Un docu-fiction sur les artificiers noirs du Havre, héros oubliés de la deuxième Guerre mondiale

Photo d'époque de quelques artificiers noirs du Havre durant l'occupation allemande. Ils étaient une trentaine au total.
Dans la ville du Havre, à partir de 1941, des artificiers antillais et africains furent enrôlés de force par les Allemands pour désamorcer les bombes réparties dans la ville. Le réalisateur havrais Alexis Delahaye prépare un docu-fiction consacré à leur incroyable histoire.
C’est encore un pan méconnu et tragique de l’histoire de la deuxième Guerre mondiale, qui s’est déroulé dans la ville du Havre à partir de l’année 1941.
 
Sous l’occupation allemande, la ville a dû être déminée de milliers de bombes larguées par les Britanniques qui n’avaient pas explosé. Au début, les nazis s’attellent à la tâche. Un travail particulièrement délicat et dangereux, qui implique des pertes en vie humaine et des mutilations. Aussi décident-ils de confier ce travail à des personnes qui pour eux ne sont que des sous-hommes : des Noirs.
 

Réquisitionnés de force 

Une trentaine de personnes sont réquisitionnées de force, originaires d’Afrique sub-saharienne, de Guadeloupe, de Martinique et de Madagascar. Ce ne sont aucunement des spécialistes du déminage, mais de simples travailleurs que les Allemands vont former. Et ils n’ont pas le choix. S’ils refusent, c’est le travail forcé dans des camps en Allemagne, c'est-à-dire la séparation d’avec leur famille et la mort à plus ou moins court terme. 
 
Ainsi, les démineurs noirs, surnommés "les équipes de la mort" par la population locale, vont désamorcer plus de 900 bombes pesant de 250 kilos à une tonne durant les années d’occupation. Au péril de leur vie et parfois gravement blessés, même si, miraculeusement, aucune perte humaine ne fut à déplorer.
 

VIDEO. Extrait du docu-fiction "Les Artificiers noirs" d'Alexis Delahaye 


Après la guerre, ces démineurs qui avaient sauvé la vie de nombreux Havrais en dégoupillant les engins explosifs seront traités comme des collaborateurs par la population et mis au ban de la société. L’histoire de la ville et de la deuxième Guerre mondiale les jettera aux oubliettes. 
 
Mais c’était sans compter sur la détermination d’un jeune réalisateur havrais, Alexis Delahaye (son site Internet ici), auteur de clips, dessinateur de BD et monteur à France 3. A l’occasion de recherches sur sa ville, il tombe par hasard sur la lettre d’un artificier noir guadeloupéen, et coiffeur de son état, adressée au commissaire du Havre. C’est là qu’il découvre l’existence des démineurs noirs. 

 
Alexis Delahaye

Deux ans d'investigations

Après deux ans d’investigations, qui lui ont notamment permis de retrouver des descendants des protagonistes de l’époque, Alexis Delaye (photo) vient de terminer le volet documentaire de son film. Ces derniers jours, il s’est attelé à la partie fiction en tournant dans les rues du Havre avec la présence de spécialistes des services de reconstitution historique. Grâce à lui, les artificiers noirs du Havre, ces héros jusqu’à présent anonymes, vont retrouver leur juste place dans la grande histoire.
 
Le film devrait sortir sur les écrans en septembre 2014 à l’occasion de la commémoration du soixante-dixième anniversaire du bombardement du Havre pendant la seconde Guerre mondiale.