Raphaël Billé, chercheur associé à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) installé en Nouvelle-Calédonie signe avec trois autres chercheurs un livre très alarmant pour la biodiversité. Selon ses auteurs, nous sommes en phase d’extinction.
Depuis la disparition des dinosaures, il y a 65 millions d’années, on n’avait pas imaginé qu’une nouvelle extinction pouvait se produire juste sous nos yeux. C’est pourtant ce terrible constat que dressent quatre chercheurs. Parmi eux, Raphaël Billé installé à Nouméa a accepté de répondre aux questions de La1ère.
La1ère.fr : est-ce que vous pourriez nous expliquer ce titre : « Biodiversité : vers une sixième extinction de masse » ?
Raphaël Billé : On est rentré dans une phase d’extinction de masse de la biodiversité. C’est la 6e à laquelle on assiste. Il y a eu 5 extinctions de masse (la cinquième étant celle des dinosaures il y a 65 millions d’années). La nouveauté, c’est qu’il s’agit d’une extinction extrêmement rapide et qu’elle est provoquée par une seule espèce : l’homme. Donc on est dans une situation très préoccupante.
Qu’est-ce que vous voulez dire par « rapide » ?
Aujourd’hui, on parle de quelques siècles alors que lors des précédentes extinctions cela s’étalait sur des centaines de milliers ou des millions d’années.
Vous citez des exemples concrets dans ce livre. Il ne s’agit pas encore d’extinction, mais de mise à mal de la biodiversité, notamment le cas de la morue qui a touché particulièrement l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ?
C’est un cas très emblématique dans le monde la biodiversité marine. C’était une activité importante pour les pêcheurs. Le stock de morue était tellement important qu’on ne pensait pas qu’il pouvait s’effondrer. Les scientifiques avaient tiré la sonnette d’alarme dès les années 50. Mais il a fallu qu’on atteigne 1% du stock d’origine pour qu’un moratoire soit décidé sur la pêche à la morue de l’Atlantique Nord-Ouest. Ce que l’on observe depuis, c’est que le stock ne se reconstitue pas donc la pêche ne peut pas reprendre alors qu’au moment où l’on a instauré le moratoire on se disait : « on attend quelques années, les poissons vont se reproduire et, les stocks vont remonter ». Il semble que l’on soit allé trop loin dans l’épuisement des stocks de morue. On voit bien qu’il y a des mécanismes de seuil, des points de basculement qui font que tout n’est pas réversible.
Autre exemple très concret, le poisson-lion, une espèce envahissante qui a déferlé aux Antilles ?
Ce poisson n’était pas présent dans les Caraïbes alors qu’on le trouve fréquemment dans l’Océan indien où il ne pose pas problème. Il a été introduit à partir d’un aquarium de Floride. L’écosystème n’étant pas prêt à le recevoir, il envahit les mers, c’est un prédateur redoutable et il est un peu dangereux pour l’homme (c’est une rascasse aux nageoires venimeuses). Comment faire maintenant pour aller pêcher tous les poissons lions dans la Caraïbes ? C’est matériellement impossible. C’est vraiment ironique que les poissons que l’on voudrait protéger, on les surexploite systématiquement, ceux que l’on voudrait surexploiter on n’y arrive pas. Là, il faut mettre des incitations, apprendre à cuisiner le poisson-lion. Ca commence déjà. Il faut juste savoir enlever la partie venimeuse. Donc là, allons-y mangeons du poisson-lion !
En Nouvelle-Calédonie, il y a un exemple d’espèce envahissante qui génère des dégâts : le cerf...
