Soprano n'a que 35 ans, mais il vient de publier sa biographie. Ce rappeur livre dans "Soprano, mélancolique anonyme" un beau témoignage sur son parcours, sa jeunesse à Marseille et sa famille comorienne. La1ere.fr l'a rencontré.
Saïd M'Roumbaba né de parents émigrés comoriens dans une HLM de Marseille en 1979 réussit grâce à sa passion de la musique à devenir Soprano, un rappeur connu et reconnu. Voici en quelques mots l'histoire de ce chanteur hors-norme. L'artiste se livre pour la première fois dans un livre et rend hommage à ses parents : Omar, son père toujours en mer mais très présent et Zahara, sa mère qui l'a élevé lui et ses quatre frères et sœurs, sans bien maîtriser le français. Soprano raconte la vie dans la cité, le Plan d'Aou puis les Balustres, les amis, le collège où il a bien du mal à suivre, l'école coranique et Sina, le philosophe, les Comores et surtout la musique, sa passion.
La1ere.fr : une biographie à 35 ans, ce n'est pas un peu jeune ?
Soprano : c'est vrai que c'est jeune mais, dans la musique urbaine, le rap, à 35 ans, on est déjà un peu vieux. Ca fait maintenant 20 ans que je chante, j'avais pleins d'anecdotes à raconter. Je ne savais pas bien comment les mettre en forme. Mon manager a rencontré l'éditrice de Don Quichotte et c'est comme ça que l'aventure a démarré. Mais je ne regrette pas. Je n'ai jamais réussi à faire une chanson sur mon père et là en écrivant, j'ai enfin pu lui rendre hommage.
Dans votre livre, vous dîtes que vous vous sentez avant tout Marseillais, comment avez-vous vécu la victoire du Front national dans les 13e et 14e arrondissements aux dernières municipales, là même où vous avez grandi ?
Je suis déçu mais pas surpris. Quand je parlais avec les gens, je voyais bien que ça risquait d'arriver. Il y a beaucoup de Marseillais issus de l'immigration qui ont voté pour le Front national. Moi qui prône le métissage, ça me fait mal, car pour moi, c'est un parti qui crée de la division. Mais à Marseille avec la violence, les trafics en tout genre et le chômage, la situation n'est pas bonne. J'en veux un peu à la gauche dont je partage un peu les idées de ne pas avoir fait plus pour les cités. A mon époque, il y avait des associations, des colonies de vacances, des tournois organisés pour les jeunes. Aujourd'hui, il n'y a plus rien. Les jeunes n'ont plus de repères et pour certains l'argent a pris possession de leur cerveau. J'ai écrit une chanson là-dessus dans mon prochain album, Cosmopolitanie.
Avec votre livre, on comprend l'histoire de l'immigration comorienne à Marseille qui a été marquée par deux événements : l'assassinat d'Ibrahim Ali en 95 par des militants du FN et en 2011, le crash de la Yéménia.
Oui c'est vrai, ce sont deux événements fondateurs. Ibrahim Ali, je l'ai connu à la Savine. Nous allions enregistrer dans cette cité et Ibrahim qui était plus âgé que nous, avait son groupe B.Vice. Sa mort nous a fait réagir. C'était le premier vrai contact violent avec le racisme. Ca nous a tellement marqués que l'on a même changé notre manière d'écrire. Le second événement, c'est le crash de la Yéménia en 2009. Les Etats-Unis ont eu leur 11 septembre. A Marseille, toutes proportions gardées, on a eu le crash de la Yéménia, 153 morts, une rescapée. J'ai perdu beaucoup d'amis dans cette catastrophe aérienne. C'était terrible.
Comment votre père voyait votre passion pour la musique ?
