La drépanocytose, marqueur erroné de l'immigration

Pour de nombreux sites d'extrême-droite, la hausse du taux de dépistage de la drépanocytose, qualifiée parfois de "maladie de noirs", serait révélatrice de la montée de l'immigration en France. Ce dépistage est pourtant systématique chez les bébés des Dom, quelle que soit leur couleur de peau. 
La France bientôt victime du "grand remplacement"? Cette théorie, prisée par l'extrême-droite, tend à démonter que les populations d'origine étrangères s'implantent en France au détriment de la population dite "de souche",  c'est-à-dire n'étant pas issue de l'immigration récente.
 
 

Une théorie véhiculée par l'extrême-droite et Eric Zemmour

Cette théorie raciste est  mise à mal par de nombreux contradicteurs, dont Jean Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales à l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). " En terme de flux récents d’immigration, avec moins de 245 000 entrées permanentes par an (dont 95 000 Européens), le nombre d’immigrés qui s’installent durablement en France est bas et il représente moins de 0,4% de la population totale", expliquait-il en juin au site Rue 89.
 
Pourtant entre l'éditorialiste Eric Zemmour (à 10'56 sur la vidéo)  et les nombreux sites, forums ou commentaires pêchés sur Internet, cette idée continue de progresser. Depuis plusieurs mois, ses partisans s'appuient sur les chiffres de la drépanocytose pour l'appuyer.
 
 

Des populations dites "à risques"

Pour tenter d'étayer leur démonstration, ils partent d'un constat simple: il n'existe pas de statistiques ethniques en France. En revanche il existe le dépistage néo-natal de la drépanocytose. Cette maladie génétique est grave, rare et peu connue. Ses symptômes sont variés, allant de douleurs aiguës, notamment abdominales, à une extrême sensibilité aux bactéries. Les enfants malades sont particulièrement sensibles aux pneumopathies, méningites ou septicémies…
 
La maladie, qui peut concerner tout le monde,  touche principalement les originaires des Départements d'Outre-mer, d'Afrique, d'Amérique du sud, et des pays méditerranéens. Les Afro-américains sont également considérés comme une population à risque.
 
En France, pour l'instant, le dépistage de la maladie n'est pas systématique. Seuls les nouveaux nés issus d'union de personnes originaires de ces régions dites à risques sont dépistés. Et c'est donc en partie  sur les chiffres du dépistage que s'appuient les théoriciens  du "grand remplacement".
 

Dépistage systématique chez les domiens

D'après l'Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps chez l'enfant (AFDPHE), 309 857 nouveau-nés ont été dépistés en 2012, dont près de 38 000 dans les départements et collectivités d'Outre-mer. Dans les départements d'Outre-mer, le dépistage est systématique, quelle que soit l'origine géographique des parents du bébé. A Saint-Pierre et Miquelon en revanche, aucun enfant n'a été dépisté, et dans le Pacifique, le taux est infime (0,47%).
 
En revanche, en  2006, 27% des nouveau-nés nés dans l'Hexagone étaient dépistés contre 33% en 2012.  Des chiffres qui suffisent à alimenter les plus grands fantasmes. Le 13 décembre 2012, sous le titre "une étude indique l'ampleur du remplacement de population à l'œuvre en France", un site classé à l'extrême-droite s'appuie sur ces chiffres du ministère de la Santé, carte à l'appui.
A aucun moment n'est prise en  compte dans leur article  la présence de plusieurs centaines de milliers d'ultramarins dans l'Hexagone, ni des Français d'origine étrangère, parfois sur depuis plusieurs générations, mais également ciblés par le dispositif de dépistage.
 
 

Une enquête du Monde met le feu aux poudres

Le site du Monde.fr les décodeurs, a été le premier à enquêter puis à réfuter, chiffres à l'appui, tout lien possible entre le dépistage de la drépanocytose et immigration. Depuis,  c'est un autre site d'extrême-droite qui a  tenu à riposter, assurant notamment, à tort,  que la drépanocytose frappait "toutes les populations à peaux noires ou foncées", (alors même que le dépistage n'a pas lieu chez les originaires des territoires du Pacifique).Une fois encore, le succès est immédiat sur les réseaux sociaux. 

 

 
L'article du site extrémiste reconnaît  par ailleurs que le dépistage de la drépanocytose permet  uniquement d'avoir une idée du nombre de naissance d'enfants, Français ou non,  descendants, sur une ou plusieurs générations, de populations originaires d'Europe du Sud, d'Outre-mer, d'Afrique ou d'Asie... Mais n'est en aucun cas un indicateur, pas même approximatif,  de l'immigration en France.