Christiane Taubira vue par le New York Times

Christiane Taubira, photographiée dans le New York Times du samedi 10 août 2013
Le prestigieux quotidien américain a publié ce week-end un portrait de la ministre de la Justice, sous le titre « A l’ascension des hauteurs du pouvoir, portée par son "altérité" ». 
Comme sur un disque rayé, le titre revient inlassablement à la une de la presse française : « Taubira : Je ne supporte pas d’avoir un patron », de son propre aveu dans le journal américain. On savait que le journalisme tendait à l’uniformisation, mais à ce point là, c’est affligeant.
 

"Une femme de couleur au franc-parler"

Car, bien entendu, l’entretien accordé au NY Times par la garde des Sceaux ne se limite pas à cette petite phrase. Et il est intéressant aussi de voir comment le journal new yorkais a perçu la « fougueuse et toute petite femme originaire de la Guyane française qui est ministre de la Justice de la France », comme l’écrit Scott Sayare, le reporter. 
 
Décrite comme portant « des tresses serrées », et parlant avec « de légères inflexions vocales », le NY Times note que Christiane Taubira « demeure sensible à sa différence, une femme de couleur au franc-parler dans une position de visibilité et d’influence considérables ; peu se sont trouvés dans cette situation avant elle en France ».
 

"Elle incarne beaucoup l’idéal politique français" 

« Erudite et éloquente, elle incarne beaucoup l’idéal politique français », relève le quotidien. « Elle cite des poèmes de mémoire. Mais les écrivains qu’elle préfère sont ceux qui ont écrit sur leur altérité en France, les poètes du mouvement anticolonial de la négritude, comme Léon-Gontran Damas de la Guyane française, Léopold Sédar Senghor du Sénégal et Aimé Césaire de la Martinique » précise le journaliste du NY Times, qui semble connaître ses classiques.
 
« Sa volonté de discuter franchement de la race vaut également d’être mentionnée », poursuit Scott Sayare, « dans une nation où ces questions demeurent délicates et bien souvent au stade du non dit. L’Etat français ne prend pas officiellement en compte la couleur de la peau ou l’ethnicité ».
 
Christiane Taubira « est connue dans l’establishment politique pour avoir une propension à l’autoritarisme et à l’orgueil », constate le journaliste. « La tension de sa lèvre supérieure contribue vraisemblablement à ce qui a été interprété comme un air de dédain » écrit bizarrement le NY Times, « mais quand elle rit, la lèvre découvre ses dents, et ses yeux se plissent avec une chaleur qui peut ou ne pas être authentique mais qui est incontestablement rare parmi les politiciens français ».
 

"La République qui vous respecte"

« Dans ce qui semble être une rupture avec la philosophie standard de la France Etat providence », l’intérêt de Christiane Taubira « n’est pas tant de protéger les personnes vulnérables, dit-elle, que de leur donner plus de pouvoir », rapporte le quotidien.
 
« Le slogan de sa campagne présidentielle (de 2002, ndlr), "La République qui vous respecte", a semblé refléter ce qu’elle appelle un attachement profond à une notion presque libertaire de "liberté de vous-même", une éthique peu fréquente au sein d’une nation aux hiérarchies sociales et politiques souvent rigides », conclut le NY Times.

En version originale :
L'interview de Christiane Taubira dans le New York Times