Au début, il n'y était pas très favorable, mais aujourd'hui, il est heureux. Mes parents avaient une obsession, c'est que j'obtienne le bac. C'était encore plus important que la religion. L'année où j'ai raté mon bac, j'ai vu mon père pleurer, ce n'était jamais arrivé. Il m'a raconté sa vie, tous les sacrifices qu'il avait fait pour que je puisse faire des études et là, je me suis senti très mal. Alors je l'ai eu, le Bac et j'ai enfin pu sortir sans me cacher. Mon père, il m'a souvent fait changer. Je me souviens, une fois dans la voiture, il entend une de mes chansons et me dit "alors comme ça mon fils, tu te prends pour un bandit !". Je me suis dit qu'il avait raison et désormais, je fais très attention à ce que j'écris.
Et votre mère, elle arrivait à vous suivre ?
Ah ma mère... Dans le livre, je raconte une anecdote qui me fait rire encore. Quand je me suis retrouvé en 4e technologie, je n'étais pas très fier, c'était vraiment là où l'on mettait les élèves en difficulté. Comme je n'osais pas lui dire la vérité, je lui ai expliqué que j'allais apprendre à construire des avions. Elle était super fière et a raconté ça à toutes ses copines. Je profitais un peu du fait qu'elle ne maîtrisait pas très bien le Français.
A l'âge de 12 ans, vous découvrez Mkazi, le village natal de vos parents et puis beaucoup plus tard vous y revenez en 2008 pour le Grand mariage de Sakina, votre sœur. Mais là, vous êtes connu, comment ça s'est passé ?
Réponse à voir ici dans la vidéo :
Pour moi, les Mahorais, ce sont mes frères. L'histoire a fait que les trois autres îles des Comores ont choisi l'indépendance. Mayotte est restée française. Ces temps-ci, la situation est devenue très compliquée, mais ce que je peux vous dire encore une fois, c'est que les Mahorais sont mes frères.
Vous avez donné des concerts un peu partout dans le monde et notamment dans l'Outre-mer français. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Je garde un très bon souvenir de Nouméa en Nouvelle-Calédonie. J'ai été surpris car c'est très loin et pourtant, ils connaissaient tout par cœur. On a été dans un foyer où des jeunes reprenaient mes chansons. Aux Antilles, j'y suis allé souvent. La Martinique, c'est magnifique. En Guadeloupe, je me souviens qu'on nous avait prêté un îlet toute la journée, c'était magique. Et puis à La Réunion, c'est un peu comme chez moi ! Je n'ai pas encore chanté en Guyane ni en Polynésie, mais ils m'ont invité là-bas.
310 pages
Prix : 18,50 euros
La1ere.fr : une biographie à 35 ans, ce n'est pas un peu jeune ?
Soprano : c'est vrai que c'est jeune mais, dans la musique urbaine, le rap, à 35 ans, on est déjà un peu vieux. Ca fait maintenant 20 ans que je chante, j'avais pleins d'anecdotes à raconter. Je ne savais pas bien comment les mettre en forme. Mon manager a rencontré l'éditrice de Don Quichotte et c'est comme ça que l'aventure a démarré. Mais je ne regrette pas. Je n'ai jamais réussi à faire une chanson sur mon père et là en écrivant, j'ai enfin pu lui rendre hommage.
Dans votre livre, vous dîtes que vous vous sentez avant tout Marseillais, comment avez-vous vécu la victoire du Front national dans les 13e et 14e arrondissements aux dernières municipales, là même où vous avez grandi ?
Je suis déçu mais pas surpris. Quand je parlais avec les gens, je voyais bien que ça risquait d'arriver. Il y a beaucoup de Marseillais issus de l'immigration qui ont voté pour le Front national. Moi qui prône le métissage, ça me fait mal, car pour moi, c'est un parti qui crée de la division. Mais à Marseille avec la violence, les trafics en tout genre et le chômage, la situation n'est pas bonne. J'en veux un peu à la gauche dont je partage un peu les idées de ne pas avoir fait plus pour les cités. A mon époque, il y avait des associations, des colonies de vacances, des tournois organisés pour les jeunes. Aujourd'hui, il n'y a plus rien. Les jeunes n'ont plus de repères et pour certains l'argent a pris possession de leur cerveau. J'ai écrit une chanson là-dessus dans mon prochain album, Cosmopolitanie.
