Au terme d'un procès fleuve de six semaines et d'un délibéré de 12 heures, la cour d'assises de Paris a reconnu l'ex-officier de la garde présidentielle, aujourd'hui âgé de 54 ans, coupable de génocide et de complicité de crimes contre l'humanité. "Le fait qu'il conteste avoir vu le moindre cadavre en dépit de ses multiples déplacements (...) participe manifestement de sa volonté de minimiser son rôle et de dissimuler la parfaite connaissance qu'il avait (...) du génocide qui se déroulait (...) sous ses yeux", a jugé la cour. Pour elle, Pascal Simbikangwa a bien distribué des armes aux miliciens Interahamwe qui tenaient les barrages dressés dans la capitale Kigali et "donné des instructions pour que les Tutsi soient systématiquement exécutés sur-le-champ".
De complice à génocidaire
L'accusation avait réclamé dans un réquisitoire implacable la perpétuité contre un "donneur d'ordre", "génocidaire négationniste". L'avocat général Bruno Sturlese avait d'ailleurs demandé la requalification des faits en "crime de génocide", finalement retenu par la cour, alors que l'accusé était entré dans le box poursuivi pour "complicité". Au fil des audiences, le capitaine Simbikangwa, qui niait en bloc, était apparu toujours passionné de politique, restant sur la plupart des positions des extrémistes hutu, tout en cherchant systématiquement à minimiser son rôle et sa compréhension des massacres à l'époque.
"Je n'ai pas vu de corps"
Et, à la stupéfaction générale, Pascal Simbikangwa a répété sans fléchir n'avoir vu aucun cadavre pendant les cent jours d'horreur au cours desquels 800.000 personnes, principalement tutsi, ont été massacrées entre avril et juillet 1994. "Mais qu'est-ce que j'ai à gagner en disant que je n'ai pas vu de corps ?", répondait-il à ceux qui s'étonnaient jour après jour. Paradoxalement, ce sont des témoignages de Tutsi que le capitaine Simbikangwa a sauvés à Kigali qui auront été les plus embarrassants pour lui, plusieurs disant l'avoir vu stocker des armes chez lui et les distribuer. Un voisin, âgé alors de 18 ans et qui l'a suivi tout du long, a évoqué de longues semaines "en enfer".
Arrêté à Mayotte
Pascal Simbikangwa s'était caché en France, à Mayotte où il a été arrêté pour trafic de faux papiers. L'homme vivotait dans l'île française entre son trafic et les cours de soutien qu'il donnait à des élèves. Pascal Simbikangwa a été jugé au titre de la "compétence universelle" prévue pour les crimes les plus graves. "La peine me paraît trop légère, mais ce qui était important pour nous, c'est la condamnation. C'est un précédent important", a estimé Alain Gauthier, président du Comité des parties civiles pour le Rwanda, à l'origine de la plainte qui a conduit au procès. "Ce n'est pas la fin, c'est le début, mais c'est l'aboutissement de quelque chose, c'est aussi la victoire de la justice", a dit, très émue, son épouse Dafroza, dont la majorité de la famille a péri dans le génocide. Vingt-sept informations judiciaires sur le Rwanda sont actuellement traitées au "pôle génocide" du parquet de Paris, dont deux sont proches de la fin de l'instruction. Regardez ce reportage de l'AFP à l'issue du procès.