Rames Guyane 2014 : à J+18, on est entré dans le dur !

Le skipper Olivier Bernard (Team Guyane) sur son bateau Ninay 973.
Après de nombreuses journées passées au mouillage ou à ramer en dérivant au sud des côtes sénégalaises, la flottille est cette fois bien en route. Après 18 jours de course, le moral des skippers oscille entre enthousiasme et déceptions. Témoignages. 
Déjà dix-huit jours de course en solitaire et sans assistance, au ras de l’eau dans une petite embarcation de 8m de long, en plein milieu de l’Atlantique. A la rame. Réverbération intense, chaleur, fortes vagues, roulis, solitude, fatigue, blessures. Les 17 skippers restants (Pascal Tesniere a abandonné après 10 jours) ont déjà perdu pas mal de poids (10 kilos pour le Guyanais Patrice Maciel) et, pour les hommes, les barbes ornent des visages émaciés.
 
Mais cette fois c’est parti. Les vents et les courants défavorables s’étant (relativement) assagis, les concurrents peuvent dorénavant avancer vers la Guyane et leur point d’arrivée les Iles du Salut, les bien nommées ! Mais attention cependant, car les conditions météo sont instables et entraînent encore souvent les rameurs à dériver vers le sud. Quant à ceux qui sont proche de la route idéale, dite « route orthodromique », c’est au prix d’efforts physiques parfois intenses contre les vents parfois contraires. Gare alors à l’épuisement.
 
A J+18, le trio de tête est composé de Jean-Pierre Lasalarié (Team Guyane, 2e participation), Didier Torre et l’Espagnol Antonio de la Rosa. Mais encore faudra-t-il que ces deux derniers remontent plus vers le nord pour rejoindre la Guyane, au risque de se retrouver sur les côtes brésiliennes. Suivent Laurent Etheimer et le Guyanais Harry Culas. Concrètement, sur les 2600 milles nautiques à parcourir, il en reste un peu plus de 1800 à faire au premier pour parvenir à destination.
 

Paroles de rameurs (avec ramesguyane.com)

Catherine Barroy : « Je rame beaucoup, je mange peu mais bien, je soigne mon bronzage, je dors souvent, j'écoute les conseils de mon routeur, enfin, quand il m'en donne, je décoince ma dérive quand elle est bloquée, je m'énerve contre ce foutu téléphone Iridium qui ne veut pas communiquer, même en SMS, j'essaie de faire de l'eau douce en chassant les bulles d'air, je remets les durites avec des colliers inox, je transpire énormément mais j'entretiens mon corps à grand coups de lingettes, je baille de fatigue devant les oiseaux du large, je m'esquinte les yeux en cherchant les dorades, je n'essaie pas de pêcher car ce n'est pas encore le moment, je rame, je rame, encore et encore... mais je descends toujours plus au sud et ça commence à me saper le moral. Il va falloir que je saute à la mer pour nettoyer ma carène car, si ça se trouve, ce sont les berniques qui freines mon bateau et le poussent à la dérive toujours plus au sud. Allez, courage ma fille, va falloir te mettre à l'eau ! » (Le 03/11/2014)
 
Ecoutez le Guyanais Harry Culas, joint il y a quelques jours par le PC course 

Rémy Landier : « Hier, super journée aux avirons avec une mer apaisée et des surfs à plus de 4 noeuds. La certitude d'être enfin sorti des vents contraires me donne une patate d'enfer. Mais, ce matin, les vagues viennent à nouveau de partout, c'est quasiment "inramable" et je perds le moral. Dans ces moments de déprime, je pense à l'Association La vie devant soi pour laquelle je rame. Il s'agit d'une Association qui rassemble des parents et des enfants atteints de leucémie, enfants que je suis depuis très longtemps et que je fais naviguer à la belle saison sur les plans d'eau de ma Ville d'Apte. Quand je n'ai plus le moral, donc, je me dis que les difficultés de ma traversée ne sont pas grand chose à côté de celles de mes petits protégés qui, eux, doivent lutter sans relâche pour traverser la maladie et arriver jusqu'à la guérison. » (Le 03/11/2014)

Olivier Bernard (Team Guyane) : « Hier matin, Je m'installe aux avirons l'esprit chafouin car ça n'avance pas. Impossible de coordonner mes avirons et je fais du sur place. Pas la peine d'insister. Je range mes avirons et rentre à l'intérieur. En sortant prendre l'air, je vois une énorme masse sombre le long du bateau : un requin baleine !! Comme ce n'est pas dangereux, je saute à la mer avec palmes, masque, tuba... et caméra vidéo. Incroyable !! Plus d'une heure de récréation avec cet énorme animal qui semble prendre autant de plaisir que moi à batifoler. Je l'attrape par une nageoire, lui tape sur le flanc et il se dégage en me bousculant délicatement du museau. J'en oublie presque de filmer. A un moment, il se frotte sur ma dérive pour décrocher une raie ventouse qui le gêne. Je la remonte en vitesse avant qu'il ne la casse. Encore un peu de chahut et il reprend sa route. Fantastique !! Si c'est comme ça tous les dimanches, vivement la semaine prochaine ! » (Le 03/11/2014)

Ecoutez Olivier Bernard 

Salomé Castillo (Team Guyane) : « Tout le monde me demande si je parviens à remonter du poisson. D'abord, et à ma grande surprise, je ne vois rien de vivant autour de mon bateau et j'ai la curieuse impression de naviguer sur un océan vide, même quand je me mets à l'eau pour nettoyer ma carène. Et puis, rien que l'idée de tuer un poisson après l'avoir sorti de l'eau m'est difficilement supportable. Mettre une ligne à l'eau puis user de toutes les ruses pour attraper un poisson, pourquoi pas, ça peut être intéressant techniquement, voire même amusant. Mais faire mourir le poisson dans d'horribles soubresauts au fond du cockpit : burk, pas possible ! En plus, ça doit laisser des écailles gluantes plein le pont. Dégoûtant ! Franchement, à la corrida, j'aurais sûrement fait une très mauvaise matador ! » (Le 02/11/2014)
 
Philippe Malapert : « En ce moment, la mer est cassante et elle vient de partout, surtout du nord ouest ce qui est usant. Forcément, je dérive méchamment vers le sud et mon routeur (Patrick Favre, Rames Guyane 2006 et 2009) n'est pas du tout content de moi. Il me supplie de gagner plus vers l'ouest mais ce n'est pas si simple. Pour lui faire plaisir, et peut-être pour ne pas me faire engueuler, j'ai redoublé d'efforts... et me suis détruit le poignet. Sur le coup, j'étais catastrophé car c'est quand même en partie avec les poignets que l'on fait avancer le bateau. J'ai donc bricolé un pansement serré avec de la pommade mais, dès la première vague, le bandage était tout trempé et ne servait plus à rien. Depuis, je rame peu, je tombe dans le sud... et mon routeur est  mécontent !! » (Le 02/11/2014)