L’Afrique, l’Europe, l’exil, l’immigration, l’altérité… A travers l’itinéraire de deux migrants, la romancière martiniquaise Fabienne Kanor aborde la question de l’identité individuelle. Une aventure intime et humaine qui résonne en chacun de nous.
Quatre ans après son dernier livre, l’écrivaine et réalisatrice Fabienne Kanor revient avec un roman (« Faire l’aventure », éditions JC Lattès) sur l’exil et les cheminements identitaires, deux thèmes récurrents dans son œuvre littéraire et de documentariste.
Voici donc les histoires entrecroisées de Biram et Marème, deux jeunes Sénégalais (un homme et une femme) qui vont quitter Mbour et Dakar pour les mirages de l’Europe. Tenerife, Lampedusa, Rome, Paris… Dans une sorte de voyage initiatique, les deux protagonistes vont « faire l’aventure » et affronter les doutes, la peur, les autres, leurs rêves, tout ce qui constitue notre humanité et construit nos personnalités. Nous avons rencontré l’auteur qui nous a livrés quelques clés de son roman et de son travail d'écriture.
La genèse et la construction du livre
« Ce livre a été mûri pendant des années, depuis 2008 à peu près. Puis il m’a envahie jusqu’à ce que ça devienne une nécessité, au point d’écrire un roman. Cela faisait longtemps que je voulais écrire une sorte d’odyssée où tout serait mêlé. Je voulais raconter les espaces que j’ai traversés en vivant dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, à Paris, etc. »
« J’ai fait une écriture in situ, je suis partie pendant trois mois grâce à une bourse Stendhal. J’ai donc pu me rendre à Tenerife aux îles Canaries, où j’ai rencontré des vendeurs ambulants sénégalais et passé du temps avec eux. Cela m’a permis de prendre la mesure de ce qu’ils vivent. Je suis allée également à Almeria en Andalousie pendant quinze jours. J’ai été hébergée par des émigrés et j’ai même travaillé avec eux dans les serres en plastique à ramasser les tomates et les aubergines. Je suis allée aussi à Rome, et à Lampedusa pour visiter le centre de rétention. Dans ce roman je ne voulais pas rester à l’extérieur des flux migratoires. Je voulais être dans ces lieux. Cela m’a permis de ramener la matière. »
Biram, le personnage principal
« J’aime bien les hommes qui ont une capacité à rêver, même si ils vivent un enfermement. Pour Biram, c’est un enfermement de clandestin, sans papiers, sans identité, sans foi, sans croyance en l’humanité. C’est un homme qui a toutes les raisons de se rétrécir en cours de route, mais en fait pas du tout. Je lui mets des épaulettes, une humanité, une dignité, je lui redonne une richesse et toutes les raisons de continuer. Ce qui particularise Biram, c’est cette incroyable capacité à rêver et de réinventer, pas faire la fortune en Europe. »
Le travail d’écrivain
« En tant qu’écrivain, on ouvre des portes. On ne sait pas toujours où l'on va. Mais au bout du compte on a envie de raconter une histoire, de faire parler des gens qui parfois n’ont pas du tout la parole parce qu’ils n’ont pas le temps, ou l’envie, ou la légitimité, ou bien parce qu’ils sont tout simplement au bout du rouleau. Comme écrivain, nous avons envie de sentir les émotions et de les restituer. En tant que romancière, c’est aussi important pour moi de retrouver des arrière-pays, et de les habiter. »
« Dans mes livres, la plupart de mes personnages sont noirs. Cela veut dire qu’ils ont des histoires communes, qu’elles se passent en Afrique, dans la Caraïbe, ou dans l’Amérique noire. Je me sens profondément de ce terroir noir, que je porte comme une couleur politique. »
L’histoire personnelle
« J’ai assez mal vécu l’émigration de mes parents. Ils sont arrivés par le BUMIDOM dans les années soixante. C’était des Français marrons, des Noirs de France avec tout ce que cela supposait à l’époque. Mes parents ont été les bras de la France, ils étaient entre l’île et la France, mais cela a été une immigration ratée sur le plan social. Ils ont encaissé aussi le racisme. »
« Tout cela, ils nous l’ont transmis comme ressortissants de cette première vague massive d’immigration de travail. Ils nous ont transmis la sueur de l’immigré. Finalement c’est toujours une histoire de place. Où est ma place ? C’est la question de la déterritorialisation, où l’on est à côté de soi-même. Cette histoire-là, j’essaie de la décliner à travers l’histoire du migrant. C’est parce que moi-même je ne me suis jamais sentie à ma place que cela m’a amené à parcourir tous ces territoires, à marcher le monde. Aujourd’hui à Yaoundé, demain à Rabat, puis à Paris, à Fort-de-France, à la Nouvelle-Orléans… C’est ainsi que je porte tous ces mondes en moi, et leurs fardeaux aussi. Je suis en quelque sorte condamnée à écrire des histoires de déplacement. Je suis dans une lignée d’écrivains voyageurs, un peu comme Maryse Condé qui m’intéresse beaucoup. Et je vais continuer à marcher. »
Voici donc les histoires entrecroisées de Biram et Marème, deux jeunes Sénégalais (un homme et une femme) qui vont quitter Mbour et Dakar pour les mirages de l’Europe. Tenerife, Lampedusa, Rome, Paris… Dans une sorte de voyage initiatique, les deux protagonistes vont « faire l’aventure » et affronter les doutes, la peur, les autres, leurs rêves, tout ce qui constitue notre humanité et construit nos personnalités. Nous avons rencontré l’auteur qui nous a livrés quelques clés de son roman et de son travail d'écriture.
