Trois questions à Garcin Malsa, maire de Sainte-Anne (Martinique), fondateur et président du Mouvement international pour les réparations (MIR)

Garcin Malsa, fondateur et président du Mouvement international pour les réparations (MIR)
Fondateur et président du Mouvement international pour les réparations (MIR) en faveur des descendants d’esclaves, le maire de Sainte-Anne Garcin Malsa explique ses orientations. 

Garcin Malsa, conseiller général et maire indépendantiste de Saint-Anne (Martinique), était à Paris la semaine dernière afin de défendre le projet de sa commune dans l’objectif d’obtenir le label Grand Site. Attribué par l’Etat, ce label reconnaît « une gestion conforme aux principes du développement durable, conciliant préservation du paysage et de "l’esprit des lieux", qualité de l’accueil du public, participation des habitants et des partenaires à la vie du Grand Site ».

Militant écologiste convaincu – Sainte-Anne est la première commune de Martinique à s’être dotée de l’Agenda 21 – Garcin Malsa est également connu pour son combat en faveur des réparations pour les descendants d’esclaves. Fondateur du Mouvement international pour les réparations (MIR) en 2001, il est l’initiateur du « Konvoi pou la Réparasyon » (Convoi pour la réparation), marche aux flambeaux annuelle de plusieurs jours qui part de Sainte-Anne et se termine au Prêcheur le 22 mai, date de la commémoration de l’abolition de l’esclavage en Martinique.

Quels sont les objectifs du Mouvement international pour les réparations ? 
Garcin Malsa : 
Pour nous, en Martinique, la première réparation, c’est l’autoréparation. Cela signifie prendre sur soi la possibilité ne pas avoir peur de parler de réparations. Le fait d’en parler c’est déjà soulager le traumatisme. Le traumatisme a été tellement fort que nous avons peur de nous-mêmes. 
En tant que maire de Sainte-Anne, l’autoréparation a été de débaptiser toutes les rues qui ont porté des noms d’esclavagistes et de les rebaptiser. C’est aussi, car je suis également conseiller général, de m’organiser pour que la langue créole soit utilisée au même titre que le français dans les institutions. A Sainte-Anne par exemple, depuis 1992, nous produisons des procès verbaux et des délibérations des conseils municipaux en créole. Nous sommes les seuls. 
En 2005, nous avons utilisé la voie légale, en partant de la Loi Taubira, et nous avons assigné l’Etat en justice pour obtenir des réparations. Après 7 ans de procédure, notre plainte a été déclarée recevable en mai 2012.

Concrètement, que demandez-vous exactement ? 
Garcin Malsa : Nous demandons la mise en place d’une commission d’experts (historiens, psychologues, généticiens, biologistes, économistes, etc.) pour établir la nature et la liste des traumatismes subis. Sur le plan financier, nous demandons également le versement de 240 milliards d’euros au peuple martiniquais. Cette somme devra être déposée sur un fonds bloqué dans l’immédiat, qui pourra être utilisée par les conseils général et régional. Enfin nous demandons l’accomplissement d’un devoir de mémoire.

Quelle est votre vision de l’indépendance pour la Martinique ? 
Garcin Malsa : Le problème ne se pose pas dans les mêmes termes que dans les années 60 et 70. Maintenant tout est interconnecté et aucune nation ne peut vivre isolée. Voilà pourquoi je préfère parler de souveraineté, ce qui signifie la maîtrise des interdépendances que nous connaissons, notamment dans les domaines économique et culturel.
Il nous faut une maîtrise des terres agricoles dans le cadre d’une agriculture diversifiée, et une maîtrise des zones de pêches pour parvenir à la souveraineté alimentaire. Concernant la terre, l’Etat doit prendre des mesures. La terre doit être répartie autrement, et cela signifiera des expropriations de békés. Voilà pourquoi cette revendication fait peur, même si nous parlons d’une indépendance progressive et cohérente avec un développement durable.