L'hebdomadaire Minute sera jugé ce mercredi pour avoir comparé Christiane Taubira à un singe

Sa Une avait suscité une vague d'indignation: l'hebdomadaire d'extrême droite Minute doit répondre ce mercredi du délit d'injure raciale devant la justice pour avoir comparé la ministre de la Justice Christiane Taubira à un singe.
 
Le scandale avait éclaté le 13 novembre 2013, alors que Christiane Taubira avait été la cible peu de temps auparavant d'injures racistes.  En couverture de son édition, ce jour là, Minute affichait une photo de la garde des Sceaux avec comme légende : "Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane". 
 
Le soir même au 20 heures de France 2, la ministre avait dénoncé des propos "d'une extrême violence", qui "dénient mon appartenance à l'espèce humaine". "J'encaisse le choc mais c'est violent pour mes enfants, pour mes proches et pour tous ceux qui ont une différence", avait-elle ajouté.
 
 

Multiples réactions de soutien

Au Parlement, à la sortie du Conseil des ministres, sur Twitter ou dans les médias, responsables politiques de tous bords, militants antiracistes et anonymes lui ont apporté leur soutien. Le journal a aussi essuyé les foudres de toute la classe politique, du PCF qui condamne une couverture "raciste, minable et stupide" au Front national qui la juge "inadmissible et extrêmement choquante".
 
 

Le Premier ministre avait alerté le parquet

Fidèle à sa ligne de conduite consistant à ne pas engager des poursuites contre les attaques racistes à son encontre, Christiane Taubira n'avait pas déposé plainte. Mais après signalement du Premier ministre de l'époque Jean-Marc Ayrault au procureur de Paris, le parquet avait ouvert une enquête et poursuit le directeur de la publication de Minute devant la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris.

"Une parution comme celle-là, ce n'est pas de l'information, c'est une infraction qui appelle une sanction", avait déclaré le locataire de Matignon.


"Jeu de mots horrible"

"Nous ne sommes pas du tout racistes", s'était défendu Jean-Marie Molitor, le directeur de la publication de Minute,  reconnaissant un "jeu de mots horrible", "du mauvais goût à l'état pur". "C'est de la satire mais ce n'est pas un délit", avait-il estimé.
L'avocat de Minute, Frédéric Pichon invoque une volonté du journal de traiter par l'"outrance", la "provocation, une situation qui est grotesque" selon lui.
 

 

Peu de temps avant, Christiane Taubira avait été visée par des injures lors d'une manifestation d'opposants au mariage homosexuel à Angers. "Les paroles d'une gamine de dix ans deviennent une affaire d'Etat, c'est quand-même délirant", estime Me Pichon, qui voit chez la garde des Sceaux "une volonté de victimisation" pour "attirer la compassion et détourner l'attention des Français par rapport aux vrais problèmes".


Un dessin passé inaperçu 

 
Le tribunal se penchera également sur un dessin, passé relativement inaperçu, paru dans Minute fin octobre 2013. Il représentait un singe, versant une larme, dont l'avocat déclarait: "mon client porte plainte pour avoir été odieusement caricaturé en Taubira". Le dessinateur et le directeur de la publication sont poursuivis, également pour injure publique à caractère racial, délit puni d'une peine maximale de six mois de prison et 22.500 euros d'amende.
 
 

La candidate FN et le post Facebook

Mi-octobre 2013, Anne-Sophie Leclère, ex-tête de liste FN aux municipales à Rethel (Ardennes), avait elle aussi comparé Christiane Taubira à un primate. Elle a été  condamnée le 15 juillet par le tribunal correctionnel de Cayenne (Guyane) à neuf mois de prison ferme, 5 ans d'inéligibilité et 50.000 euros d'amende et a fait appel.

Dans un reportage diffusé sur France 2, Anne-Sophie Leclère, assumait sans difficulté le photomontage publié sur sa page Facebook comparant un petit singe (avec la mention "à 18 mois") à la garde des Sceaux ("maintenant"). Niant tout "racisme", cette commerçante expliquait néanmoins préférer voir Christiane Taubira "dans un arbre après les branches que comme ça, au gouvernement". Elle avait été exclue du FN à trois mois des municipales.
Au terme d'une enquête préliminaire, le parquet de Paris avait renvoyé Anne-Sophie  Leclère en correctionnelle pour injure raciale. Ce dossier doit également être appelé à l'audience de mercredi, mais ne devrait pas être jugé, en vertu du principe selon lequel on ne peut en effet être jugé deux fois pour les mêmes faits.