Tariq Abdul-Wahad : "Le système français a un vrai problème avec son passé colonial"

Tariq Abdul-Wahad présente sa pierre intelligente iHajar
Le basketteur guyanais était le premier Français à évoluer en NBA. Devenu entrepreneur aux Etats-Unis, il présente sa création : un assistant personnel à la prière. Il dresse également un constat assez désabusé sur son pays d'origine, qu'il aimerait parfois voir s'inspirer du modèle américain. 
Il a été le premier Français à intégrer la NBA. En 1997, Tariq Abdul-Wahad est drafté par les Kings de Sacramento. Ensuite, l’ailier originaire de Guyane passera par les clubs d’Orlando, Denver et Dallas.
 
Aujourd’hui marié et père de famille, celui qui est né Olivier Saint-Jean et s’est converti depuis près de 20 ans à l’islam  vit toujours aux Etats-Unis.
Le patriotisme et la Marseillaise, la perception de l’immigration et de  l’islam… même s’il ne revient pas souvent en France, le basketteur devenu entrepreneur conserve un regard sur l’actualité nationale. Interview.
 
 
La1ere.fr : En cette période de Coupe du monde, le parcours des Bleus est évidemment au centre de toutes les attentions. Vous qui vivez aux Etats-Unis, pays ou le patriotisme est très marqué, que pensez vous des critiques sur les joueurs qui ne chantent pas la Marseillaise ?
 
Tariq Abdul-Wahad : Je vais vous raconter une anecdote. J’ai pris la nationalité américaine. Je suis donc bi-national. Lorsque je suis arrivé à la cérémonie le jour J, nous étions environ 150. Une première personne est entrée dans la salle, et nous a expliqué ce qui allait se passer. Elle l’a fait en vietnamien. Ensuite une deuxième personne a traduit en espagnol. Et enfin une troisième personne nous a parlé en anglais.  Car là où je vis, à San José (Californie, ndlr), il y a une forte population hispanique et vietnamienne.
Tout ça pour dire que c’est facile d’être patriote aux Etats-Unis : ce pays nous accepte dès le début tel que nous sommes, et quelles que soient nos origines.
 
Vous imaginez en France, une cérémonie qui se déroulerait en bambara ou en wolof ? Le système français a un vrai problème avec son immigration et son passé colonial. Et il faut accepter que certains Français, footballeurs ou non, soient binationaux. Et si Karim Benzema, ou un autre, refuse de chanter la Marseillaise, c’est son problème... et c’est son droit.

Tariq Abdul Wahad


 
En cette période de ramadan, vous venez de sortir une pierre intelligente, qui se présente comme une aide à la prière pour les musulmans, un assistant personnel électronique en fait…
C’est ça. C’est une pierre qui fonctionne sans wifi, sans réseau, et qui permet de trouver la direction de la Mecque, et vous informe des heures de la prière. Elle peut aussi chanter l’appel à la prière.
C’est un projet élaboré depuis deux ans et demi avec des ingénieurs. La pierre est entièrement "Made in France", avec des partenaires du Nord de la France et de Belgique. Et cet objet a permis de rapprocher des musulmans et d’autres confessions qui ont toutes œuvrées ensemble à sa conception.
 
Vous pensez toujours qu’il est plus facile d’être musulman aux Etats-Unis qu’en France ?
C’est un pays qui a une politique extérieure qui peut paraître fondamentalement anti-musulmane. Mais ce pays est basé sur la liberté de religion, et ici, personne ne porte atteinte à quelque religion que ce soit.

Tariq Abdul Wahad islam USA



Vous gardez un lien avec la Guyane ?
Je suis né dans l’Hexagone, mes parents sont repartis vivre là-bas. Cela fait très longtemps que je n’y suis pas retourné, depuis la Californie, ce n’est pas évident. Il faut soit passer par Miami et les Antilles, soit voyager via Paris. Mais je garde le lien, je suis en contact avec ma famille.
Et ça passe par plein de petites choses : là par exemple, je vais rompre le jeûne avec des haricots rouges…
 
Damien Inglis qui vient d’être drafté par les Milwaukee Bucks est le 4e basketteur guyanais à rejoindre la NBA… Vous gardez un œil sur la relève ?  
C’est un joueur plein de talent, extrêmement athlétique. Il a une très belle marge de progression. (…) On est fier de voir ces jeunes Guyanais qui réussissent à faire des choses extraordinaires. C’est plutôt sympa… 

Tariq Abdul Wahad damine inglis