Il y a quelques couples de cerfs qui ont été introduits au 19e siècle en Nouvelle-Calédonie. Ils sont aujourd’hui plusieurs centaines de milliers. C’est une espèce à priori sympathique. La viande de cerf est apprécié localement. Pour peu qu’on chasse un petit peu... Mais en même temps, les cerfs ont des impacts très négatifs sur les forêts de Nouvelle-Calédonie. Ils provoquent l’érosion des sols. Or ces terres partent dans les rivières et finissent dans le lagon, sur les récifs coralliens. On voit bien que le cerf est un problème pour les récifs coralliens même si évidemment le cerf n’est pas lui-même sur le récif ! C’est un exemple emblématique, car les espèces envahissantes ont parfois des effets très positifs pour les hommes, mais il faut savoir les réguler.
Dans votre livre, vous parlez aussi des forêts de manière assez pessimiste. La forêt amazonienne risque-t-elle de disparaître à la fin du siècle ?
C’est effectivement ce que pensent beaucoup de scientifiques aujourd’hui. Sur la forêt amazonienne, il y a deux phénomènes à l’œuvre : la destruction de la forêt et le changement climatique qui risque de menacer la forêt par un changement de régime de précipitations notamment. Donc oui, les forêts tropicales sont directement menacées au cours du siècle. Les taux de déforestation peuvent changer assez vite, mais malheureusement on n’a pas connu de renversement de tendance qui puisse nous laisser espérer un changement.
Est-ce que votre livre n’est pas un peu trop catastrophiste, voir décourageant ?
On ne peut qu’être partagé de ce point de vue là, mais il est de la responsabilité des gens qui ont un peu d’expertise en ce domaine de livrer un diagnostic le plus objectif possible. Je pense que la situation est indéniablement extrêmement grave, mais il faut aussi insister sur tout ce que l’on peut faire. La vie continue à proliférer partout sur la planète sous une variété fascinante. Il faut se concentrer sur ce que l’on peut faire avec la richesse qui nous reste. La palette d’instruments dont on dispose depuis les aires marines protégées, aux mesures de gestion de la pêche, à la lutte contre les pollutions, à la mise en place de stations d’épuration, est immense. Il faut surmonter les obstacles économiques, institutionnels. Mais on peut le faire. Il y a une échéance importante en 2015 avec la Conférence climat à Paris. Il faut maintenir cet objectif de limiter le réchauffement à 2° d’ici la fin du siècle. Les tendances sont négatives et on n’a pas commencé à les inverser. Notre responsabilité est donc de prendre les bonnes décisions dans les années qui viennent.
La1ère.fr : est-ce que vous pourriez nous expliquer ce titre : « Biodiversité : vers une sixième extinction de masse » ?
Raphaël Billé : On est rentré dans une phase d’extinction de masse de la biodiversité. C’est la 6e à laquelle on assiste. Il y a eu 5 extinctions de masse (la cinquième étant celle des dinosaures il y a 65 millions d’années). La nouveauté, c’est qu’il s’agit d’une extinction extrêmement rapide et qu’elle est provoquée par une seule espèce : l’homme. Donc on est dans une situation très préoccupante.
Qu’est-ce que vous voulez dire par « rapide » ?
Aujourd’hui, on parle de quelques siècles alors que lors des précédentes extinctions cela s’étalait sur des centaines de milliers ou des millions d’années.
Vous citez des exemples concrets dans ce livre. Il ne s’agit pas encore d’extinction, mais de mise à mal de la biodiversité, notamment le cas de la morue qui a touché particulièrement l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ?
C’est un cas très emblématique dans le monde la biodiversité marine. C’était une activité importante pour les pêcheurs. Le stock de morue était tellement important qu’on ne pensait pas qu’il pouvait s’effondrer. Les scientifiques avaient tiré la sonnette d’alarme dès les années 50. Mais il a fallu qu’on atteigne 1% du stock d’origine pour qu’un moratoire soit décidé sur la pêche à la morue de l’Atlantique Nord-Ouest. Ce que l’on observe depuis, c’est que le stock ne se reconstitue pas donc la pêche ne peut pas reprendre alors qu’au moment où l’on a instauré le moratoire on se disait : « on attend quelques années, les poissons vont se reproduire et, les stocks vont remonter ». Il semble que l’on soit allé trop loin dans l’épuisement des stocks de morue. On voit bien qu’il y a des mécanismes de seuil, des points de basculement qui font que tout n’est pas réversible.
