnaire majoritaire d’Eramet, craindrait d’être « diluée » et de perdre sa position dominante.

Manuel Valls souhaiterait une solution globale

Toujours sous couvert d’anonymat, notre interlocuteur ajoute, « la piste d’une augmentation de capital apparaît comme une solution saine, raisonnable et inéluctable ». Deux options seraient donc sur la table des négociations avec la famille Duval. La première option serait une petite augmentation de capital à hauteur de 200 millions d’euros, pour assurer le fonctionnement de la SLN en 2016, dans l’attente éventuelle d’une reprise des cours du nickel. Mais cette solution "spéculative" est basée sur une hypothétique remontée des cours du métal au LME de Londres.
Or, on le sait, l’État français est en quête d’une « solution globale » pour Eramet. Ce pourrait donc être l'occasion d'une augmentation de capital plus substantielle, visant à assurer le maintien de l’activité et des emplois de la SLN tout en permettant au seul groupe minier et métallurgique français de surmonter la crise du prix des matières premières. Dans ce cas, la recapitalisation serait comprise entre 600 millions et 1,2 milliard d'euros, afin notamment de lancer le projet de centrale électrique qui permettrait une réduction des coûts de production de l’usine SLN de Doniambo.
 

L’Etat devrait augmenter sa participation

La première hypothèse, à hauteur de 200 millions d’euros correspond environ au tiers du capital actuel d’Eramet, et la seconde hypothèse entre100 et 200 % de la capitalisation boursière. Si la famille Duval, qui a perdu beaucoup d’argent ne peut pas suivre l’augmentation de capital, sinon elle aurait déjà eu lieu, l’État par l’intermédiaire de la BPI (Banque publique d’investissement) ou plus vraisemblablement de l’APE (Agence des participations de l’Etat) devrait logiquement accroitre sa participation. Bien entendu, l'augmentation de capital serait ouverte aux autres actionnaires de l'entreprise, dont Romain Zaleski qui détient 13,5 % d'Eramet.

Sauver la SLN

De toute façon ajoute notre interlocuteur : « Si l’endettement d’Eramet est supportable en 2016, l’échéance du remboursement qui interviendra en 2017 est un mur qui risque d'être fatal ». De son côté, Didier Julienne affirme en conclusion : « Il existe encore des solutions pour sauver la SLN et Eramet et elles demanderont des évolutions industrielles positives ». Jointe au téléphone par La1ere.fr, la direction d’Eramet n’a pas souhaité faire le moindre commentaire. La BPI renvoie quant à elle vers l’APE qui n’a pas encore répondu à notre sollicitation. Signe de l’importance du dossier, à un peu plus de deux semaines de la visite en Nouvelle-Calédonie du Premier ministre Manuel Valls, le chargé de mission gouvernemental pour le nickel calédonien, Michel Colin, est à Nouméa.