Avec votre livre, on comprend l'histoire de l'immigration comorienne à Marseille qui a été marquée par deux événements : l'assassinat d'Ibrahim Ali en 95 par des militants du FN et en 2011, le crash de la Yéménia.
Oui c'est vrai, ce sont deux événements fondateurs. Ibrahim Ali, je l'ai connu à la Savine. Nous allions enregistrer dans cette cité et Ibrahim qui était plus âgé que nous, avait son groupe B.Vice. Sa mort nous a fait réagir. C'était le premier vrai contact violent avec le racisme. Ca nous a tellement marqués que l'on a même changé notre manière d'écrire. Le second événement, c'est le crash de la Yéménia en 2009. Les Etats-Unis ont eu leur 11 septembre. A Marseille, toutes proportions gardées, on a eu le crash de la Yéménia, 153 morts, une rescapée. J'ai perdu beaucoup d'amis dans cette catastrophe aérienne. C'était terrible.
Comment votre père voyait votre passion pour la musique ?
Au début, il n'y était pas très favorable, mais aujourd'hui, il est heureux. Mes parents avaient une obsession, c'est que j'obtienne le bac. C'était encore plus important que la religion. L'année où j'ai raté mon bac, j'ai vu mon père pleurer, ce n'était jamais arrivé. Il m'a raconté sa vie, tous les sacrifices qu'il avait fait pour que je puisse faire des études et là, je me suis senti très mal. Alors je l'ai eu, le Bac et j'ai enfin pu sortir sans me cacher. Mon père, il m'a souvent fait changer. Je me souviens, une fois dans la voiture, il entend une de mes chansons et me dit "alors comme ça mon fils, tu te prends pour un bandit !". Je me suis dit qu'il avait raison et désormais, je fais très attention à ce que j'écris.
Et votre mère, elle arrivait à vous suivre ?
Ah ma mère... Dans le livre, je raconte une anecdote qui me fait rire encore. Quand je me suis retrouvé en 4e technologie, je n'étais pas très fier, c'était vraiment là où l'on mettait les élèves en difficulté. Comme je n'osais pas lui dire la vérité, je lui ai expliqué que j'allais apprendre à construire des avions. Elle était super fière et a raconté ça à toutes ses copines. Je profitais un peu du fait qu'elle ne maîtrisait pas très bien le Français.
A l'âge de 12 ans, vous découvrez Mkazi, le village natal de vos parents et puis beaucoup plus tard vous y revenez en 2008 pour le Grand mariage de Sakina, votre sœur. Mais là, vous êtes connu, comment ça s'est passé ?
Réponse à voir ici dans la vidéo :
Interview de Soprano
Mayotte est devenu département français en avril 2011, vous n'en parlez absolument pas dans votre livre. Qu'est-ce que vous en pensez ?Pour moi, les Mahorais, ce sont mes frères. L'histoire a fait que les trois autres îles des Comores ont choisi l'indépendance. Mayotte est restée française. Ces temps-ci, la situation est devenue très compliquée, mais ce que je peux vous dire encore une fois, c'est que les Mahorais sont mes frères.
Vous avez donné des concerts un peu partout dans le monde et notamment dans l'Outre-mer français. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Je garde un très bon souvenir de Nouméa en Nouvelle-Calédonie. J'ai été surpris car c'est très loin et pourtant, ils connaissaient tout par cœur. On a été dans un foyer où des jeunes reprenaient mes chansons. Aux Antilles, j'y suis allé souvent. La Martinique, c'est magnifique. En Guadeloupe, je me souviens qu'on nous avait prêté un îlet toute la journée, c'était magique. Et puis à La Réunion, c'est un peu comme chez moi ! Je n'ai pas encore chanté en Guyane ni en Polynésie, mais ils m'ont invité là-bas.
Soprano-Hiro
Soprano, Mélancolique anonyme
Editions Don Quichotte310 pages
Prix : 18,50 euros