L'ex-otage, Francis Collomp, un an après son évasion : "Je ne suis pas complètement libre"

Ex-otage au Nigéria, Francis Collomp raconte sa nouvelle vie depuis son évasion il y a un an.
Il y a un an jour pour jour, Francis Collomp s’évade après avoir passé onze mois au Nigéria, aux mains des islamistes d’Ansaru. Depuis, l’ex-otage a retrouvé ses proches à La Réunion, et travaille désormais à Paris. Il nous raconte comment il a repris le cours de sa vie.
La1ere.fr : Qu’est-ce que vous retenez de cette année de liberté retrouvée ?
Francis Collomp : Pour l’instant, ce sont surtout les ennuis de santé. A mon retour en France, mes pieds étaient rouges et gonflés, j’avais développé une maladie dermatologique qu’il a fallu traiter. Et puis il y a trois mois, mon médecin à La Réunion a détecté des anomalies dans mes bilans sanguins, on a d’abord pensé au pire, une hémochromatose. On me parlait de six mois à vivre, j’ai pris un sacré coup sur la tête, j’en oubliais presque ce qui m’était arrivé. Comment accepter que j’avais échappé à Ansaru pour mourir d’une maladie du foie ? Finalement, des résultats approfondis m’ont rassuré, c’était bien moins grave. Avec une hygiène de vie rigoureuse et des traitements, mon foie peut tenir. En onze mois de détention, je n’ai eu que des pâtes et du riz à manger, j’ai perdu 38 kg, j’en ai repris vingt à mon retour en France, mon organisme a été malmené par ces variations de poids.
 
A son retour en France en novembre 2013, Francis Collomp a perdu 38 kilos.

 
Vous aviez été pris en otage au Nigéria en décembre 2012, alors que vous travailliez sur un chantier d’éoliennes. Est-ce que vous avez repris votre travail d’ingénieur ?
Pour tenir le coup en captivité, l'ingénieur Francis Collomp a élaboré des concepts de voitures électriques plus performantes.
J’ai repris mon travail, oui, mais de manière différente, je ne peux plus aller sur le terrain. Je travaille toujours sur les projets éoliens de la société Vergnet. J’aide à distance mes gars au Nigéria pour qu’ils terminent notre champ d’éoliennes, là où je me suis fait enlever. Je travaille aussi sur des projets éoliens à La Réunion, et je dois partir en Guadeloupe former des personnes pour manipuler les éoliennes. Je travaille 12 à 15 heures par jours, parfois tard le soir. C’est important pour moi de travailler et de cogiter, pour ne pas rester bloqué sur ce que j’ai vécu là-bas. Je cherche également à développer un système pour augmenter l’autonomie des voitures électriques, j’ai élaboré un concept durant ma captivité. J’ai tout rédigé sur un carnet que j’ai pris avec moi lors de mon évasion. J’essaye de développer cette idée.
 

Le jour de son évasion, Francis Collomp a pris avec lui son carnet de notes rédigées dans sa cellule durant ses onze mois de captivité.

 
 
Vous aviez une vie de baroudeur avant votre enlèvement, est-ce que les voyages vous manquent ?
Ah oui beaucoup ! Je ne suis plus complètement libre, je ne peux pas aller partout. En Afrique par exemple, c’est impossible. J’avais trouvé un contrat en Algérie, mais hors de question pour moi d’aller là-bas. Alors oui, c’est frustrant. J’ai visité 26 pays dans ma vie, mais je compte quand même continuer et peut-être aller davantage vers l’Asie maintenant. De toute façon, je n’ai pas l’intention de m’arrêter de travailler, je ne veux pas de la retraite, je veux continuer jusqu’à au moins 75 ans si j’en ai la santé.
 
Depuis qu'il a retrouvé la liberté, Francis Collomp travaille 12 à 15 heures par jour.

 
Qu’est-ce qui a changé dans votre vie depuis que vous avez retrouvé votre liberté ?
Je me prends moins la tête, je relativise davantage les problèmes qui me paraissent souvent futiles. J’analyse aussi davantage les situations. Et surtout, j’apprends à me faire plaisir. Je me suis payé un moulinet pour faire de la pêche au gros à La Réunion et puis un bel appareil photo aussi. Ce sont des petits plaisirs que je ne me serais jamais accordé avant. Parfois, je prends aussi le temps d’aller à une expo de peintures, avant je ne profitais pas de la vie de cette manière.
Francis Collomp s'est offert...un moulinet après son retour à La Réunion pour se "faire plaisir"

 
Vous écrivez un livre sur votre prise d’otage, la captivité et votre évasion. Pourquoi est-il important pour vous de raconter cette histoire ?
J’avais surtout envie d’écrire pour témoigner. C’est important de raconter comment tenir le coup en captivité. Les gens s’apercevront que je me suis occupé dans ma cellule, que j’ai essayé de ne pas penser que la mort était tous les jours très proche. Je me suis toujours battu. Si on peut transmettre ça pour les gens qui vont dans des pays dangereux et qui sont se font prendre, eh bien tant mieux.
Les prises d’otage ne s’arrêteront pas, au contraire. Les occidentaux sont devenus des cibles dans de nombreux pays. Si mon récit – un jour – peut permettre à quelques personnes de survivre enfermées entre quatre murs, alors je serai heureux.
Je veux aussi expliquer à qui on a affaire pour qu’on lutte contre ces gens-là. Parce que ce n’est pas normal que - même en France ! - ces islamistes envoient des gamines au djihad, pas normal qu’ils continuent à couper des têtes. Tout ça est illogique, amoral, il faut lutter contre ça. 

Ecoutez ci-dessous l'interview intégrale de Francis Collomp.