La genèse et la construction du livre
« Ce livre a été mûri pendant des années, depuis 2008 à peu près. Puis il m’a envahie jusqu’à ce que ça devienne une nécessité, au point d’écrire un roman. Cela faisait longtemps que je voulais écrire une sorte d’odyssée où tout serait mêlé. Je voulais raconter les espaces que j’ai traversés en vivant dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, à Paris, etc. »
« J’ai fait une écriture in situ, je suis partie pendant trois mois grâce à une bourse Stendhal. J’ai donc pu me rendre à Tenerife aux îles Canaries, où j’ai rencontré des vendeurs ambulants sénégalais et passé du temps avec eux. Cela m’a permis de prendre la mesure de ce qu’ils vivent. Je suis allée également à Almeria en Andalousie pendant quinze jours. J’ai été hébergée par des émigrés et j’ai même travaillé avec eux dans les serres en plastique à ramasser les tomates et les aubergines. Je suis allée aussi à Rome, et à Lampedusa pour visiter le centre de rétention. Dans ce roman je ne voulais pas rester à l’extérieur des flux migratoires. Je voulais être dans ces lieux. Cela m’a permis de ramener la matière. »
Biram, le personnage principal
« J’aime bien les hommes qui ont une capacité à rêver, même si ils vivent un enfermement. Pour Biram, c’est un enfermement de clandestin, sans papiers, sans identité, sans foi, sans croyance en l’humanité. C’est un homme qui a toutes les raisons de se rétrécir en cours de route, mais en fait pas du tout. Je lui mets des épaulettes, une humanité, une dignité, je lui redonne une richesse et toutes les raisons de continuer. Ce qui particularise Biram, c’est cette incroyable capacité à rêver et de réinventer, pas faire la fortune en Europe. »
Le travail d’écrivain
« En tant qu’écrivain, on ouvre des portes. On ne sait pas toujours où l'on va. Mais au bout du compte on a envie de raconter une histoire, de faire parler des gens qui parfois n’ont pas du tout la parole parce qu’ils n’ont pas le temps, ou l’envie, ou la légitimité, ou bien parce qu’ils sont tout simplement au bout du rouleau. Comme écrivain, nous avons envie de sentir les émotions et de les restituer. En tant que romancière, c’est aussi important pour moi de retrouver des arrière-pays, et de les habiter. »
« Dans mes livres, la plupart de mes personnages sont noirs. Cela veut dire qu’ils ont des histoires communes, qu’elles se passent en Afrique, dans la Caraïbe, ou dans l’Amérique noire. Je me sens profondément de ce terroir noir, que je porte comme une couleur politique. »
L’histoire personnelle
« J’ai assez mal vécu l’émigration de mes parents. Ils sont arrivés par le BUMIDOM dans les années soixante. C’était des Français marrons, des Noirs de France avec tout ce que cela supposait à l’époque. Mes parents ont été les bras de la France, ils étaient entre l’île et la France, mais cela a été une immigration ratée sur le plan social. Ils ont encaissé aussi le racisme. »
« Tout cela, ils nous l’ont transmis comme ressortissants de cette première vague massive d’immigration de travail. Ils nous ont transmis la sueur de l’immigré. Finalement c’est toujours une histoire de place. Où est ma place ? C’est la question de la déterritorialisation, où l’on est à côté de soi-même. Cette histoire-là, j’essaie de la décliner à travers l’histoire du migrant. C’est parce que moi-même je ne me suis jamais sentie à ma place que cela m’a amené à parcourir tous ces territoires, à marcher le monde. Aujourd’hui à Yaoundé, demain à Rabat, puis à Paris, à Fort-de-France, à la Nouvelle-Orléans… C’est ainsi que je porte tous ces mondes en moi, et leurs fardeaux aussi. Je suis en quelque sorte condamnée à écrire des histoires de déplacement. Je suis dans une lignée d’écrivains voyageurs, un peu comme Maryse Condé qui m’intéresse beaucoup. Et je vais continuer à marcher. »