C'est un climat de panique que rien n'a arrêté. Sur fond de guerre en Ukraine, il a vu les spéculateurs se ruer sur les matières premières. Pour ne rien arranger, s'est ajoutée la note d’un analyste londonien de BCA Research estimant à 1 probabilité sur 10 le risque d’un conflit nucléaire. Cette estimation effrayante "ce chiffre de la peur" est dans la tête des investisseurs de la Bourse des métaux de Londres, a rapporté Les Echos.
Le nickel pulvérise un record depuis 1877
Les négociants du nickel ne savent plus à quel saint se vouer. Les industriels de l’inox et des batteries non plus. Les cours ont atteint leur niveau le plus élevé depuis l’ouverture de la Bourse des métaux de Londres en 1877. Les productions canadiennes, australiennes et calédoniennes ne peuvent pas compenser les pertes qui seraient occasionnées par un éventuel embargo sur les exportations russes de métal pur.
Le LME suspend la cotation
La Bourse des métaux de Londres (LME) a interrompu la négociation des contrats à terme sur le nickel après que les prix ont bondi de 250 % lundi soir à la clôture. Cette hausse est la plus extraordinaire de l'histoire du LME, qui se targue d'être la référence mondiale pour les métaux industriels comme le nickel. La décision de suspendre les échanges est intervenue après que le LME a introduit un certain nombre de modifications des règles d'urgence lundi soir dans ses principaux contrats sur le nickel.
La bourse envisage une éventuelle clôture de plusieurs jours du contrat sur le nickel, compte tenu de la situation géopolitique qui sous-tend les récents mouvements de prix. La production mondiale est suivie au jour le jour.
Un analyste londonien a estimé, sous couvert d'anonymat, que les productions de la Nouvelle-Calédonie et de l’Australie, ne pourraient pas combler un éventuel embargo sur les exportations russes.
La Bourse des métaux de Londres a suspendu la négociation de son contrat sur le nickel après que le prix a doublé mardi et a atteint un record supérieur à 105 000 dollars la tonne en raison d’une extinction provisoire de l’offre. Au plus forte de la crise des métaux de 2016, la tonne de métal avait chuté à 9 000 dollars ; le 24 février, jour de l’entrée des forces russes en Ukraine, le nickel cotait 24 000 dollars.
Un cours devenu "monstrueux"
Le 5 mars, son cours dépassait les 30 000 dollars, pour ensuite, le 7 mars, en quelques heures, monter jusqu’au ciel et atteindre 105 000 dollars. La cotation a été interrompue dans la nuit à Londres, en léger repli : 81 051 dollars.
Un responsable de la bourse des métaux (London Metal Exchange), une institution vieille de 145 ans, a déclaré qu'il était évident que "l'évolution de la situation en Russie et en Ukraine avait affecté le marché du nickel et, favorisé des mouvements de prix extrêmes". Le LME a donc pris la décision d'arrêter les échanges pour stopper une spéculation qualifiée de "monstrueuse" par le négociant Marex.
La guerre en Ukraine, une menace globale
Les matières premières non russes sont plus chères en raison du choc d'approvisionnement provoqué par les sanctions qui ont plus ou moins mis hors-jeu les matières premières russes. La Russie est soumise à des sanctions très dures, et les mouvements des prix des matières premières induits par ces sanctions menacent la stabilité financière en Occident.
Enfin, les matières premières russes sont devenues l'équivalent des titres de créance garantis après la crise de 2008. Sauf que ces titres ne sont plus vraiment garantis. "Le LME planifiera activement la réouverture du marché du nickel et en annoncera les mécanismes de transparence dès que possible", a déclaré un communiqué de la Bourse londonienne.
La Russie, un acteur majeur du nickel
Le conflit en Ukraine a provoqué une énorme volatilité sur le marché du nickel en raison de la position de la Russie, un des grands fournisseurs mondiaux de minerai et de métal. Plus de 10% de la production mondiale et notamment la production de métal pur. Si les échanges se sont poursuivis au ralenti, une partie des transporteurs maritimes s’est liguée pour ne plus desservir les ports russes.
