Jenny Alpha honorée à Paris

Place Jenny Alpha dans le 15ème
Une place Jenny Alpha a été inaugurée samedi matin dans le 15ième arrondissement de Paris.
Il était 11h13, samedi, quand la plaque baptisant la place proche de Balard a été dévoilée. Une centaine de personnes, famille, amis et anonymes applaudissent. Jenny Alpha, qui a longtemps vécu à quelques rues de l’endroit, continuera de rayonner sur le quartier. 
 

 

Les années de formation

Née en Martinique en 1910, d’un père rescapé de l’irruption de la montagne Pelée et d’une mère chef du bureau à la poste. Jenny Alpha, fréquente, petite, Aimé Césaire, ami de ses frères.
Puis elle part pour Paris, à 19 ans, pour devenir institutrice. Mais les études ne l’emballent pas. Ce qu’elle veut, elle, c’est jouer la comédie. Un projet qu’elle a du mal à concrétiser : trop « exotique » pour jouer le répertoire dramatique disent les metteurs en scène.
Elle se tourne alors vers le music hall, fraye avec les surréalistes, Desnos, Dalí, Soutine ou Picabia, qui peindra un portrait d’elle. Elle fonde son groupe, Jenny et les pirates du rythme.
 

 

La découverte de la négritude

Ironie de cette France coloniale de l’époque, c’est en métropole que Jenny renoue réellement avec ses racines. Alors qu’en Martinique « on interdisait aux enfants, déjà à l’école, de parler le créole », c’est à Paris qu’elle apprend sa langue natale.
La découverte du concept de « négritude » fut pour elle une révélation. « On m’a fait sucer avec le lait de ma mère, toute la civilisation française. Et la colonisation, c’était la mainmise, pas seulement sur la terre des îles Caraïbes, mais aussi sur les cerveaux, l’esprit, l’école. Lorsque j’ai fréquenté Aimé Césaire  et Léon Gontran Damasje me suis dit : il y a un côté de ma race que je suis en train d’oublier complètement Et je me suis mise à lire les écrivains africains.



L’ascension de comédienne

Elle décroche quelques rôles au cinéma (L'Absence, de Peter Handke, ou La Vieille Quimboiseuse et le Majordome) quand passés 65 ans, elle explose au théâtre avec La Tragédie du roi Christophe, d’Aimé Césaire, et, à 75 ans, La Folie ordinaire d’une fille de Cham, de Julius Amédée Laou, montée par Daniel Mesguich. Après cela, elle n’arrêtera plus, jouant encore à 94 ans La Cerisaie, de Tchekhov, mise en scène par Jean-René Lemoine. Pionnière pour toute une génération d’acteurs des Caraïbes, Jenny aura eu ce talent de s’approprier toutes les époques, sans nostalgie, sans la mélancolie de ceux qui, trop occupés à regarder dans le rétroviseur de leur vie, oublient de la vivre.
C’est le nom de cette femme hors du commun qui orne maintenant une place plantée d’érables.
Un bel endroit pour une grande personnalité.


Pour en savoir plus, lire cet article de France Antilles.