Autre exemple très concret, le poisson-lion, une espèce envahissante qui a déferlé aux Antilles ?
Ce poisson n’était pas présent dans les Caraïbes alors qu’on le trouve fréquemment dans l’Océan indien où il ne pose pas problème. Il a été introduit à partir d’un aquarium de Floride. L’écosystème n’étant pas prêt à le recevoir, il envahit les mers, c’est un prédateur redoutable et il est un peu dangereux pour l’homme (c’est une rascasse aux nageoires venimeuses). Comment faire maintenant pour aller pêcher tous les poissons lions dans la Caraïbes ? C’est matériellement impossible. C’est vraiment ironique que les poissons que l’on voudrait protéger, on les surexploite systématiquement, ceux que l’on voudrait surexploiter on n’y arrive pas. Là, il faut mettre des incitations, apprendre à cuisiner le poisson-lion. Ca commence déjà. Il faut juste savoir enlever la partie venimeuse. Donc là, allons-y mangeons du poisson-lion !
En Nouvelle-Calédonie, il y a un exemple d’espèce envahissante qui génère des dégâts : le cerf...
Il y a quelques couples de cerfs qui ont été introduits au 19e siècle en Nouvelle-Calédonie. Ils sont aujourd’hui plusieurs centaines de milliers. C’est une espèce à priori sympathique. La viande de cerf est apprécié localement. Pour peu qu’on chasse un petit peu... Mais en même temps, les cerfs ont des impacts très négatifs sur les forêts de Nouvelle-Calédonie. Ils provoquent l’érosion des sols. Or ces terres partent dans les rivières et finissent dans le lagon, sur les récifs coralliens. On voit bien que le cerf est un problème pour les récifs coralliens même si évidemment le cerf n’est pas lui-même sur le récif ! C’est un exemple emblématique, car les espèces envahissantes ont parfois des effets très positifs pour les hommes, mais il faut savoir les réguler.
Dans votre livre, vous parlez aussi des forêts de manière assez pessimiste. La forêt amazonienne risque-t-elle de disparaître à la fin du siècle ?
C’est effectivement ce que pensent beaucoup de scientifiques aujourd’hui. Sur la forêt amazonienne, il y a deux phénomènes à l’œuvre : la destruction de la forêt et le changement climatique qui risque de menacer la forêt par un changement de régime de précipitations notamment. Donc oui, les forêts tropicales sont directement menacées au cours du siècle. Les taux de déforestation peuvent changer assez vite, mais malheureusement on n’a pas connu de renversement de tendance qui puisse nous laisser espérer un changement.
Est-ce que votre livre n’est pas un peu trop catastrophiste, voir décourageant ?
On ne peut qu’être partagé de ce point de vue là, mais il est de la responsabilité des gens qui ont un peu d’expertise en ce domaine de livrer un diagnostic le plus objectif possible. Je pense que la situation est indéniablement extrêmement grave, mais il faut aussi insister sur tout ce que l’on peut faire. La vie continue à proliférer partout sur la planète sous une variété fascinante. Il faut se concentrer sur ce que l’on peut faire avec la richesse qui nous reste. La palette d’instruments dont on dispose depuis les aires marines protégées, aux mesures de gestion de la pêche, à la lutte contre les pollutions, à la mise en place de stations d’épuration, est immense. Il faut surmonter les obstacles économiques, institutionnels. Mais on peut le faire. Il y a une échéance importante en 2015 avec la Conférence climat à Paris. Il faut maintenir cet objectif de limiter le réchauffement à 2° d’ici la fin du siècle. Les tendances sont négatives et on n’a pas commencé à les inverser. Notre responsabilité est donc de prendre les bonnes décisions dans les années qui viennent.