Raphaël Billé, chercheur associé à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) installé en Nouvelle-Calédonie signe avec trois autres chercheurs un livre très alarmant pour la biodiversité. Selon ses auteurs, nous sommes en phase d’extinction.
Cécile Baquey•
Depuis la disparition des dinosaures, il y a 65 millions d’années, on n’avait pas imaginé qu’une nouvelle extinction pouvait se produire juste sous nos yeux. C’est pourtant ce terrible constat que dressent quatre chercheurs. Parmi eux, Raphaël Billé installé à Nouméa a accepté de répondre aux questions de La1ère.
La1ère.fr : est-ce que vous pourriez nous expliquer ce titre : « Biodiversité : vers une sixième extinction de masse » ?
Raphaël Billé : On est rentré dans une phase d’extinction de masse de la biodiversité. C’est la 6e à laquelle on assiste. Il y a eu 5 extinctions de masse (la cinquième étant celle des dinosaures il y a 65 millions d’années). La nouveauté, c’est qu’il s’agit d’une extinction extrêmement rapide et qu’elle est provoquée par une seule espèce : l’homme. Donc on est dans une situation très préoccupante.
Qu’est-ce que vous voulez dire par « rapide » ?
Aujourd’hui, on parle de quelques siècles alors que lors des précédentes extinctions cela s’étalait sur des centaines de milliers ou des millions d’années.
Vous citez des exemples concrets dans ce livre. Il ne s’agit pas encore d’extinction, mais de mise à mal de la biodiversité, notamment le cas de la morue qui a touché particulièrement l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ?
Autre exemple très concret, le poisson-lion, une espèce envahissante qui a déferlé aux Antilles ?
Ce poisson n’était pas présent dans les Caraïbes alors qu’on le trouve fréquemment dans l’Océan indien où il ne pose pas problème. Il a été introduit à partir d’un aquarium de Floride. L’écosystème n’étant pas prêt à le recevoir, il envahit les mers, c’est un prédateur redoutable et il est un peu dangereux pour l’homme (c’est une rascasse aux nageoires venimeuses). Comment faire maintenant pour aller pêcher tous les poissons lions dans la Caraïbes ? C’est matériellement impossible. C’est vraiment ironique que les poissons que l’on voudrait protéger, on les surexploite systématiquement, ceux que l’on voudrait surexploiter on n’y arrive pas. Là, il faut mettre des incitations, apprendre à cuisiner le poisson-lion. Ca commence déjà. Il faut juste savoir enlever la partie venimeuse. Donc là, allons-y mangeons du poisson-lion !
Il y a quelques couples de cerfs qui ont été introduits au 19e siècle en Nouvelle-Calédonie. Ils sont aujourd’hui plusieurs centaines de milliers. C’est une espèce à priori sympathique. La viande de cerf est apprécié localement. Pour peu qu’on chasse un petit peu... Mais en même temps, les cerfs ont des impacts très négatifs sur les forêts de Nouvelle-Calédonie. Ils provoquent l’érosion des sols. Or ces terres partent dans les rivières et finissent dans le lagon, sur les récifs coralliens. On voit bien que le cerf est un problème pour les récifs coralliens même si évidemment le cerf n’est pas lui-même sur le récif ! C’est un exemple emblématique, car les espèces envahissantes ont parfois des effets très positifs pour les hommes, mais il faut savoir les réguler.
Cerf en Nouvelle-Calédonie Dans votre livre, vous parlez aussi des forêts de manière assez pessimiste. La forêt amazonienne risque-t-elle de disparaître à la fin du siècle ?
C’est effectivement ce que pensent beaucoup de scientifiques aujourd’hui. Sur la forêt amazonienne, il y a deux phénomènes à l’œuvre : la destruction de la forêt et le changement climatique qui risque de menacer la forêt par un changement de régime de précipitations notamment. Donc oui, les forêts tropicales sont directement menacées au cours du siècle. Les taux de déforestation peuvent changer assez vite, mais malheureusement on n’a pas connu de renversement de tendance qui puisse nous laisser espérer un changement.