Cérémonie de restitution du crâne du chef Ataï : entre mémoire et politique

28 août 2014, le grand chef Bergé Kawa, descendant d'Ataï, pose devant l'orme blanc planté au Jardin des plantes à Paris.
Le crâne d’Ataï a été remis jeudi à ses descendants par la ministre des Outre-mer, un geste à forte portée politique. Ce chef kanak a été tué en Nouvelle-Calédonie pendant la révolte de 1878 contre les colons français. Ses reliques étaient conservées à Paris depuis 136 ans.
Deux petits cercueils en bois, voilà dans quoi reposent désormais les crânes d’Ataï et de son sorcier, ces figures kanak tuées lors de la révolte de 1878 contre les colons français en Nouvelle-Calédonie. Dans le grand amphithéâtre du Muséum national d’histoire naturelle jeudi matin, la ministre des Outre-mer a remis leurs reliques à leurs descendants et à des membres du Sénat coutumier. Cela faisait 136 ans qu’elles étaient conservées à Paris.

"La réconciliation est un acte difficile, parfois douloureux", a déclaré George Pau-Langevin, suite à l’intervention percutante du chef Kawa Bergé, petit neveu d’Ataï et chef de la tribu de Petit-Couli en Nouvelle-Calédonie. "Nous allons engager une période de dialogue pour faire en sorte de nous entendre", a ajouté la ministre, qui doit se rendre sur le Caillou en novembre prochain avec François Hollande. 

28 août 2014 à Paris : ces deux petits cercueils abritent le crâne d'Ataï et celui de son sorcier, décapités le 1er septembre 1878.


Un long réquisitoire

Bergé Kawa a profité de son passage à la tribune pour prononcer un discours fleuve, assez incisif. "Ces reliques nous renvoient à une réalité historique et coloniale, cruelle et barbare : deux peuples qui n’ont cessé de s’affronter, a-t-il asséné d’une voix sourde. Aujourd’hui encore, le peuple kanak est désabusé, sinistré dans son propre pays." 
 
Après avoir évoqué l’importance d’Ataï, qu’il n’a pas hésité à comparer à de Gaulle ou Vercingétorix, Kawa Bergé s’est lancé dans un long réquisitoire (plus de trois quarts d'heure), interpellant George Pau-Langevin sur l’échec scolaire des jeunes kanak ou la pollution due aux accidents industriels. Puis direction le Jardin des Plantes où un "orme de la paix" a été planté, non loin de la serre de Nouvelle-Calédonie.

La plaque qui accompagne l'orme blanc planté le 28 août 2014 par Bergé Kawa, George Pau-Langevin et Thomas Grenon, directeur du Muséum national d'histoire naturelle.


A quand un mausolée ?

L’histoire des reliques d’Ataï et de son sorcier est loin d’être terminée. Les crânes doivent désormais être acheminés en Nouvelle-Calédonie (arrivée prévue le 2 septembre), où la légitimité de Bergé Kawa est contestée par certains clans. Sans compter que le chef Ataï a lui-même été assassiné par des auxiliaires kanak, proches du pouvoir colonial. 
 
Reste également à trouver un lieu pour ériger un mausolée. "La terre d’Ataï est aujourd’hui occupée par un colon, explique l’historien calédonien Jerry Delathière, invité à Paris pour la cérémonie. Tant que cette terre ne sera pas restituée, il n’y aura pas de monument funéraire." 

Ecoutez ci-dessous Jerry Delathière, au micro de Caroline Marie pour Radio Outre-mer 1ère :

L'historien Jerry Delathière revient sur le problème de l'emplacement du futur mausolée d'Ataï.


En attendant, les deux reliquaires seront entreposés à Petit-Couli à Sarraméa, dans le clan de Bergé Kawa. La levée de deuil est prévue le 1er septembre 2015, jour anniversaire de la mort d’Ataï. Ses descendants espèrent résoudre ce différend foncier avant cette date symbolique.

 

Ataï, les têtes maories et la Vénus Hottentote
La restitution des crânes d’Ataï et de son sorcier n’est pas sans rappeler l’affaire des têtes maories, remises à la Nouvelle Zélande en 2012. Dix ans auparavant, c’est la Vénus Hottentote qui était rendue à l’Afrique du Sud par le Muséum national d’histoire naturelle.