23 mai à Sarcelles: Sur les traces de nos ancêtres esclaves

François Puponni maire de Sarcelles s'exprime devant environ 400 personnes le 23 mai 2013
Une stèle sur laquelle sont gravés 213 noms d'esclaves a été dévoilée ce jeudi à Sarcelles. L'occasion pour les nombreux originaires d'Outre-mer présents de redécouvrir l'histoire de leurs ancêtres trop longtemps passée sous silence.
C'est sous un ciel menaçant et quelques gouttes de pluie que la cérémonie s'est préparée. Quelques instants avant l'arrivée des premiers invités, une brusque rafale de vent a fait littéralement s'envoler les barnums dressés pour l'occasion. "Ce sont nos ancêtres qui protestent contre les souffrances qu'ils ont du endurer", s'esclaffe Lucienne Celcal.
 
Martiniquaise, elle est arrivée bien en avance pour découvrir avant tout le monde la stèle inaugurée sur l'avenue du 8 mai 1945. "Le nom de mes ancêtres est gravé dessus", explique-t-elle. Son frère l'accompagne. Retraité de la Ville de Paris, Camille Celcal savait que son patronyme figurait sur le monument. Sa propre fille est membre du Comité de la marche du 23 mai (CM98) et avait entrepris des démarches pour retrouver les traces de ses ancêtres. Effectivement, parmi les 213 noms apposés sur la stèle, figurent celui  de Richard Celcal, matricule 2571. Le résultat de recherches menées par la fille de Camille mais suivies avec attention par toute la famille..
Grâce au travail du CM98, le frère et la sœur  ont pu retrouver  ainsi les traces de plusieurs de leurs ancêtres porteurs d'une matricule, jusqu'à ce que l'administration française les nomme arbitrairement après l'abolition de 1848.
 

La chair de poule et les frissons dans le ventre

 
Marie-Andrée Richol aussi a reçu un courrier l'informant que son nom serait sur la stèle. Elle s'est donc précipitée, "avec des frissons dans le ventre" pour le découvrir. Il n'y figurait pas. "Il est certainement sur le monument de Saint-Denis", se rassure-t-elle, une pointe de déception dans la voix. De ses ancêtres, elle connaissait les histoires racontées par son père, celles de ses aïeuls nègres marrons qui ont fui leurs maîtres pour se réfugier dans les montagnes, loin de leur portée. Une légende familiale confirmée par l'accès aux archives. "Ils étaient trois frères à avoir refusé leur condition et ils ont réussi à s'enfuir. Seule leur mère, âgée de 44 ans lors de l'abolition était restée. Elle s'appelait Véronique Richol", explique Marie-Andrée qui assure avoir eu "la chair de poule", en découvrant ainsi des pans entiers de son histoire.
 
 

Nous avons tenté de fuir votre souvenir

Ils étaient près de 400 ce jeudi à se réunir pour l'inauguration de la stèle, réalisée par l'artiste guadeloupéen Jean-Claude Nasso. Au programme: lecture de texte, chants et discours du maire de Sarcelles François Pupponi et de Serge Romana. Le président du CM98 s'est adressé directement aux victimes de l'esclavage dont les noms étaient apposés à quelques mètres de lui. "Vous avez été des survivants, vous avez survécu à ce crime qu'est l'esclavage", a-t-il déclaré "et nous, nous avons porté vos douleurs, vos humiliations, vos rancœurs, au point de tenter de fuir votre souvenir pendant 150 ans".

 La ville de Sarcelles comporte une très forte communauté ultramarine dont certains sont arrivés dès les années 60 dans le cadre du Bumidom, le bureau pour le développement des migrations dans les départements d'Outre-mer. Et nombreux sont ceux qui une fois arrivés en métropole, découvrant les difficiles conditions de vie qui s'offraient à eux, pensaient à repartir. Sans pour autant être forcément en mesure de le faire. "Nous avons appris à vivre ici, a poursuivit Serge Romana. Pour ne pas nous perdre, nous avons ranimé la flamme de votre souvenir, et nous vous avons trouvé".
 
Les deux stèles dévoilées à Sarcelles et Saint-Denis ne révèlent qu'une infime partie du travail sur la généalogie effectué depuis plusieurs années par le CM 98 et dont une partie est accessible sur le site anchoukaj.org.  Le comité a déjà retracé le parcours de  80% des quelques 157 000 esclaves martiniquais et guadeloupéens qui se sont vu attribuer un nom après l'abolition de l'esclavage.

Le maire de Sarcelles François Puponni vérifie les installations avant de prendre la parole
Le maire de Sarcelles François Puponni dévoile la stèle devant plusieurs centaines de personnes.
La stèle réalisée par Jean-Claude Nassot avec les 213 noms d'esclaves gravés dans le marbre.
Les noms d'esclaves et leur matricules sont gravés sur la stèle
Serge Romana, président du CM98, et François Puponni, maire de Sarcelles, admirent l'oeuvre de Jean-Claude Nassot.
Environ 400 personnes, dont beaucoup d'enfants scolarisés dans des écoles de Sarcelles, ont assisté à la cérémonie.
Sophie Elizeon, déléguée interministérielle à l'égalité des chances des Français d'Outre-mer assistait à la cérémonie.
Camille Celcal, qui pose aux cotés de son épouse, a retrouvé le nom de ses ancêtres esclaves gravé sur la stèle.
Avec l'aide du CM98, Marie-Andrée Richol a retrouvé son ancêtre Véronique Richol, née esclave et mère de trois enfants partis en marronage.