Le prix du contrat de nickel de référence de trois mois du LME a donc doublé mardi dans les échanges asiatiques au SHEFE, l’équivalent chinois du LME. Il a brièvement dépassé les 100 000 dollars la tonne, un chiffre fou, après un bond de plus de 70% lundi.
Dans ce contexte, le LME prendra également des dispositions pour faire face aux livraisons de nickel à venir et freiner la spéculation. Le LME appartient à Hong Kong Exchanges and Clearing. Contrairement à la plupart des bourses à terme, les contrats du LME peuvent être négociés physiquement à partir du métal qui se trouve dans son réseau d'entrepôts agréés : de Rotterdam à la Malaisie.
Ce réseau fait de la bourse londonienne le principal référent de prix pour les métaux industriels, dont le nickel, et le marché naturel des consommateurs qui ont besoin de matières premières. Ses clients principaux sont des producteurs métallurgiques et de grands sidérurgistes ou fabricants de batteries électriques.
Le nickel, métal de la transition énergétique
Le nickel est utilisé pour fabriquer de l'acier inoxydable, mais le marché qui connaît la croissance la plus rapide pour ce métal est celui des batteries qui alimentent les véhicules électriques. Le plus grand producteur de nickel de haute qualité pour l'industrie automobile européenne est justement la Russie, et les craintes que les approvisionnements puissent être perturbés par la guerre avaient déjà fait monter les prix au cours de la semaine dernière.
La demande de nickel de haute qualité devait déjà dépasser l'offre cette année en raison de la popularité croissante des véhicules électriques. Goldman Sachs et Macquarie Bank avaient prédit un déficit de 100 000 tonnes, à peu près au même niveau que les stocks mondiaux.
Devant ce vent de folie, avec des prix devenus délirants, "Le marché évolue rapidement vers la destruction de la demande", a déclaré Nicholas Snowdon, analyste de G.S, interrogé par le Financial Time de Londres. "A ce prix totalement dingue, plus personne n’achète de nickel, ni les négociants ni les industries », a poursuivi un analyste de Marex.
Les sidérurgistes de l'acier inoxydable en alerte
Outre-mer la1ère a appris qu’un des principaux sidérurgistes européens de l’inox avait créé une cellule d’urgence afin de se procurer du ferronickel. Les approvisionnements ukrainiens et grecs étant fortement limités, pour des raisons différentes, il ne reste plus beaucoup d’option : "la SLN ou KNS en Nouvelle-Calédonie ont déjà vendu leur production et de toute façon elle est insuffisante pour combler la Russie, l’Ukraine et la Grèce, il y a bien l’Indonésie mais la production part essentiellement en Chine" croit savoir un métallurgiste européen, sous couvert d’anonymat.
Alors, les aciéristes sont inquiets, ils vont devoir se mettre à la diète ou trouver des alliages de substitution de type NPI. Pour compliquer un peu les choses, encore faut-il qu’ils soient compatibles dans le processus de production de l’inox.
On l'appelle le "métal du diable"
Le conflit en Ukraine a ébranlé le marché mondial du nickel, les prix augmentant à un niveau sans précédent dans l’histoire, les consommateurs industriels ont vainement tenté de verrouiller les approvisionnements en prévision d'une rupture des livraisons.
Mardi après-midi, le LME était toujours fermé à la cotation du nickel. La tension retombait d’un cran, mais d’un cran seulement, l’opinion des analystes allant majoritairement vers une absence de sanctions concernant le géant russe Nornickel (Norilsk). Le premier producteur mondial de nickel serait un trop gros morceau à avaler, pour être sanctionné.
Nornickel est un des fournisseurs majeurs de nickel et de palladium, deux métaux indispensables à la fabrication en Europe des batteries des véhicules électriques et des semi-conducteurs. La filière pourrait se trouver en rupture d’approvisionnement, en cas de sanction du producteur russe.
A cela s’ajouterait la flambée du prix des batteries, dans le sillage du nickel, un de leur composant essentiel. Le métal de la transition énergétique a bondi de 222% depuis le début de la semaine.
Incertitudes venant de l'Est et de la Russie ? Les industriels se tournent déjà vers d'autres grands acteur mondiaux : trois d'entre eux, Eramet, Glencore et Trafigura sont aussi en Nouvelle-Calédonie. Un autre vient d'en partir, le Brésilien Vale.