Convertis à l'islam et djihadistes, ils révèlent un "malaise identitaire"

Arrestation d'Alexandre Dhaussy en avril 2012.
Dernier volet de notre enquête sur les Antillais convertis à l'islam. A l'instar de Jeremie Louis Sidney ou d'Alexandre Dhaussy, plusieurs Antillais ont été impliqués dans des mouvances terroristes. L'islamologue Mathieu Guidère revient sur ces nouveaux convertis qui choisissent la voie du djihad.
Ils s'appellent Jeremie Louis-Sidney, Willie Brigitte, Johann Bonté, Alexandre Dhaussy… Ces originaires des Antilles ont, chacun leur tour, été accusés de participation à des actes ou des projets terroristes.
 
Mathieu Guidere, islamologue est l'auteur du livre Les Nouveaux terroristes. Il décrypte pour nous ce phénomène ultra minoritaire mais bien réel, des convertis qui s'adonnent à des actes terroristes.
 
 
A chaque nouvelle action terroriste, on nous livre le portrait d'une personne convertie ayant pris part à des attentats. Les convertis sont-ils vraiment facilement enrolables par les organisations terroristes?
 Il y a effectivement une nouvelle tendance. On trouve désormais quasiment systématiquement des convertis impliqués dans les attentats terroristes. Ces personnes s'inscrivent dans une mouvance très minoritaire, qui est celle de la conversion contestataire. Ce phénomène concerne le plus souvent des personnes d'origine maghrébine ou afro-antillaise.
 
Pourquoi eux plus particulièrement?
 Cette conversion contestataire se base sur un malaise identitaire. Des personnes qui ont du mal à se définir et luttent entre leur trois identités de Français, de Noir et de musulman. Pour elles, se convertir, c'est contester l'identité qui leur a été allouée par la société.
Le christianisme n'a jamais développé de figure noire véritablement valorisée. Dans l'islam en revanche, on en trouve, et notamment dans la personne de Bilal, un des premiers compagnons du prophète qui était noir de peau.
Les personnes qui se convertissent à  un islam radical veulent avant tout contester. Très souvent, ils n'ont pas vraiment eu accès au Coran, parlent très peu arabe et ne connaissent pas réellement l'islam. Ce ne sont pas des intégristes fondamentalistes.
 
Peut on parler d'un phénomène nouveau?
Depuis les printemps arabes, l'islamisme a pris une dimension révolutionnaire.  Ceux qui se convertissent à l'islamisme radical se sentent les seuls capables de contrer les sociétés occidentales et capitalistes. Auparavant, il y a eu le communisme, le marxisme, le léninisme. Aujourd'hui seul le djihadisme occupe ce rôle contestataire et lutte de façon radicale et violente.
 
Cela existe depuis longtemps. On a pu l'observer aux Etats-Unis avec les Afro Américains et le phénomène des Blacks muslims qui voulaient contrer la domination américaine. Malcom X est d'ailleurs une figure type de la conversion contestataire.
Qui sont ces terroristes antillais?
Le fait-divers le plus récent remonte au printemps 2013. Le 27 avril, Alexandre Dhaussy agresse au couteau un militaire dans le quartier de la Défense (92).  Agé de 22 ans, le jeune homme est originaire des Antilles et converti à l'islam depuis 2009. Le militaire, blessé au cou a été hospitalisé mais a survécu à son agression.

Quelques mois auparavant, en octobre 2012, c'est Jérémie Louis Sidney qui fait la Une des télévisions françaises. Lors d'un coup de filet antiterroriste à Strasbourg, le trentenaire, martiniquais, vide son chargeur sur les policiers venus l'interpeller. Ces derniers ripostent et le tuent sur le coup. Jérémie Louis-Sidney était suspecté d'avoir jeté un engin explosif dans une épicerie casher de Sarcelles en septembre 2012. 


Willie Brigitte, d'origine guadeloupéenne est condamné en 2007 à neuf ans de prison pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. La justice lui reproche d'avoir projeté des attentats en Australie en 2003 avec le mouvement radical Pakistanais Lashkar-e-Toiba.


Avant eux Johann Bonté et Jean-Marc Grandvizir, tous deux d'origine antillaises sont arrêtés le 30 septembre 2001 et condamnés à de la prison ferme. Les deux hommes étaient membre du réseau de Djamel Beghal, un franco algérien condamné pour avoir projeté un attentat contre l'ambassade des Etats-Unis à Paris.