Venus en métropole dans les années 1980 pour travailler, des Antillais sont aujourd’hui sans domicile fixe. Rencontrés à une distribution de repas des Restos du Cœur près de Paris, alors que la température avoisine zéro degré, ils témoignent.
Sa crème au chocolat, Soledad la mange lentement. Elle savoure chaque cuillère. Ses yeux sont rougis par la fatigue, son regard perdu dans le vide. "On n’est pas nous-même quand on est ici", lâche-t-elle dans un soupir. Assise à une table, recroquevillée, cette Martiniquaise de 53 ans est venue chercher de quoi se nourrir à une distribution de repas des Restos du Cœur, porte de la Villette, dans le nord de Paris.
Soledad, comme la surnomment les autres habitués du lieu, est emmitouflée dans plusieurs épaisseurs de vêtements. Sous son long manteau beige, sali par la rue, son sac à dos qu'elle ne quitte jamais. A l’intérieur, le peu d’affaires qui lui restent.
Née en Martinique en 1961, Soledad quitte son île, le bac en poche, à l’âge de 18 ans. "En arrivant en métropole, j’ai trouvé du boulot facilement, j’ai même été attachée de direction", se souvient dans un souffle de voix cette femme qui n'a plus rien. La tête rentrée dans le col de son manteau, Soledad est rongée par la honte. "Un jour, j’ai eu des problèmes avec ma famille ici, j’ai voulu quitter la maison et me débrouiller seule mais je n’ai pas réussi, avoue-t-elle. Maintenant, c’est trop dur." Un enfant, un ami, une tante, quelqu’un peut-il l’aider ? "Non, personne, répond la Martiniquaise. Même mon fils m’a zappée".
"Notez Madame !" Un homme imbibé d’alcool s’avance et tient à faire entendre sa voix. Après quelques mots de créole, l’évocation de la Guadeloupe, il parle d’un ton assuré. "La réalité c’est ce que je vais vous décrire, celle d’une chute, dit-il, le doigt pointé vers le ciel. On perd un emploi, des amis, un domicile et une identité. C’est une spirale, un tourbillon et une honte parce que jamais on le dira à la famille, ici ou là-bas. Le jour où j’ai eu des poux, j’ai trouvé la motivation pour quitter la rue et m’en sortir". Du haut de ses deux mètres, cet homme avoue qu’aujourd’hui, sa condition est meilleure, même s’il y a encore des jours difficiles.
Soledad, comme la surnomment les autres habitués du lieu, est emmitouflée dans plusieurs épaisseurs de vêtements. Sous son long manteau beige, sali par la rue, son sac à dos qu'elle ne quitte jamais. A l’intérieur, le peu d’affaires qui lui restent.
"Même mon fils m’a zappée"
"C’est en juillet dernier que tout à basculé", murmure-t-elle. Depuis, il y a eu la rue et cet hébergement d’urgence, le Chapsa (le Centre d'Hébergement et d'Assistance aux Personnes Sans Abri), à Nanterre (Hauts-de-Seine). Soledad a réussi à obtenir une place. Tous les soirs, Porte de la Villette, elle prend un bus affrété par la préfecture de police de Paris, pour aller dormir dans ce centre avec des dizaines d’autres sans-abris. "Il y a peu de sécurité là bas, mais un lit. C’est mieux que la rue…"Née en Martinique en 1961, Soledad quitte son île, le bac en poche, à l’âge de 18 ans. "En arrivant en métropole, j’ai trouvé du boulot facilement, j’ai même été attachée de direction", se souvient dans un souffle de voix cette femme qui n'a plus rien. La tête rentrée dans le col de son manteau, Soledad est rongée par la honte. "Un jour, j’ai eu des problèmes avec ma famille ici, j’ai voulu quitter la maison et me débrouiller seule mais je n’ai pas réussi, avoue-t-elle. Maintenant, c’est trop dur." Un enfant, un ami, une tante, quelqu’un peut-il l’aider ? "Non, personne, répond la Martiniquaise. Même mon fils m’a zappée".