Céline, des soirées antillaises au port du hijab

Céline, qui s'est convertie à l'islam en 2010, a du batailler pour faire le faire accepter à son entourage.
Poursuite de notre dossier de la semaine sur les Antillais qui se convertissent à l'islam. Aujourd'hui, rencontre avec Céline, 26 ans. Depuis plus de trois ans, elle s'est convertie à l'islam. Cette future maman d'origine martiniquaise nous raconte son parcours, avec ses joies et ses épreuves.
Elle a 26 ans, des yeux bruns qui pétillent, un sourire radieux. Son ventre rebondi annonçe l'imminence d'un heureux événement et un long hijab recouvre sa tête. Céline, ou Dina, a grandi en Seine-et-Marne, avec son frère, sa sœur et ses parents, originaires de Martinique.
La jeune fille aux longs cheveux bouclés, ex-clubbeuse invétérée aux habits pailletés qui souriait déjà sur les photos, couvre désormais son corps de la tête au pied. Catholique pratiquante, Céline est devenue musulmane en 2010.
 

Plus proche de Jésus

Tout a commencé lorsqu'elle ressent le "besoin de se rapprocher de Jésus". Sur les conseils maternels, Céline reprend les cours de catéchèse, lit et relit la Bible, discute avec des croyants, reçoit la confirmation.  "A un moment, cela ne me suffisait plus. Je voulais vraiment vivre de la façon dont Jésus a vécu. J'ai arrêté de manger du porc tout comme lui. Je voulais prier en me prosternant, comme il le faisait".
 

Partage de savoir

Une quête spirituelle qui prend un nouveau tournant en 2010, lors d'un séjour en Australie, dans la famille, musulmane et pratiquante, d'une amie comorienne. Là-bas, Céline  qui a beaucoup de temps libre, reçoit de sa mère une petite Bible, qu'elle remplit de post-it au fil de sa lecture, annotant les incohérences qu'elle décèle, et les passages qu'elle ne comprend pas. Au fil du temps, des échanges se mettent en place avec l'oncle de son amie, ravi d'en apprendre plus sur le catholicisme. Lui aussi partage son savoir avec Céline, qui n'a jamais lu le Coran.
 

" Toute la famille a eu les larmes aux yeux "

Le véritable déclic se produit en rentrant d'un voyage en Asie. "A mon retour en Australie, je me suis réveillée trois jours de suite à l'heure de la prière, avec l'envie d'aller prier avec mes hôtes", se souvient-elle. Au troisième jour, elle se livre à son amie. " T'as vraiment envie d'en savoir plus sur l’islam. A toi de voir", s'entend-elle répondre.
 
Céline s'est décidée. Le 14 juillet 2010 – elle cite la date avec précision- elle va voir l'oncle de son amie et lui annonce se sentir prête pour la chahada, la profession de foi marquant l'entrée dans l'islam. "Il ne s'y attendait pas du tout. Toute la famille a eu les larmes aux yeux. Mes premières larmes à moi sont venues plus tard, lorsque j'ai posé le front par terre, pour la prière".
 

Réticences familiales...

Des larmes, Céline en fera couler beaucoup d'autres. Ses parents, qu'elle retrouve en rentrant en France n'acceptent pas du tout la conversion de leur fille. "Tu as été manipulée, tu vas devenir une kamikaze, si tu étais un homme, on t'aurai formée au terrorisme, ton futur mari te frappera…" Elle a tout entendu, jusqu'au douloureux "tu as peut-être mon sang dans tes veines, mais tu n'es plus ma fille".
 

... et viande halal

La cohabitation au domicile parental se fait sous haute tension. " Ma famille continuait sa vie, ses discussions, ses blagues, mais je n'en faisais plus partie, on ne m'adressait plus la parole". Céline ne cède pas, ne s'énerve jamais et refuse de leur en tenir rigueur. Elle finit par emménager chez une amie, mais s'obstine à revenir chez ses parents tous les week-ends. "Je ne voulais surtout pas rompre le lien familial. C'aurait été leur donner raison".
 
 La question des repas notamment est compliquée. Des phrases comme "Tu as toujours mangé ça, ça ne t'as jamais tuée. Ca ne te tuera pas aujourd'hui ", ponctuent son refus de manger de la viande non halal. Céline ne bronche pas. Jusqu'au jour où son père, qui refusait jusqu’alors de lui adresser la parole, l'informe qu'il s'est fourni chez un boucher halal.
 

Du port du voile au mariage express

Si la paix revient dans la maison, les tensions ressurgissent à chaque nouvelle étape de sa vie de convertie. Le port du voile notamment, que Céline choisit en novembre 2011. Puis l'annonce de son mariage, avec un jeune homme d'origine sénégalaise, présenté par un ami commun et rencontré à deux reprises seulement, avant l'annonce du mariage trois mois plus tard.

"Dans l'islam, Il est recommandé de ne pas choisir son mari sur des critères de beauté ou d'attirance, car tout ça peut évoluer ", précise-t-elle. "J'ai déjà connu des déceptions amoureuses et je sais que l'amour ne suffit pas. J'ai aimé les valeurs de mon mari, la façon dont nous pourrions évoluer ensemble et j'ai fait confiance à Dieu". Céline se marie sans sa famille, qui a refusé de venir, et tombe enceinte au cours de sa nuit de noce. Elle doit accoucher en novembre.

 
Soirées entre copines

En dépit son jeune âge, la jeune femme affiche une sérénité et une détermination hors du commun. N’ayant jamais fumé ni consommé beaucoup d’alcool, elle concède que certains changements ont été plus durs que d’autres. "Au début je rêvais de rosette, s’esclaffe-t-elle. On mange beaucoup de porc chez nous, le boudin tout ça… ça m’a manqué! ". Elle assure que la solution réside dans l’abandon progressif de ses anciennes habitudes. "Tout compte fait, je ne me rends même plus compte de tout ce que j’ai laissé tomber. Et puis les boîtes de nuit par exemple, je sais bien que même sans la religion, aujourd'hui, je n'aurai plus envie d'y aller".  Le maquillage et les vêtements " à l’occidentale", sont désormais réservés aux soirées entre copines. L’occasion également de lâcher ses beaux cheveux bouclés.

 
"Si j’ai pu contribuer à combattre les préjugés, c’est déjà ça "

Employée par une société de vente par correspondance, Céline a obtenu l’autorisation de travailler avec son voile. « Ils ont pu voir que malgré mon apparence, je suis la première a rigoler et discuter avec mon entourage. Si j’ai pu contribuer à combattre les préjugés, c’est déjà ça ».
 

 "Au moins tu pries. Tu ne te drogues pas, tu ne te prostitues pas"

Cet été, son mari a enfin rencontré ses parents, Et la rencontre s’est finalement bien mieux déroulée qu’escompté.
Même si elle en a beaucoup souffert, elle comprend leur hostilité. Mais se raccroche aux mots prononcés par son père lors de leur réconciliation. "Au moins tu pries. Tu ne fais pas de bêtises, tu ne te drogues pas,  tu ne te prostitues pas". Quand à son fils s’il choisit une fois adulte de changer de religion, elle ne pourra que l’accepter. "Je sais bien que moi-même je n'ai pas suivi le chemin que mes parents auraient voulu pour moi, soupire Céline. Mais pour ne pas les heurter j’aurai du me mentir à moi-même. J’ai préféré accepter et assumer ma vérité."